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L'histoire

PPM et Orefi mènent une course de fonds 03.01.08

Le fonds avait investi fin 1998 dans le numéro deux du négoce et de la distribution de fournitures industrielles… juste avant la récession. Après des années difficiles, son programme a finalement repris à temps le bon chemin pour envisager la sortie.
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Sept ans. A l’heure où les Lbo tournent à vitesse grand V, la présence de PPM au capital d’Orefi au terme d’un septième exercice a quelque chose de suranné. «Cela n’a pourtant rien d’ahurissant, remarque Jean-Lou Rihon, director de la filiale de capital investissement de l’assureur britannique Prudential. Nous qui ne levons pas de fonds, nous pouvons nous permettre d’attendre et travailler sur le plus long terme.» Pour le fondateur du bureau de Paris, Orefi est le premier deal réalisé en France. Il sera suivi du groupe de casinos Moliflor Loisirs, repris en 1999 pour une sortie en 2002, et de Prezioso (services à l’industrie), acquis en 2002 (*).
A l’époque, on aurait pu rêver pour le distributeur de fournitures industrielles un sort comparable à un autre acteur de la distribution spécialisée, coqueluche du capital-investissement : Frans Bonhomme. Mais avec ses 200 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel, Orefi n’en a pas la carrure. Pis, l’industrie est loin d’assurer à ses prestataires la même récurrence de revenus que le BTP. Ni bien sûr la même croissance. Que cela ne tienne, Orefi fera de la croissance externe. Le business plan imaginé par PPM Ventures, rebaptisé PPM Capital au printemps dernier, consacre une large place au build-up. Le groupe fondé dans les années 80 par deux entrepreneurs lyonnais, Pierre Brossette et Marcel Sengelin, se voit bien jouer un rôle actif dans la consolidation inévitable du secteur. Orefi se présente comme une bannière commune prête à regrouper des acteurs sur l’ensemble du territoire et même à l’étranger. L’arrivée de PPM au capital du distributeur se traduit d’ailleurs en moins de deux ans par une acquisition aux Pays-Bas. Marcel Sengelin, alors âgé de 58 ans, prêt à passer la main, reste à la présidence du directoire un temps, afin d’assurer la transition et la formation de son dauphin, Pierre Pouletty, ancien de Steelcase-Strafor, qui a passé une partie de sa carrière à Londres. Mais la stratégie de build-up s’avère plus difficile à mener que prévu. Plus risquée aussi.

Du build-up à la performance

L’affaire batave, Biesheuvel, numéro deux du pays avec ses dix magasins, ne tourne pas comme Orefi l’avait imaginé. L’ex-propriétaire est parti laissant derrière lui plus de travail que prévu. D’autres dossiers sont regardés. «Il y avait souvent une grande différence entre ce que vendaient les pro-forma et le prix demandé par le propriétaire», remarque Pierre Pouletty. «On s’est souvent cassé le nez», renchérit Jean-Lou Rihon en évoquant ce gros dossier en 2001, en Belgique, qui va mobiliser du temps et qui ne sera finalement pas signé.
En 2002, la tension monte encore d’un cran. La France de l’industrie rentre en récession. La situation n’est guère plus brillante ailleurs. La croissance externe devient quasiment impossible. «Les propriétaires voulaient vendre sur un chiffre d’affaires 2001, quand nous, nous étions prêts à payer pour des estimations 2002 beaucoup moins encourageantes», raconte Pierre Pouletty. La grosse soixantaine d’agences du groupe traverse une mauvaise passe. La pression économique des clients se fait plus forte. «Nous nous sommes alors concentrés sur la performance.»
Après le build-up s’ouvre pour Orefi une nouvelle page, d’un business plan plus inspiré cette fois par le retournement. «Nous nous sommes recentrés sur nous-mêmes», explique le nouveau président du directoire. Les chantiers sont multiples. Et le métier particulièrement complexe.

Une organisation complexe
Le négoce technique ou distribution de fourniture industrielle d’Orefi est réorganisé entre plateformes nationales, régionales, et agences de proximité dotées de stocks. 300 000 articles y sont référencés, pour un volume de commandes quotidiennes proches de 12 000 lignes. Première spécialité d’Orefi : la transmission, mécanique et pneumatique et le marché de la maintenance (roulements, courroies, engrenages, robinetterie, etc.). Deuxième segment : l’usinage et le matériel destiné aux process de production (outils coupants, abrasifs, outils de contrôle, lubrifiants, etc.). Avec près de 15% du chiffre d’affaires du distributeur, les équipements de protection individuelles, portés par un environnement règlementaire favorable, représentent désormais le troisième secteur d’activité d’Orefi, devant l’assemblage (adhésifs, soudage, vis et boulons), l’outillage et les équipements (compresseurs, mobilier de rangement, groupes électrogènes, etc.). Orefi est donc un multispécialiste qui doit trouver l’équilibre entre des univers très techniques et une approche commerciale adaptée. Car au nombre de ses clients, figurent des TPE comme de grands sites industriels. «Nous avions besoin de devenir une structure plus commerciale, plus au contact du client. Les grands comptes, par exemple, avaient besoin d’interlocuteurs dédiés et nous avons mis en place une équipe de vendeurs spécialisés», explique Pierre Pouletty, qui mène aussi de front réduction des coûts de structure, mise en place d’un ERP maison, d’un nouveau système logistique suite à une redéfinition de la carte du groupe.

