
« Beaucoup prennent leur nouveau rôle de dirigeant par volonté et non par loyauté envers leur parent ou leur famille. Cette évolution a pour corollaire un intérêt plus grand, ou une meilleure connaissance, de cette nouvelle génération pour les mécanismes financiers et les possibilités d’accompagnement par des investisseurs qui se présentent à elle », Blandine Pessin-Bazil, For talents
Plus de 70 % des entreprises françaises sont des sociétés familiales et une sur deux « se trouvera en situation de transmission » au cours des dix prochaines années. Ce constat mérite de documenter et de prendre à bras le corps ce phénomène de succession afin de l’accompagner au mieux et ainsi d’assurer la préservation de ce tissu entrepreneurial. C’est tout l’intérêt du baromètre de la transmission des entreprises familiales réalisé par EY, For talents et le Family Business Network.
Le pacte Dutreil va peut-être faire les frais des débats budgétaires en cours au Parlement. Certes, le parcours législatif du projet de loi de finances est encore long et sa version définitive loin d’être promulguée ; pour autant, ce dispositif d’exonération, sous certaines conditions, des droits de mutation lors de la transmission d’une entreprise familiale, apparaît clairement dans le collimateur des parlementaires. Un amendement a ainsi été voté, en première lecture à l’Assemblée nationale, qui durcit les critères permettant d’en bénéficier afin d’en diminuer le coût pour la collectivité, estimé à 5 milliards d’euros. Hasard du calendrier, ces discussions ont lieu alors que vient d’être publié, par EY, For talents et le Family business network (FBN), le premier baromètre de la transmission des entreprises familiales*.
Parmi les nombreux sujets couverts par cette étude figure précisément la façon dont les parties prenantes à une telle opération intra-familiale en gèrent la complexité, qu’elle soit humaine, fiscale ou financière. Il en ressort que 85 % des personnes interrogées ont utilisé le pacte Dutreil dans ce cadre, le plus souvent dans une logique de répartition égalitaire des titres de l’entreprise familiale entre les descendants du cédant. « Les répartitions équitables fondées sur l’implication effective et opérationnelle d’un seul des enfants ne concernent qu’un quart des cas. Dans ce cadre, la donation, souvent sous forme de donation-partage, est la voie de transmission la plus courante : 71 % côté transmetteur. Cette formule est particulièrement appréciée pour assurer une égalité perçue entre les enfants grâce à un cadre clair », peut-on lire dans le baromètre.
Temps long…
Dans le contexte actuel où les questions de souveraineté et de « réarmement économique » reviennent au premier plan, ce sujet de la transmission des entreprises familiales prend une dimension particulière. Celle-ci est exacerbée par le fait que les transmetteurs comme les receveurs mettent au premier rang de leurs priorités – c’est le cas pour 80 % des premiers et 88 % des seconds – la pérennisation de la société faisant l’objet d’une succession et de ses valeurs. C’est donc bien du maintien d’un tissu entrepreneurial et industriel dynamique et vivant dont il est question, sachant que, selon une autre étude réalisée en 2023 par Le Lab de Bpifrance**, « dans la décennie à venir, plus d’une PME et ETI sur deux se trouvera en situation de transmission ». « L’accompagnement des transmissions intra-familiales pour assurer la pérennité de ces entreprises est assurément un enjeu de souveraineté, confirme Blandine Pessin-Bazil, associée chez For talents. Peu d’investisseurs financiers se saisissent pourtant de ce sujet, à l’exception d’acteurs comme Bpifrance ou des fonds bancaires. Nous-mêmes en avons fait le cœur de notre stratégie d’investissement et appelons de nos vœux l’émergence d’autres acteurs du private equity sur ce segment, avec lesquels nous pourrions d’ailleurs co-investir, pour peu qu’ils soient prêts à accepter le temps un peu plus long et le côté émotionnel que recèle une opération de ce type. »



