Alors que les LPs sont de plus en plus sophistiqués et que le private equity s’impose davantage dans leurs allocations, les gérants de fonds de fonds ont adapté leurs stratégies au profit d’offres sur mesure, d’une spécialisation accrue et d’une plateformisation quasi systématique avec le secondaire et le co-investissement. L’arrivée sur le marché d’une clientèle moins équipée pourrait leur assurer un nouveau relais de croissance.
Access Capital Partners sera sur la route avec deux fonds de fonds en 2025. Le premier a démarré sa levée dans le courant de 2023 et devrait être en mesure de réaliser son closing initial dans quelques mois, possiblement avant l’été. Il a vocation à soutenir des équipes d’investissement émergentes européennes en souscrivant en moyenne à hauteur de 50 % de la taille cible de leur first time fund. Le second est lui aussi programmé pour être mis en mouvement au cours du semestre ; il s’agira du dixième opus de l’Access Capital Fund Growth Buy-out Europe, le flagship de la plateforme également active en infrastructures et co-investissement. Il visera 650 millions d’euros, en ligne avec les 675 millions récoltés par son prédécesseur, millésime 2022. « Le marché du fonds de fonds en général est en baisse, car permettre l’accès à des fonds mid et large cap est devenu une commodité pour beaucoup de LPs.
En revanche, nous restons convaincus qu’il y a une vraie valeur à pouvoir qualifier et sélectionner les 15 meilleurs GPs small cap parmi les quelque 600 existant en Europe, y compris pour des souscripteurs très sophistiqués, connaissant bien le marché du private equity et eux-mêmes équipés pour faire de la sélection de fonds, assurent Agnès Nahum et Philippe Poggioli, associés cofondateurs d’Access Capital Partners. D’ailleurs, nos dernières générations de fonds de fonds affichent un multiple net de deux fois la mise, un retour assimilable à celui de fonds directs performants, mais avec une moindre volatilité. De même, alors que les fonds mid et large cap ont généré peu de liquidités au cours des trois dernières années, nous avons enregistré pour notre part trois exercices de distributions très au-dessus des moyennes de marché. » Souscrivant à des fonds levant en moyenne 250 millions d’euros et au maximum 500 millions, stoppant les re-up une fois qu’ils dépassent le milliard d’euros, Access CP tient à cette discipline dont le corollaire est une grande granularité dans le sourcing des opportunités d’investissement au niveau européen et une grande implication dans le suivi des fonds en portefeuille. Ses tickets représentent généralement 30 % des levées auxquelles il participe et ses partners sont aux comités de tous les véhicules.

« Nous n’avons plus aucune visite de gérants de fonds de fonds souhaitant lever du capital institutionnel. La classe d’actifs Private equity est désormais installée et beaucoup d’institutionnels sont capables de faire leur propre sélection de fonds ; certains laissent encore une part de leur allocation dans des anciens fonds de fonds qui ont muté vers le modèle du mandat sur mesure, certes, mais « moins rémunérateur »», Jean-Philippe Boige, Reach Capital
Gestionnaires de mandats dédiés
Tout en tordant le cou aux Cassandre annonçant régulièrement la fin des fonds de fonds et mettant en avant leurs risques – conflits d’intérêts lorsque les souscriptions primaires sont plus ou moins conditionnées à des opportunités de co-investissement et de secondaire, double couche de fees… –, l’exemple d’Access Capital Partners, qui fêtera en fin d’année ses 27 ans d’existence, illustre aussi la vertu de la spécialisation et de la segmentation de telles stratégies. « Nous n’avons plus aucune visite de gérants de fonds de fonds souhaitant lever du capital institutionnel. La classe d’actifs Private equity est désormais installée et beaucoup d’institutionnels sont capables de faire leur propre sélection de fonds ; certains laissent encore une part de leur allocation dans des anciens fonds de fonds qui ont muté vers le modèle du mandat sur mesure, certes, mais “moins rémunérateur”, témoigne Jean-Philippe Boige, associé chez Reach Capital. Je vois deux raisons à ce changement de paradigme : d’un côté les tensions géopolitiques rendent moins intéressante, pour un investisseur, la stratégie “multipolaire” consistant à aller s’exposer sur plusieurs continents ; de l’autre, avec des lignes de métiers constamment en levée de fonds, les plateformes jouent désormais le rôle qu’offraient auparavant les fonds de fonds en termes de diversification géographique, par stratégie, par millésime… Cela dit, pour ceux qui ont su maintenir une discipline stricte au fil des cycles, il reste une prime à capter. Les fonds de fonds ultra-spécialisés, capables de générer de l’alpha dans des niches ou sur le bas du marché, conservent toute leur pertinence. »

