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L'histoire

Trescal, des performances à la mesure des fonds 28.10.13

Le spécialiste de la métrologie et de la calibration a passé trois ans avec 3i comme actionnaire majoritaire. Il en a profité pour plus que doubler de valeur en réalisant quatre acquisitions à l’international, et se place à présent comme un consolidateur incontournable du secteur.
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On nous a un peu pris pour des fous au début du projet, se remémore Rémi Carnimolla, managing director de 3i. Nous voulions faire d’une société de services française un leader international en passant par un développement aux États-Unis ! Le projet que nous partagions avec le management était ambitieux et pouvait sembler risqué, mais il a été mené avec succès. » En effet, Trescal était, il y a encore six ans, une filiale d’Air Liquide, prestataire de services de calibration. C’est-àdire que ses techniciens testent et règlent des machines et installations pour des clients industriels en garantissant leur bon étalonnage. En 2007, Astorg détache cette division de sa maison- mère, la valorisant 28 millions d’euros. Trois ans de croissance plus tard, des enchères disputées permettent à 3i de devenir le nouvel actionnaire de référence (64 %) pour un montant inférieur à 110 millions d’euros. Il s’associe à TCR (22 %), qui connaît bien les entreprises travaillant dans des environnements réglementés. Car pour avoir compté plusieurs sociétés du même secteur en portefeuille, 3i n’a pas hésité à faire refléter dans son offre sa conviction d’une rapide croissance. « Nous avions underwrité 100 % de la transaction et mis en place un financement avec un levier de 1 pour 1 avec la Société Générale et AXA Mezzanine (désormais Ardian) », détaille Xavier de Prévoisin, director chez 3i. Cette opération scelle un consensus ambitieux entre le fonds et le management : il va falloir grandir, afin d’offrir une même qualité de service dans tous les pays où sont implantés les clients de Trescal. D’ailleurs, un buildup est justement bien avancé.

3 ans, 4 acquisitions, 4 pays. « Le closing du LBO a eu lieu en septembre 2010, retrace Guillaume Caroit, secrétaire général de Trescal. En décembre de la même année, nous faisions nos premiers pas aux États-Unis. » L’ancien consultant en stratégie d’AT Kearney, chez Trescal depuis 2007, est en effet en charge des fusions- acquisitions dans l’entreprise. En accord avec le dirigeant, Olivier Delrieu, il avait déjà avancé dans la négociation avec Dynamic Technology Inc., un concurrent situé à Detroit. « C’était notre première acquisition hors d’Europe, et d’une taille conséquente : presque 18 millions d’euros de chiffre d’affaires, détaille Guillaume Caroit. 3i s’est immédiatement montré très réactif, et nous a mis en contact avec son bureau de New York pour nous servir de support pour le deal. » Cependant, les lignes de capex mises en place pour le LBO n’étaient pas encore tirables. « Il est primordial que l’ingénierie financière ne bride pas la croissance externe, car il ne faut pas manquer les opportunités quand elles se présentent », pointe Rémi Carnimolla. Sans tergiverser, 3i a alors financé 50 % de l’acquisition en capital et a sollicité Ardian pour un bridge loan obligataire, le tout refinancé en dette senior lors d’une acquisition ultérieure. Parce que les build-up s’enchaînent : quelques mois après, en juin 2011, la société britannique Antech intégrait le groupe, avec ses prestations pour les acteurs du pétrole en Mer du Nord. Un mois plus tard, Trescal a signé la reprise de Stork Intermes au Benelux. Et début 2013, Isocal l’autrichien est venu ajouter ses compétences à Trescal.

Croissance externe autant qu’interne. « Loin de s’arrêter à un empilement d’acquisitions, Trescal a toujours veillé à construire un vrai groupe intégré », démontre Xavier de Prévoisin. Un programme d’intégration « One Trescal » a été déroulé, impliquant un travail sur les process de vente et l’organisation commerciale, sur l’efficacité des services, et sur le back office financier et IT. « Nous avons des outils post-acquisition, explique Guillaume Caroit. Nous voyons très vite, avec les managers des nouvelles entités, quels sont les sujets clés de création d’Ebitda. Et après deux ou trois mois, le patron de chaque pays prend le relais sur les sociétés acquises. » Ainsi, des fertilisations croisées entre les différents clients et expertises ont été mises en oeuvre entre les nouveaux pays couverts et le groupe historique. Par exemple, pour le client historique Rolls Royce (aviation), son arrivée aux États- Unis a permis au spécialiste de la mesure de gagner un contrat en Virginie. Par ailleurs, « Trescal s’est montré très pragmatique, sans toujours imposer ses outils aux nouvelles implantations, illustre Rémi Carnimolla. Comme le système d’information propriétaire de DTI était d’excellente qualité, il a été mis en place au Royaume-Uni. » En outre, pour chapeauter les ventes, un directeur commercial Groupe a été recruté et, du point de vue technique, l’automatisation de certaines tâches dans les laboratoires a été poussée : numérisation de notices papier ou développement d’opérations de calibration pilotées par un logiciel autonome, par exemple.