Concurrent direct
Un modèle extrêmement intégré qui jure avec celui retenu par son concurrent, Descours et Cabaud. Issu du commerce de produits métallurgiques, le leader national affiche 454 points de vente, pour un chiffre d’affaires de 2,4 milliards d’euros. Il exploite deux enseignes commerciales, dont Dexis (concurrent direct d’Orefi), qui «fédère» les entreprises du groupe. Descours et Cabaub a aussi fait le choix de laisser chaque entité indépendante en termes d’organisation et même de gamme de produits. «Nous sommes plus proches d’un modèle à la Rexel, avec des points de vente homogènes et des services communs à tous nos sites», expose Pierre Pouletty.
Après deux années noires, l’horizon s’éclaircit enfin pour Orefi, qui a retrouvé son appétit de croissance externe. Bon an mal an, une grosse dizaine d’acquisitions auront été réalisées entre 2004 et 2005 et le double depuis l’arrivée du fonds PPM au capital du distributeur. Plusieurs dossiers devraient encore normalement sortir d’ici la fin de l’année.
Pour une conquête européenne plus laborieuse que prévu qui passe probablement, aujourd’hui, par l’Europe du Sud et quelques opportunités dans les pays de l’Est européen où se précipitent aujourd’hui les industriels. Le maillage du territoire national est lui aussi bien engagé. Pour Jean-Lou Rihon, Orefi est plus que jamais la plateforme idéale pour tout acquéreur décidé à poursuire, sur ce secteur, la consolidation européenne et même la conquête de l’Est.
Marie Guilhem

Repères

> 1987
création d’une société de négoce technique par Pierre Brosette et Marcel Sengelin
> 1991
mise en place d’une enseigne commune de distribution de fournitures industrielles : Orefi
> 1998
Orefi franchit le cap des 50 agences
> décembre 1998
entrée de PPM Ventures
> octobre 2000
acquisition de la société Biesheuvel aux Pays-Bas et premiers pas à l’international
> novembre 2005
Orefi atteind 290 millions de chiffre d’affaires (87 agences).

Visions croisées Orefi/PPM Capital

  • Zoom
    Pierre Pouletty (Orefi)
    Pierre Pouletty (Orefi)
    © D.R.

Pierre Pouletty, président du directoire d’Orefi, et Jean-Lou Rihou, responsable de PPM Capital en France, reviennent sur ce deal difficile, qui aura pour eux été une aventure en plusieurs étapes.

Private Equity : Comment envisagez-vous la sortie de PPM Capital?

Pierre Pouletty : J’ai fait mes petits calculs et je sais que, dans le private equity, on considère souvent qu’un fonds reste environ cinq ans dans un groupe. PPM Capital est actionnaire de la société depuis sept ans maintenant. Cela se passe très bien. En 2003, nous étions en pleine récession, ce n’était pas une année pour vendre. Maintenant, ça arrivera naturellement…

Jean-Lou Rihon : La valeur stratégique que peut représenter le numéro deux d’un secteur est incontestable. D’ailleurs, nous sommes régulièrement approchés par des industriels sur ce dossier. Mais nous n’avons pas la logique d’un fonds qui a une échéance à cinq ans et des problématiques de levées. Il faut savoir attendre, surtout quand on fait face à des tempêtes comme celle qu’a connue Orefi… Un Lbo à sept ans n’a rien d’ahurissant !

Private Equity : Quel regard portez-vous sur votre partenaire dans l’opération?

Pierre Pouletty : La structure de financement bancaire vous oblige à gérer certains aspects de votre business différemment. La dette d’acquisition impose des règles, même si dans le cas d’Orefi, le leverage était bien en deçà de ce qui se fait habituellement. Or, c’est quand le marché se durcit qu’il faut prendre le contre-pied et faire preuve d’audace. C’est là qu’on reconnaît la valeur de son actionnaire.

Jean-Lou Rihon : Pierre Pouletty ne vient pas de la fourniture industrielle. C’est un secteur beaucoup moins facile qu’il n’y paraît et avec lequel il a dû se familiariser. Il a aussi fait face à une sérieuse récession et a dû adapter les effectifs de la structure à son marché. Il fallait redonner de l’air à l’organisation. Tout cela est toujours générateur de beaucoup de stress. Je sais qu’il
n’a pas rigolé tous les jours.

Private Equity : Où en êtes-vous du business plan ?

Pierre Pouletty : La conjoncture ne nous a pas permis de réaliser le projet initial, même si Orefi a toujours surperformé le marché. Cependant, comme prévu, nous avons réalisé de la croissance externe, soit une vingtaine d’acquisitions à ce jour. Nous pouvons dire également que notre groupe est bien devenu la plateforme de consolidation du métier sur le marché français et européen que nous avions envisagée.

Jean-Lou Rihon : Rien que pour cette année, nous avons déjà bouclé deux dossiers d’acquisition et plusieurs autres seront probablement signés d’ici à la fin décembre. On assiste aussi à un vrai redémarrage de l’activité, même si nous n’avons pas retrouvé le niveau d’avant la récession. 

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