
« Je n’ai pas choisi d’être avocate, mais d’être fiscaliste. Cette matière aride devient vivante quand elle est maniée au service de nos clients. C’est un subtil travail d’équilibriste qui relève presque du défi intime », Sabina Comis, Dechert
Nommée global managing partner de Dechert il y a deux ans, l’avocate fiscaliste est une des rares personnalités européennes à s’être hissée au sommet d’un cabinet américain. Aussi à l’aise dans la structuration des fonds que dans le conseil fiscal des transactions, l’Italienne qui a adopté la France navigue avec naturel entre différents milieux et codes culturels.
Décrypter le projet de Trump de suppression de la niche fiscale sur le carried interest, analyser l’impact de la loi Industrie verte sur l’ouverture du non coté aux particuliers ou tout simplement commenter les principales tendances de marché du private equity… Sabina Comis est sur tous les fronts. Rarement un avocat fiscaliste aura été autant mis en lumière. Mais il faut dire que l’associée de Dechert dispose de ce talent des grands scientifiques qui vous donnent l’impression de comprendre la physique quantique quand ils l’expliquent avec passion et pédagogie. Encore moins communément une associée européenne d’un grand cabinet américain aura été promue au plus haut grade de global managing partner comme elle l’a été en juillet 2023, seule femme dans un quatuor composé de trois autres associés américains. À l’exception, peut-être, de Christine Lagarde chez Baker McKenzie. Mais on se gardera bien de pousser la comparaison trop loin pour ne pas embarrasser la fiscaliste, restée humble et accessible malgré son ascension fulgurante.
Éducation cosmopolite
Si elle se prête plus volontiers à l’exercice de questions/réponses sur le private equity qu’à une narration narcissique de son parcours personnel, Sabina Comis n’était pourtant pas destinée à une carrière dans le droit ou la finance. « Une artiste qui a mal tourné », se décrit celle qui ne manque pas d’autodérision. Née dans une famille italienne évoluant dans le milieu de la mode, elle doit son français parfait et sans accent à ses années de pensionnat en Suisse. Une éducation cosmopolite complétée par son cursus universitaire au sein de la London School of Economics, préférée à la plus snob Oxford, où elle côtoie des étudiants de tous horizons culturels et se forge une vision du monde ouverte sur la diversité. Sabina Comis fait alors ses premières armes dans le droit chez Freshfields, d’abord à Londres, puis à New York, où elle découvre le charme subtil de la fiscalité et le milieu feutré du private equity.
« Je n’ai pas choisi d’être avocate, mais d’être fiscaliste. Cette matière aride devient vivante quand elle est maniée au service de nos clients. C’est un subtil travail d’équilibriste qui relève presque du défi intime », confie cette technicienne passionnée par les structures complexes comme un joueur d’échecs grisé par les infinies possibilités de l’échiquier. Après son début de carrière purement anglo-saxon, la jeune avocate d’affaires migre à Paris « sur un coup de tête », un peu pour l’attraction romantique de la Ville Lumière, surtout pour l’assurance de cette citoyenne du monde d’être un peu chez elle partout. Même si les premières années sans réseau et sans certaines références de l’entre-soi parisien n’ont pas été exemptes de moments de solitude et si, parfois, le tempérament solaire et spontané de l’Italienne a pu dénoter dans certains cercles plus austères. D’où le choix de cabinets anglo-saxons où son profil cosmopolite n’allait a minima pas la desservir et même plus tard la propulser.
« Un roc solide dans le chaos d’un deal »
Embauchée dans l’équipe du cador de la fiscalité chez Linklaters Philippe Derouin en 2000, elle renouera avec Freshfields au sein de l’équipe parisienne deux ans plus tard avant de rejoindre Taj en 2005. « J’étais très impressionné par sa créativité et sa force de travail hors du commun qui en font un roc solide au milieu du chaos d’un deal », décrit Arnaud Mourier, associé de Taj responsable de l’équipe fiscale, qui l’a côtoyée à cette période. Sur un plan plus personnel, l’avocat fiscaliste brosse le portrait d’une jeune femme à la fois bienveillante et combative, alliée des minorités et d’une extrême délicatesse envers les autres. Deux ans plus tard, c’est chez Mayer Brown que Sabina Comis peaufinera pendant près de dix ans sa connaissance approfondie de l’industrie du private equity combinée à son expertise fiscale, lui permettant de traduire ses conseils en chiffres et en modèles tangibles pour ses clients. Son spectre d’intervention évolue à l’aune de la montée en puissance du secteur et de sa mutation vers l’industrie de l’asset management. « Ma manière de travailler s’accorde parfaitement au rythme de l’asset management avec des périodes d’accélération intenses suivies de courtes pauses », résume celle qui se décrit comme une sprinteuse plutôt qu’une coureuse de fond.
REPÈRES
>>> Née en 1973 en Italie
>>> 1992-1995 : The London School of Economics and Political Science (LSE)
>>> 1995-1996 : University of Cambridge
>>> 1997-2000 : Freshfields, Londres, puis New York
>>> 2000-2002 : Linklaters, Paris
>>> 2002-2005 : Freshfields, Paris
>>> 2005-2007 : Taj, Paris
>>> 2007-2016 : associée en fiscalité et structuration de fonds chez Mayer Brown
>>> Depuis 2016 : associée chez Dechert, codirige le bureau parisien depuis 2021. Nommée global managing partner en 2023
DECHERT LLP
Dechert est un cabinet international d’origine américaine créé en 1875 à Philadelphie. Aujourd’hui, avec plus de 1 000 avocats multiculturels à travers le monde, Dechert s’est développé dans les principaux centres d’affaires avec 19 bureaux en Europe, aux États-Unis, au Moyen-Orient et en Asie. Dechert se définit comme un cabinet d’expertises dont le positionnement est fondé sur la spécialisation métier et sectorielle. Le cabinet revendique plus de 300 clients dans le domaine du private equity et des investissements privés, avec une équipe intégrée au niveau mondial et composée de plus de 350 avocats spécialisés. Le bureau de Paris compte plus de 70 avocats qui interviennent en concurrence et droit communautaire, en contentieux et compliance, en corporate/M&A, en financement, en fiscalité, en propriété intellectuelle, en sciences de la vie, en services financiers & gestion d’actifs et en droit social.