« Nous restons convaincus qu’il y a une vraie valeur à pouvoir qualifier et sélectionner les 15 meilleurs GPs small cap parmi les quelque 600 existant en Europe, y compris pour des souscripteurs très sophistiqués, connaissant bien le marché du private equity et eux-mêmes équipés pour faire de la sélection de fonds », Philippe Poggioli, Access Capital Partners
Au gré de la professionnalisation des acteurs de l’investissement et de leurs souscripteurs, institutionnels comme family offices, l’enjeu serait donc davantage de leur ouvrir une porte vers des marchés sur lesquels ils auraient a priori moins de contacts que de leur donner un accès hyper diversifié aux « usual suspects » du LBO, du venture ou de la dette privée. « Certains clients continuent à déléguer intégralement cette activité de sélection de fonds, notamment des institutionnels ou des family offices qui, pour certains, font leur entrée sur la classe d’actifs, et d’autres nous confient des mandats sur une partie seulement du marché, pour viser spécifiquement un segment ou une zone géographique. Nous voyons beaucoup d’appétit pour le midcap, car il présente une plus grande optionalité en termes de sorties, mais nous conseillons généralement d’avoir une allocation équilibrée, illustre Marie-Victoire Rozé, senior managing director et co-responsable adjointe de la plateforme Secondaries & primaries d’Ardian. Cela a beaucoup de sens de commencer à appréhender un nouveau marché via un programme de fonds primaires. En outre, ces mandats offrent une capacité de recyclage des produits de cession et une durée généralement plus longue que les fonds fermés. Nous observons également une demande forte pour des mandats dédiés aux infrastructures et à la transition énergétique. »
Relégué derrière le secondaire
L’évolution des stratégies de fonds de fonds est aussi étroitement liée à l’essor du secondaire à la fois dans l’actualité des marchés privés et dans les allocations des LPs. Même dans la communication faite par les GPs autour des initiatives qu’ils prennent sur ces segments, par exemple lors du lancement de véhicules successeurs, l’accent est mis sur les briques de secondaire et de co-investissement, faisant presque oublier que leurs programmes comportent pour la plupart aussi un volet primaire. D’ailleurs, les mêmes assument généralement le fait que leurs transactions secondaires et leurs co-investissements sont bien souvent réalisés aux côtés de GPs chez qui ils ont souscrit avec leurs poches dédiées. « Nous avons racheté l’activité de fonds de fonds d’ACG en 2018 pour en faire la brique fondatrice de notre plateforme, en considérant que la connaissance intime de GPs internationaux était un avantage compétitif notable et nous permettrait d’étendre notre offre dans différentes directions. La première est l’investissement thématique, puisque nos stratégies dédiées à la tech et à la transition énergétique mettent à profit ce “backbone d’informations” que sont les fonds de fonds pour se déployer en primaire, en secondaire et en co-investissement, explique Nicolas Chaput, responsable de toute l’activité de gestion d’actifs d’Oddo BHF. Le deuxième axe est le secondaire, que nous avons développé dès 2018 et d’autant plus facilement que le fonds de fonds permet de nouer des relations avec des gérants et procure une bonne compréhension de leur track record, du type de sociétés dans lesquelles ils investissent… À ce stade, nous n’avons donc pas pour projet de relancer de purs fonds de fonds primaires, mais davantage de capitaliser sur ce savoir-faire pour développer nos autres stratégies. »
Groupama AM lance un fonds de fonds retail hybride