Et le reste du monde ? Sur la mappemonde de Trescal, les zones blanches se comblent en Europe, les États-Unis sont apparus, mais il faut bien penser à de nouvelles frontières. Logiquement, les managers et leurs actionnaires ont identifié les zones à forte croissance que sont l’Asie et le Brésil. Ce qui tombe bien : 3i dispose de quatre bureaux en Asie et de un à São Paulo. Une étude menée auprès des clients de Trescal permet de cibler leurs besoins. C’est ainsi que le métrologiste a monté un laboratoire pour Rolls Royce à Singapour en 2012. « Les bureaux étrangers de 3i se sont révélés précieux pour le sourcing de deals, les apports sur le contexte économique et les habitudes dans les fusacqs notamment au Brésil, qui m’était inconnu », apprécie le secrétaire général. Assurément, son flux de cibles potentielles tarit d’autant moins que l’entreprise commence à voir sa réputation de consolidateur la précéder. Ce qui n’a pas manqué d’arriver aux oreilles d’autres investisseurs. Au bout de trois ans d’actionnariat avec 3i et TCR, Ardian a fait connaître ses intentions auprès du management de Trescal, qu’il suit depuis déjà dix-huit mois. Et propose promptement un prix « costaud » : « Ardian a accepté de payer aujourd’hui le prix de demain, à savoir 12,2 fois l’Ebitda 2012 mais 11 fois celui prévu pour 2013 », détaillent les partners de 3i. Une valorisation de 250 millions d’euros qui leur a permis de multiplier leur mise par deux, soit un TRI de 30 %. Et le nouvel actionnaire a pu se réjouir de trouver des contacts très avancés pour des acquisitions. Pour que Trescal atteigne encore un autre calibre.

Laurence Pochard

Repères

> 1999 : Air Liquide lance son activité calibration avec l’achat de Metrotech

> 2004 : La division calibration d’Air Liquide est renommée Trescal après l’intégration de plusieurs structures

> 2007 : Carve-out avec Astorg Partners (85 % des parts), valorisant Trescal 28 M€

> 2010 : LBO 2 avec 3i (64 %) et TCR (22 %), pour une valorisation inférieure à 110 M€

> 2011 : Acquisition dans la foulée de Dynamic Technology aux États-Unis (CA : 17,7 M€) suivie du rachat d’Antech Engineering au Royaume-Uni (CA : 2,8 M€) et de Stork Intermes en Belgique (CA : 13 M€)

> 2013 : Build-up sur Isocal en Autriche (CA : 2,5 M€) et LBO 3 avec Ardian (ex-AXA PE) pour 250 M€

Visions croisées

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    Rémi Carnimolla
    Rémi Carnimolla
    © D.R.

Rémi Carnimolla et Xavier de Prévoisin, respectivement managing director et director chez 3i, et Guillaume Caroit, secrétaire général de Trescal

Private Equity MAGAZINE : Pourquoi vous êtes-vous choisis ?

Rémi Carnimolla et Xavier de Prévoisin : Nous avions chez 3i une certaine expertise dans le secteur Testing Inspection Certification, car nous avions entre autres déjà investi dans Inspecta (Scandinavie), EMT (Pays-Bas), Inspicio (Royaume-Uni) ou Carso (France). Trescal disposait des qualités pour s’internationaliser : leader français dans un marché fragmenté, équipe de management talentueuse et volontaire.

Guillaume Caroit : Pendant les enchères organisées par Astorg, des industriels et des fonds se sont présentés. Les industriels se sont montrés plus lents que les financiers, et 3i a été le plus réactif et le mieux-disant parmi ces derniers. Sa capacité à accélérer le processus a été un facteur clé de succès. Les investisseurs ont épousé nos objectifs de diminuer le poids relatif de la France et de l’Europe pour devenir plus important sur le marché mondial de la calibration.

PEM : Quelles ont été les étapes marquantes de cette période ?

R. C. et X. D. : Il a fallu mener de front la reprise de Trescal et l’acquisition de DTI, qui faisait 15 % de sa taille. Nous avons pu mettre au travail notre bureau de New York pour prendre des références et sélectionner les bons conseils. Pour le financement, nous avons dû rapidement trouver une solution car les lignes d’acquisition bancaires n’étaient pas encore tirables. Ensuite, les build-up et les intégrations se sont très bien déroulés grâce à Guillaume Caroit.

G. C. : L’acquisition aux États-Unis a été la plus importante depuis notre sortie d’Air Liquide, et même si le process était déjà avancé avant l’arrivée de 3i, le fonds s’est montré très réactif et a mis à notre disposition son réseau international, notamment pour les États-Unis et plus tard pour le Brésil. Ensemble, nous avons réalisé quatre acquisitions qui ont permis de faire passer notre chiffre d’affaires de 100 M€ à plus de 150 M€.

PEM : Pourquoi vous quitter après seulement trois ans ?

R. C. et X. D. : Nous avions réalisé les objectifs, et Ardian s’est présenté avec une offre impossible à décliner. De plus, la structure managériale avait évolué avec des nouveaux entrants qui souhaitaient aussi être associés à la croissance de leur entreprise. Une nouvelle opération a permis de tout remettre à plat pour eux.

G. C : Au bout de trois ans, nous avions en gros un an d’avance sur le business plan. Ardian nous a alors courtisés. Quand il s’est fait plus pressant, et que d’autres fonds ont manifesté leur intérêt, nous avons déterminé un niveau de valorisation avec Hawkpoint. Ardian a alors proposé une prime sur le prix pour préempter le deal et éviter un process d’enchères. 

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