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Portraits

Olivier Goy, prêt pour l’A-Venture 03.10.16

« Lendix, c’est 123Venture, 15 ans après, et en plus puissant »
© D.R.
Olivier Goy se destinait au métier d’expert-comptable. Mais sa volonté d’agir fera de lui un entrepreneur. À travers la création de sa société de gestion, 123Venture, et de sa plateforme de financement participatif, Lendix, son objectif a toujours été le même : démocratiser l’accès au financement.
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"Innovate or Die" Olivier Goy semble avoir fait sienne cette devise ornant les locaux de sa start-up Lendix. Une plateforme qui permet à des particuliers et institutionnels de prêter directement leur argent aux PME. Et le succès est au rendez-vous : près de 40 millions d’euros collectés depuis sa création, il y a deux ans. Pourtant, le parcours de ce quadragénaire décontracté, à la barbe naissante, aurait pu être tout autre.

La révélation canadienne

« Ma mère voulait que je sois expert-comptable, un bon métier qui ne connaît pas la crise, et c’est donc ce qui a guidé mes études », confie Olivier, qui obtient le diplôme adéquat à l’EM Strasbourg. Son passage au Canada l’en dissuadera. C’est en effet au sein d’HEC Montréal, en 1997, qu’il découvre ce qui marquera son parcours jusqu’à aujourd’hui : le capital risque et l’internet. Loin des abstractions mathématiques enseignées en finance, le bouillonnement du capital risque, son caractère tangible, le séduisent.

Partech, la découverte du métier de VC

De retour en France, à 23 ans, il quitte sa Haute-Savoie natale et se rend à Paris, où il réalise plusieurs stages, avant d’obtenir son premier poste professionnel au sein de Partech Ventures. Le fonds franco-américain, spécialisé dans le capital risque et le secteur technologique, lui donne sa chance. Il est en charge d’examiner les dossiers de start-up susceptibles d’être financées, « le graal » pour lui. Au bout de neuf mois, il se voit proposer un MBA pour étoffer ses compétences. Mais il déclinera. Il veut créer son fonds d’investissement. « J’avais besoin de rentrer dans l’action, de faire du concret », explique-t-il. Son employeur se montre compréhensif. Et l’appuiera même, lui permettant de travailler à mi-temps, en mettant à sa disposition un stagiaire ainsi qu’un bureau. Ce stagiaire, Xavier Anthonioz, ne le quittera pas de sitôt.

Le grand saut : 1,2,3…Venture  !

L’ambition du jeune Olivier est simple : démocratiser le capital investissement, que tout un chacun puisse y avoir accès et pas seulement les
« happy few ». « Le monde du private equity est élitiste et n’ouvre ses portes qu’aux seuls clients haut de gamme. C’est plusieurs millions ou rien. Pourtant, il suffirait de regrouper les petits épargnants pour leur donner une masse critique et un accès », explique Olivier, qui fonde sa société de gestion 123Venture en 2000. Quelques business angels participent au tour de table. Et surtout Partech.

Il obtient l’agrément de l’AMF en mai 2001 et ouvre son premier fonds retail en septembre. Comme son nom ne l’indique pas, le fonds se spécialise dans le capital développement et le LBO. « 123Venture était le nom de code de notre société lorsque nous avions rempli notre dossier auprès de l’AMF, explique-t-il. Je pensais choisir un autre nom par la suite, mais c’est resté. Venture signifie entreprise en anglais, et j’aime sa proximité avec le terme aventure. »

Mais les débuts de l’aventure s’avèrent délicats. « À 26 ans, on est un peu naïf, on manque d’expérience et on n’anticipe pas toutes les difficultés qui se dresseront sur le chemin », se rappelle Olivier. Par ailleurs, le contexte n’aide pas : « 2001 voit l’éclatement de la bulle des valeurs high-tech, les attentats du World Trade Center, tout ce qu’il fallait pour stresser l’investisseur », commente-t-il, un brin amer. Au final, le fonds ne lève que 768 000 euros en dix-huit mois. Le jeune entrepreneur ne dort pas beaucoup, s’angoisse, doit licencier parfois, mais maintient le cap.

Il dénonce le storytelling actuel des start-up, une idée géniale et des millions qui pleuvent sur de jeunes trentenaires en un instant. Se lancer dans l’entrepreneuriat 2.0, c’est investir des montants conséquents pendant plusieurs années avant d’atteindre la profitabilité. Ses principes : « ténacité, lucidité, travail ». Et cela paiera. Aujourd’hui, 123Venture, c’est entre 5 et 15 millions d’euros levés les bonnes journées, pour 1,2 milliard d’euros d’actifs sous gestion.

Lendix ou la crise de la quarantaine ?

À 40 ans, Olivier voit se profiler la fin du monopole bancaire en France, qui interdit aux particuliers de prêter de l’argent aux entreprises. Il entrevoit le potentiel de ce nouveau marché et fonde Lendix. II se met en retrait de 123Venture en devenant président du conseil de surveillance, et confie les rênes à Xavier Anthonioz, qui devient président du directoire. Pourquoi tout recommencer ? Repartir de zéro ? « C’est ma femme qui vous a demandé de poser la question ? », esquive-t-il dans un sourire. Avant de se faire plus sérieux : « Sans doute l’envie de se prouver quelque chose, de montrer que le premier coup n’était pas que de la chance. »

Septembre 2014, c’est un nouveau départ en mode start-up : un mac, un bureau et une poignée de jeunes recrues. Capital risque, internet et démocratisation. Toujours les mêmes principes. Seule la forme change. « Lendix, c’est 123Venture, 15 ans après, et en plus puissant », s’enthousiasme-t-il. Cette fois-ci, les financements ne seront pas longs à trouver. Partech lui fera de nouveau confiance, ainsi que Weber Investissements. Au total, 7 millions d’euros sont levés par la fintech. Et en mars 2015, un premier client emblématique est même trouvé… Alain Ducasse. 300 000 euros sont prêtés pour trois de ses restaurants parisiens ainsi que sa chocolaterie. Depuis lors, près de 40 millions d’euros ont été collectés et redirigés vers les PME. Un chiffre qu’Olivier voit progresser chaque jour, sur un écran bleu, à l’entrée de son bureau. Un chiffre qui lui donne le sentiment d’être utile.

De nouveaux horizons

Mais cette frénésie de travail se révèle chronophage. « J’essaie de partir de temps en temps à la montagne, et de faire du VTT ou du tennis, mais le travail m’accapare, je n’ai pas vraiment de temps à y consacrer », soupire le jeune dirigeant. Et cela ne devrait guère s’améliorer, car il compte implanter Lendix en Espagne et en Italie, où les règles de prêts vont également s’assouplir. À cette fin, 12 millions d’euros ont été levés en avril dernier. À terme, c’est toute l’Europe continentale qu’Olivier vise.

Au final, pour cet entrepreneur ambitieux, « Is the sky the limit » ? Quelques instants de réflexion suffiront, et un sourire : « Il faut avoir la tête dans les nuages mais garder les pieds sur terre. » 

Vincent Alsuar
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