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L'histoire

Parrot, l’innovation pour leitmotiv 08.10.07

Parrot, l’innovation pour leitmotiv
Aujourd’hui spécialisée dans les kits de téléphonie pour automobile, la start-up était initialement dédiée à la reconnaissance vocale et à l’acoustique. Mais elle a su rebondir sur les technologies, avec le soutien de fonds comme Spef Venture depuis ses débuts. Bilan de premiers succès amenés à se répéter.
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Parrot, l’innovation pour leitmotiv
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Quand vous allez à la Fnac, et que vous demandez un car-kit bluetooth, le vendeur vous répond : vous parlez d’un Parrot», lance Valérie Gombart, partner de Spef Venture. La société a su séduire les consommateurs par ses produits. Quatorzième entreprise française à plus forte croissance selon le classement Deloitte Technology Fast 50, elle est aujourd’hui l’une des plus innovantes et a reçu, en 2005, plusieurs prix pour ses performances, notamment celui d’Investissement & Valeurs «catégorie création», pour le binôme composé par le dirigeant-fondateur Henri Seydoux et donc Valérie Gombart. La société a cependant connu de nombreuses étapes avant d’en arriver là.

Un entrepreneur hors du commun
D’abord journaliste, Henri Seydoux s’est tourné rapidement, dans les années 80, vers l’informatique. Une entrevue avec Roland Moreno, l’inventeur de la carte à puce, est à l’origine de sa passion pour les logiciels et de sa création d’une première société, dédiée à l’image de synthèse. Dix ans ont passé quand il démarre, en 1994 avec le soutien de l’Anvar, l’aventure Parrot, fruit d’une rencontre avec Jean-Pierre Talvart, ancien directeur d’Alcatel. Au départ dédiée au traitement du signal et à la reconnaissance vocale, la start-up s’intéresse aux problèmes d’acoustique (écho et bruits environnants). Elle lance ses premiers produits, des agendas électroniques fonctionnant uniquement grâce à la reconnaissance vocale. Puis des PDA spécialement conçus pour les mal-voyants. En 1995, le fonds Sofinnova est le premier séduit par l’idée d’un soutien (2,5 millions de francs). «Nous avons cru au potentiel de leadership de la start-up», explique Olivier Protard, managing partner. Commercialisé dans le monde entier dès cette année-là, les premiers agendas seront vendus à 10 000 exemplaires. Malgré des pertes subsistantes, les investisseurs restent convaincus par le business model et la technologie : un second tour de «seed money» est réalisé en 1998 pour environ 18 millions de francs. Spef Venture (5 millions), avec Valérie Gombart, a mené l’opération, accompagné par Entreprises en Croissance (4 millions), Sofinnova (2,5 millions) et des business angels. La société avait besoin de capitaux afin de poursuivre sa R&D et la commercialisation de ses produits à destination de la téléphonie mobile. Henri Seydoux est convaincu de l’essor de ce secteur. Les fonds de venture aussi.
En 1999, le premier kit mains libres à commande vocale est présenté. Plusieurs fabricants tels que Ericsson, Nokia, Siemens ou Sagem l’adoptent. Un troisième tour de 30 millions de francs est à nouveau financé par Spef Venture, Sofinnova et Valeo Venture pour mettre en place les applications automobile : l’année suivante, le premier kit mains libres universel est proposé en «seconde monte»(*) dans les réseaux d’équipementiers et de constructeurs automobiles (commercialisé et installé par eux).

