
« La plupart de nos participations s’appuient sur un réseau de sous-traitants pour la production », Anthony Dubut, InnovaFonds
Accompagnant un mouvement de réindustrialisation encouragé par les pouvoirs publics, les fonds intègrent les industries dans leurs portefeuilles. Ils privilégient néanmoins des activités asset light sous-traitant l’essentiel de la production pour se concentrer sur la R&D.
L’industrie change, son actionnariat aussi. Inscrites dans un mouvement de modernisation et de digitalisation, les entreprises industrielles attirent des capitaux. Aux côtés de quelques spécialistes, comme Yotta Capital ou InnovaFonds, et de généralistes ayant placé l’industrie de niche et les services industriels dans leurs thématiques de prédilection, à l’image de Siparex ou d’Andera Partners, le spectre des investisseurs se penchant sur ces sociétés s’étoffe. « Il y a un retour en grâce de certains secteurs industriels, en particulier les industries de souveraineté, note Benjamin Giner, managing partner de la banque d’affaires Amala Partners. L’exemple le plus flagrant porte sur la défense (cf encadré ci dessous), mais cela concerne également les sujets de transition énergétique. »
Le baromètre annuel d’activité du private equity, établi par France Invest, place en effet l’industrie en tête des secteurs adressés par les fonds. En 2024, celle-ci concentrait 26 % des montants investis dans l’année et 24 % des entreprises accompagnées. Ces chiffres doivent néanmoins être relativisés, puisqu’ils incluent à la fois les biens et les services industriels. Ils comptabilisent donc des entreprises n’ayant aucune activité de production ou d’assemblage, comme les prestataires de maintenance par exemple. L’environnement géopolitique, marqué en particulier par une politique douanière américaine assez agressive, a pu également tempérer l’appétit des fonds pour certains dossiers. « Cette instabilité a pu ralentir, voire mettre en suspens certaines opérations portant sur des entreprises exportant beaucoup outre-Atlantique », constate Michel Degryck, à la tête de la banque d’affaires Investec Advisory France (ex-Capitalmind).
Les investissements dans le secteur restent en tout cas fortement encouragés par les pouvoirs publics. La crise du Covid et ses conséquences sur de nombreuses chaînes d’approvisionnement ont remis sur le devant de la scène les enjeux d’une réindustrialisation du territoire. À l’origine de la création de la FrenchFab en 2017, Bpifrance a plus récemment lancé un plan de près de 40 milliards d’euros de programmes d’accompagnement et de financement pour la période 2025-2029. L’objectif ? Faire monter en puissance les industries existantes et en faire naître de nouvelles. « Il y a eu des initiatives fortes de la part des pouvoirs publics pour faire émerger les industries du futur, constate Anthony Dubut, associé-gérant d’InnovaFonds et coprésident de la commission Industrie et transition écologique de France Invest. Ces projets sont extrêmement capitalistiques, car les sites de production doivent être construits de A à Z. De plus, ils sont portés par de jeunes entreprises qui disposent d’une technologie, d’un concept, mais pas d’expérience d’industrialisation. In fine, ces deals, portés par des fonds de growth, ont été assez peu nombreux. Les investisseurs se concentrent plus sur les industriels existants afin de financer une augmentation de leurs capacités de production et de les accompagner dans la consolidation du marché. » Le GP s’est par exemple allié à Capza Expansion pour épauler Béton Solutions Mobiles dans l’installation de nouvelles centrales à béton, grâce à une enveloppe globale de 70 millions d’euros de financement, dont près de 30 millions d’euros dédiés aux capex.