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D.R.

Tous les métiers ont leurs anecdotes qui, à force d’être diffusées et transmises par le bouche-à-oreille, en deviennent presque proverbiales, voire mythiques tout en restant, sinon dérisoires, au minimum difficilement compréhensibles pour les non initiés. De manière beaucoup plus prosaïque, le monde du financement structuré bruisse lui aussi de telles observations circulant de cabinets d’avocats en banques d’affaires et de sponsors en prêteurs. En l’occurrence, tout un chacun a entendu parler de ces fonds d’unitranche n’ayant pas hésité, au cours des derniers mois, à casser leurs prix pour remporter une enchère pour un actif considéré particulièrement qualitatif, passant sous le « seuil psychologique » des 5 % de marge, à 4,75 % précisément. Sans remettre en cause la véracité de ce constat, celui-ci mérite tout de même d’être nuancé au sens où de tels comportements ne sont pas encore devenus la norme ni un nouveau standard de marché. À en croire l’indice Aether FS Unitranche France du premier trimestre 2025, les marges moyennes au closing ont certes reculé sur trois mois (-4,7 % par rapport au quatrième trimestre 2024) et sur un an (-7 %), mais sont restées au-dessus de 6 %, « niveau cohérent pour les unitranches », commente l’intermédiaire, qui ajoute : « les marges au closing suivent la tendance des leviers sans pour autant que cela soit proportionnel ». Ceux-ci « se contractent pour s’établir à 4,13 fois en moyenne au premier trimestre 2025, en recul de 8,5 % par rapport à la fin de 2024 et de 2,7 % par rapport au premier trimestre 2024. L’incertitude politique imprimée par Donald Trump se ressent dans la prudence opérée dans l’endettement au closing des nouvelles opérations. »

Contraction des prix

Il n’empêche, de tels faits de marché sont, à n’en pas douter, l’un des signes les plus probants de la concurrence exacerbée qui règne en ce moment sur le marché du financement, entre les fonds de dette privée et avec les banques. Celle-ci n’est certes pas entièrement nouvelle, mais a plutôt tendance à se renforcer dans un contexte où les deals de qualité sont moins nombreux et où les liquidités restent, malgré tout, abondantes et doivent donc être déployées. « Nous constatons une pression globale sur les prix, mais elle se manifeste de manière différenciée selon les opérations. Sur les actifs les plus qualitatifs, les unitrancheurs sont très présents et peuvent se montrer assez agressifs ; ceci dit, ces dossiers ne sont pas si nombreux que cela. Depuis deux ans, assez peu de deals sur des entreprises réalisant de 20 à 30 millions d’euros d’Ebitda sont finalement allés au bout et sortis sous forme de LBO majoritaire », pointe Frédéric Baslé, responsable des financements structurés du LCL, citant comme exemples récents les opérations sur Ekoscan (Eurazeo), Estya (Charter­house) et Nutrisens (Cinven). Comme leurs confrères de l’equity, les gérants de fonds d’unitranche ont donc faim et souvent de grande quantité de capitaux à déployer, mais se heurtent à une problématique de qualité de leur deal flow depuis 18 à 24 mois. Alors, lorsqu’ils trouvent une pépite, ils sont prêts à toutes les concessions pour l’obtenir, ne laissant que peu de chances aux banques pour se positionner.

En large cap, la situation est à peu près similaire, voire renforcée par la rareté encore plus prononcée des transactions en dépit d’un petit feu de paille en début d’année avec les annonces consécutives d’une poignée d’opérations de LBO de plus d’un milliard d’euros : Ceva Santé animale (9 milliards), Opella (16 milliards), Diot-Siaci (plus de 4 milliards), European Camping Group et Akuo (plus de 2 milliards)… Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les prix des crédits se sont également effondrés. « En 2023, nous recevions une rémunération d’Euribor +550 points de base. Notre marge est retombée à 400 points de base environ l’année dernière. À la fin de février 2025, elle évoluait autour de 350 bps au-dessus de l’Euribor avant de s’établir à 375-400 bps aujourd’hui », témoigne Rémy Chupin, responsable de l’activité de leveraged loans chez Scor IP. Lui intervient le plus souvent dans le cadre de syndications pouvant dépasser le milliard d’euros, sur des entreprises dont les Ebitdas sont de l’ordre de 200 à 250 millions, avec des tickets d’environ 25 à 30 millions d’euros. Cette année, il a notamment participé au tour de table monté par CD&R autour de l’activité grand public de Sanofi. Les encours de son principal véhicule de leveraged loans approchent du milliard d’euros.

Les praticiens du marché constatent aussi que les prêteurs privés hésitent moins à descendre non seulement en prix, mais aussi en taille de sous-jacents. Ainsi, les lignes tendent à se flouter entre des segments de marché jusqu’à présent à peu près stabilisés et sur lesquels les rapports de force semblaient établis : aux banques le small et le large cap, tandis que les fonds de dette privée s’écharpaient sur un midmarket où leur part de marché continue régulièrement à s’accroître. « Nous voyons des unitrancheurs capables d’intervenir sur des Ebitdas très réduits, de l’ordre de 3 millions d’euros, même si le small cap reste encore très largement bancarisé, témoigne Charles-Emmanuel Pascal, responsable des activités de financements structurés ICB à la Société Générale. Sur le midcap, le marché est davantage opportuniste et se partage entre des opérations de refinancement ou d’add-on sur lesquelles nous pouvons nous positionner et préserver nos positions, et quelques transactions M&A qui sortent souvent en unitranche. Toutefois, lorsque l’activité M&A repartira plus franchement, nous nous attendons à ce que les fonds d’unitranche aient un boulevard devant eux. Cela nous incite, d’une part, à une certaine prudence pour l’avenir et, d’autre part, à être offensifs sur des propositions de prise ferme en alternative. »

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