Selim Boughalem, responsable de la gestion multi-asset chez Groupama AM
Groupama AM poursuit son exploration des marchés privés en s’appuyant sur les possibilités offertes par la loi Industrie verte. En partenariat avec Groupama Gan Vie et Groupama Assurance Mutuelle, autres filiales du groupe mutualiste, il a dévoilé un fonds de fonds non coté evergreen et accessible via les contrats d’assurance-vie et les plans d’épargne retraite. Nommé Groupama Multi Private Assets, il sera déployé dans des fonds de private equity et de dette privée : les premiers représenteront entre 55 et 70 % de ses engagements et les seconds se situeront entre 20 et 40 %. Les fonds sélectionnés peuvent être gérés par des sociétés de gestion tierces ou par Groupama AM. Le véhicule sera aussi constitué d’une poche d’actifs liquides cotés pour en assurer la liquidité et la diversification (entre 10 et 25 % des investissements). Enfin, il offre une possibilité de souscription/rachat quotidienne pour le porteur.
Si Groupama est depuis longtemps LP de fonds de capital-investissement au sens large, sa filiale de gestion d’actifs y a mis un premier pied en 2022 avec le lancement d’une stratégie de dette privée confiée à Emmanuel Daull. Elle est aujourd’hui incarnée par deux fonds : l’un d’impact social et l’autre dédié au financement d’entreprises de la filière agroalimentaire. Ce dernier est entré en phase de déploiement à l’automne 2024 à la suite de son closing initial de 100 millions d’euros abondé essentiellement par Groupama. Son objectif a été fixé à 200 millions d’euros et son hard cap se situe à 300 millions.
PSS IV (Cedrus & Partners) est à mi-route

Cedrus & Partners a réalisé le quatrième closing de son quatrième fonds de fonds Private Stars Selection. Lancé le 17 octobre, il a sécurisé environ 70 millions d’euros sur une taille cible de 100 à 120 millions. Distribué comme ses prédécesseurs par des réseaux de CGP, des banques privées et des multi-family offices, en France et au Luxembourg, il s’adresse à des investisseurs avertis capables d’engager des tickets d’au moins 100 000 euros. « Nous avons déployé environ 60 % du fonds en réalisant six investissements* sur les dix que nous visons, indique William Guilloux, directeur des investissements de la boutique. Parmi les thématiques que nous avions identifiées comme porteuses lors de son lancement, il nous en reste quatre à couvrir : la santé, les pays scandinaves, le buyout midcap américain et la décarbonation. Sur ce dernier sujet, il nous faut discuter en détails avec les entrepreneurs des sociétés visées pour bien positionner notre stratégie au vu de l’actualité récente ; sur les trois autres, nous avons identifié des gérants avec qui nous aimerions travailler. Nous visons aussi deux co-investissements avec des gérants que nous avons en portefeuille. » L’intégralité du fonds devrait être déployé d’ici à l’automne.
*Alpinvest ASF VIII, Neuberger Berman Strategic Co-Investment Partners Fund V, Oaktree – Opportunity Fund XII, Asterion Industrial Infrastructures III, EQT Infrastructure VI, K1-K6
Altaroc met sur orbite son cinquième fonds, Odyssey 2025, d’une taille cible de 400 M€

Frédéric Stolar, managing partner et fondateur d’Altaroc
Altaroc s’est fixé pour objectif de collecter 400 millions d’euros avec Odyssey 2025, son cinquième fonds de fonds millésimé dont la souscription a démarré au début d’avril. Cette cible est identique à celle du véhicule antérieur. Comme ses prédécesseurs, celui-ci se déploiera via des souscriptions à des fonds de buyout et de growth de GPs internationaux, ainsi qu’en co-investissement. Dans le détail, Odyssey 2025 a d’ores et déjà engagé un ticket de 60 millions d’euros dans le fonds Hg Saturn 4 et 52 millions de dollars dans deux véhicules d’Insight Partners (Insight Partners XIII, Insight Partners GBF XIII).
Il poursuit ses due diligences sur cinq autres fonds gérés par Hg (Hg Mercury 5), Great Hill Partners (Great Hill Equity Partners IX), Inflexion (Inflexion Buyout Fund VII), New Mountain Capital (New Mountain Strategic Equity Fund II) et Nordic Capital (Nordic Capital XII). Tous sont actuellement sur la route avec des objectifs de levées compris entre 11 milliards de livres sterling et 90 milliards de dollars.
Depuis son démarrage en 2021, Altaroc a collecté 1,4 milliard d’euros auprès de 7 000 investisseurs privés. Il leur a donné accès à 19 GPs internationaux et 400 entreprises sous-jacentes actives dans quatre secteurs que sont l’édition de logiciels, les services aux entreprises, la santé et le digital BtoC. Ses propres fonds sont distribués au Benelux, en France, en Suisse et, bientôt, en Allemagne.