Sur la vague «bluetooth»
2001 est une année charnière pour la société : la normalisation du bluetooth améliore considérablement ses applications et élargit désormais son marché. En effet, son expansion était jusque-là freinée par le manque d’esthétisme des supports qui se voulaient haut de gamme et de l’incompatibilité des produits avec tous les téléphones et hardware. Le bluetooth permet de créer des produits plus adaptés à la demande et compatibles avec pratiquement tous les mobiles. Avec ses premiers kits embarqués équipés de cette technologie, le support téléphone disparaît (le mobile est entièrement piloté par liaison radio) ; le conducteur peut alors émettre et recevoir des appels sans lâcher des mains son volant.
Pourtant, la société n’échappe pas à la crise high tech et creuse son déficit. Chaque mois, elle perd plus de 1 million de francs. «Toujours en 2001, on a frôlé la catastrophe. A ce rythme, tout le cash risquait de disparaître en six mois. Sofinnova et Spef Venture ont été de bons conseils et d’un grand soutien», révèle Henri Seydoux. Pour sortir de cette situation difficile, le dirigeant choisit la restructuration plutôt que l’appel à un bridge. En s’appuyant sur un produit qui marche, il réduit quand même d’un tiers l’effectif, alors de 30 salariés.
2002 est le premier exercice positif. Le chiffre d’affaires s’amplifie à partir de 2003 pour atteindre environ 63 millions aujourd’hui, avec une rentabilité comprise entre 10 et 15%. Depuis, la croissance est supérieure à 100% par an, l’entreprise suivant le modèle-type des start-ups européennes, avec une stratégie «fabless» – la production est totalement sous-traitée notamment en Chine – qui lui permet de se concentrer sur la R&D, la conception, le design et la commercialisation. La maîtrise totale de la supply chaîne est aussi un atout. Outre la qualité de ses algorithmes, Parrot base ses avantages comparatifs sur le «design to cost». Ses produits finis sont optimisés en fonction du design et des composants, mais avec une seule plateforme pour les éléments électroniques, afin d’optimiser le coût. «La société fait des choix intelligents en termes de conception pour conserver ses marges tout en proposant des produits grand public au bon prix», explique Valérie Gombart. Tous les ans, elle sort aussi des nouveautés pour rester compétitive.
Sept ans auront donc été nécessaires pour démarrer. «Le développement d’une entreprise industrielle prend cinq ans en général, il faut bien faire mûrir le projet pour qu’il soit rentable économiquement», explique Henri Seydoux. Dans ce cas, les partenaires financiers ont suffisamment cru à la viabilité du business pour être patients. Pour Olivier Protard, «Parrot était en phase avec les stratégies de Sofinnova et dix ans de travail commun nous ont permis de croire en la vision du dirigeant». Aujourd’hui, ce premier investisseur est partiellement sorti via le later stage de janvier 2005. Cette cession pour 6 millions d’euros (avec la sortie complète d’Entreprise en Croissance) et une augmentation de capital équivalente ont permis à Parrot d’accueillir EPF Partners (aujourd’hui 13% du capital), ainsi que CIC Capital Privé et Sgam AI PE (5% chacun). Spef Venture (10%) et Valeo (11%) ont réinvesti. Ce tour a aussi permis à la société d’améliorer son BFR.
Désormais bien ancré sur son marché, Parrot fait figure de pionnier dans sa gamme de produits. «Face à Motorola, Nokia ou d’autres, ce fabricant a des parts de marché importantes et se positionne parmi les leaders», confie Valérie Gombart. Il propose une large gamme de kits embarqués en voiture montable par le client final via l’allume-cigare (Easydrive) ou directement intégré par un professionnel (CK5000), avec GPS ou d’autres fonctionnalités. L’entreprise, qui recherche en permanence la nouveauté, a récemment lancé un kit-autoradio qui permet de recevoir des appels en bluetooth (Rythm N’Blues). Sur l’avenir de l’entreprise, divers financiers conseillent de se tenir encore à l’écoute…

(*) Aujourd’hui, les kits sont aussi proposés dans les magasins de téléphones mobiles, et en «première monte» sur les voitures de constructeurs partenaires – le système est intégré à la sonorisation de l’habitacle.
Audrey Spy

Repères

> 1994
création de Parrot par Henri Seydoux
> 1995
premier agenda vocal nomade Parrot à reconnaissance vocale
> 1996
premier tour de Sofinnova
> 1998
Spef Venture accompagne Sofinnova
> 2000
premier «car kit» mains libres pour automobile
> 2001
car kit équipé
de la technologie bluetooth
> 2002
début de la rentabilité de l’entreprise
> 2005
troisième tour avec EPF Partners ; Henri Seydoux conserve 44% du capital

Visions croisées Parrot/Spef Venture

Henry Seydoux, fondateur de Parrot, et Valérie Gombart, membre du directoire de Spef Venture, reviennent sur leur partenariat.
Private Equity : Comment vous êtes-vous choisis ?
Henry Seydoux : Toute start-up a besoin, à un moment ou à un autre de son expansion, de faire appel à des fonds de capital-risque et ça ne peut se faire qu’avec des professionnels. Sofinnova et Spef sont en France des entreprises de venture qui ont du talent. Pour moi, ils ont été des partenaires essentiels qui m’ont suivi à tous les stades de développement.
Valérie Gombart : J’ai été tout de suite convaincue par la vision d’Henry Seydoux. Parrot était le type de société qui s’aligne avec notre stratégie d’investissement. Notre choix a été payant car nous avons su faire confiance au dirigeant et l’épauler durant les différentes étapes de cette expansion.
Private Equity : Comment avez-vous surmonté les moments difficiles ?
HS : En 2001, les pertes s’accumulaient et j’ai été contraint de licencier une partie de mes salariés pour éviter la faillite. Les questions stratégiques doivent être sous la responsabilité du dirigeant. Même si mes partenaires financiers ont toujours été présents dans ces moments où ils ont été de bons conseils.
VG : Le marché de Parrot ne décollait pas et Henry Seydoux a préféré mettre en place un plan social plutôt que de faire appel à de nouveaux actionnaires. C’est tout à son honneur d’avoir fait ce choix difficile. Mon rôle est de déminer le terrain pour que l’entrepreneur prenne des décisions et non pas de diriger à sa place.
Private Equity : De quoi sera fait l’avenir ?
HS : Parrot poursuit sa stratégie innovante et nous avons d’autres projets en réserve. De belles perspectives de croissance sont au rendez-vous. Désormais, je ne suis plus à la tête d’une start-up mais d’une entreprise bien ancrée sur son marché et qui a encore un long chemin à parcourir, avec ou sans fonds d’investissement.
VG : Cette société fait partie des belles transactions que nous avons accompagnées. Après huit ans et demi passés aux côtés du dirigeant, nous envisageons une sortie cette année. En 2005, nous avons organisé un tour de later stage, réinvesti par nos fonds plus récents et mené par le spécialiste des introductions en Bourse, EPF Partners (également filiale de Natexis PE).
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