
« Le ratio moyen cessions sur NAV s’établit autour de 10 à 12 % sur un an en Europe, soit moitié moins que la moyenne historique », François Jerphagnon, Ardian France
Dans le sillage des deux dernières années, le premier semestre de 2025 ne s’est pas traduit par le rebond tant espéré du nombre de cessions, l’activité dans ce domaine ayant continué d’être tirée par les actifs dits premium. Pour de nombreux GPs qui font face à la pression croissante de leurs LPs afin de remonter des liquidités, l’étau se resserre toujours plus.
La sortie est dans les rêves. » Force est de constater que le marché français du private equity pourrait faire sienne cette citation extraite de Mû, la cité perdue, une énième aventure du marin Corto Maltese né sous les traits de crayon d’Hugo Pratt. Dans son étude annuelle publiée en mars, France Invest faisait état, au titre de 2024, de cessions « en-deçà du niveau attendu au vu des investissements réalisés ces dernières années ». Avec 1 281 ventes réalisées – pour un montant global de 11,9 milliards d’euros –, soit quasiment autant qu’un an plus tôt (1 276), les GPs hexagonaux n’étaient en effet pas parvenus à égaler l’activité de 2021 (1 433) et 2022 (1 416) dans ce domaine.
Mécaniquement, cette « contre-performance » a contribué à allonger la durée moyenne de détention des actifs, autour de sept ans. Une situation d’ailleurs loin d’être circonscrite aux acteurs tricolores. Selon Preqin, 51,1 % des participations des fonds de private equity européens sont présentes dans les portefeuilles depuis six ans et plus, contre 37,9 % en 2023 et 31,6 % en 2021. Autre illustration du caractère symptomatique de la situation actuelle, « le ratio moyen cessions sur NAV s’établit autour de 10 à 12 % sur un an en Europe, soit moitié moins que la moyenne historique », relève François Jerphagnon, directeur général d’Ardian France et responsable d’Ardian Expansion.
Des multiples toujours élevés
Mais alors que beaucoup espéraient une accélération des exits en 2025, le début d’année s’est soldé par un bilan contrasté. Certes, le tableau général est loin d’être noir. « En dépit d’un environnement macroéconomique moins porteur et d’une situation politique fragile en France, les cessions d’entreprises domestiques ont porté sur un montant global avoisinant 12 milliards d’euros lors du premier semestre, soit un niveau comparable à la moyenne des trois années précédentes. Si quelques transactions valorisées près d’un milliard d’euros ont soutenu l’activité, le nombre de deals est resté relativement stable », commence par observer Guillaume Tobler, associé chez Bain & Company. Preqin recense une trentaine de sorties effectuées par des GPs français entre janvier et juin, avec une large partie bouclée sur la fin de cette période. « Dans le prolongement de la fin de l’année 2024, le premier trimestre était plutôt attentiste, avec peu de nouveaux dossiers à l’achat, mais néanmoins actif sur les sujets de portefeuille, pour l’essentiel des opérations de build-up, notamment à l’international, et des refinancements. Nous avons ensuite observé une reprise du marché dès le deuxième trimestre », confirme Diana Hund, associée chez McDermott Will & Emery.
Quelques belles transactions ont ainsi été enregistrées, à l’instar de la cession par Sagard de Nutrisens au profit de Cinven (valorisation de plus de 700 millions d’euros, soit près de 17 fois l’Ebitda) aux termes d’un process ultra-concurrentiel ayant mêlé sponsors et stratégiques, celle par TA Associates de Solabia auprès d’Astorg (1,1 milliard d’euros, autour de 20 fois l’Ebitda) ou encore celle par Bridgepoint du courtier Kereis à Advent (valorisation de plus de 2 milliards d’euros, lire Histoire page 24). « Les niveaux de valorisation restent élevés et certains actifs cédés lors du semestre l’ont été sur la base de multiples parfois au-delà de 20 fois l’Ebitda, y compris en dehors de la tech », fait remarquer Guillaume Tobler. Dans ce contexte, certains fonds midcap ont largement tiré leur épingle du jeu. C’est le cas tout particulièrement de Sagard, qui n’a pas scellé moins de six cessions lors de la première partie de l’année (Alvest, Sterimed, Ceva, Nutrisens, Adit et Climater). « Qu’elles aient été préemptées (Sterimed, Nutrisens) ou aient fait l’objet d’un processus organisé, toutes nos cessions ont été bouclées en l’espace de quelques semaines, dans des conditions extrêmement favorables », se réjouit Antoine Ernoult-Dairaine, un de ses associés. De fait, la société de gestion a enregistré des retours compris entre 2,5 et 4,2 fois sa mise initiale. De bon augure alors qu’elle vient de démarrer la levée de son cinquième véhicule – le fonds IV (850 millions d’euros) est déployé à 93 % – pour lequel elle vise une taille d’un milliard d’euros. Un premier closing est attendu d’ici à la fin de l’année.


