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L'histoire

Les éditions Oberthur prennent goût au LBO 28.05.13

Groupe plus que centenaire, les éditions Oberthur vivent leur première ouverture de capital en 2009 lors de l'entrée de TCR Capital. L'entreprise optimise ses coûts, réorganise ses forces commerciales et redéploie son activité afin de développer son pôle Papeterie. Une stratégie payante poursuivie depuis janvier par 21 Centrale Partners.
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Les célèbres calendriers des postes, leurs animaux et paysages bucoliques… ce sont les éditions Oberthur depuis près de 160 ans ! Mais si elles ont conservé cette activité historique, elles ont fortement évolué ces dernières années, passant d’une entreprise familiale à un groupe sous LBO affichant ses ambitions. Fondée par l’imprimeur Francois-Charles Oberthur au milieu du XIXe siècle, l’entreprise rennaise se diversifie dans les années 1990 en se positionnant sur les articles de rentrée scolaire. Agendas, trousses, cartables proposés sous licence ou sous marque propre sont commercialisés via les grandes surfaces et papeteries traditionnelles. La société adopte ensuite une stratégie similaire pour les adultes, avec une gamme de plus en plus importante de sacs, répertoires et autres organisers, tandis qu’elle adresse le segment BtoB via une activité de cadeaux publicitaires : essentiellement des calendriers et agendas à l’identité du client. Cette évolution se fait sous l’égide d’une famille actionnaire, jusqu’au moment où le président-directeur général de l’époque décide, fin 2008, de vendre et d’organiser sa succession. Il consulte alors son directeur général, Christophe Rault, en charge de la direction opérationnelle du groupe : « Il m’a proposé de racheter l’entreprise, se souvient-il, mais je ne pouvais pas le faire seul. Nous avons donc fait appel à des fonds d’investissement afin que je puisse investir à leurs côtés. » La banque Edmond de Rothschild est mandatée pour mener à bien le dossier. Plusieurs acheteurs sont intéressés, dont les fonds 21 Centrale Partners et TCR Capital. Celuici est le premier à obtenir le financement, une véritable épreuve dans le contexte d’éclatement de la crise des subprimes et de paralysie des marchés financiers. Pas moins de cinq banques seront nécessaires pour lever une dette senior de 16 millions d’euros : « Les négociations avec les prêteurs ont été très longues, se rappelle David Robin, associé chez TCR Capital. Mais le temps de préparation du deal nous a permis de bien discuter avec le management et de nous accorder sur les projets de développe- ment. » Le fonds remporte ainsi le deal et acquiert, en octobre 2009, plus de 70% du capital aux côtés d’Arkéa Capital Investissement, qui co-investit à hauteur de 23%. « Au premier coup d’oeil, le business model peut sembler risqué, reconnaît David Robin. Il repose sur des produits matures, saisonniers, avec deux grosses périodes d’activité : la rentrée scolaire et la fin d’année. En réalité, il est peu capitalistique, et l’entreprise bénéficie des réelles compétences marketing des managers. »

DÉVELOPPER LA PAPETERIE. Contraint jusque-là par une gestion très «patrimoniale », le management a le feu vert de son nouvel actionnaire pour passer à la vitesse supérieure. Le site annexe de la région parisienne est fermé et toute l’activité centralisée sur le site de Cesson-Sévigné, dans l’agglomération rennaise, entraînant ainsi une réduction des coûts de structure. En parallèle, les forces commerciales sont réorganisées : « Les équipes ont été spécialisées par activité, l’une pour la publicité par l’objet, l’autre pour la papeterie », explique Christophe Rault. La gamme enfants s’enrichit de carnets, gommettes et autres sets de correspondance, l’offre pour adultes est étendue elle aussi. « Notre force repose sur notre capacité à concevoir de nouveaux produits, poursuit le dirigeant. Nous commercialisons près de 2000 références. Or chaque année, 80% d’entre elles sont revisitées, que ce soit au niveau du design ou encore de la licence. » En 2011, le groupe réalise ainsi plus de 30% de son chiffre d’affaires grâce à des articles qui n’existaient pas dix ans auparavant… Au final, l’activité de l’entreprise est rééquilibrée entre ses trois pôles : les almanachs voient leur poids dans le chiffre d’affaires baisser au profit de la papeterie pour adultes et enfants. Regroupant la rentrée scolaire, les produits permanents et les produits de fin d’année, elle pèse 53% du chiffre d’affaires en 2012, contre 47% en 2009, alors que l’activité corporate des produits publicitaires se stabilise autour de 15%. « Nous avons utilisé les cash flows de l’activité historique des almanachs, à faible croissance, afin de donner un nouvel essor aux activités plus récentes que sont les produits sous licence, la papeterie et maroquinerie fantaisie, à plus fort potentiel », explique David Robin.

UNE BELLE MARIÉE POUR UN LBO2. Résultat, Oberthur réussit à augmenter ses ventes de 15% bien que le marché soit stable et, surtout, voit sa rentabilité grimper de 45% entre 2009 et 2012. L’amélioration de l’Ebitda permet de réaliser deux recapitalisations successives. La première, en 2011, aboutit au remboursement d’environ un tiers des fonds propres. La seconde, l’année suivante, donne lieu au paiement de l’intégralité de la mezzanine, soit une dizaine de millions d’euros. Ces opérations témoignent de l’intérêt des banques envers l’entreprise, un signe positif pour amorcer la sortie… « La société était devenue attractive pour un LBO secondaire, résume David Robin. Les coûts ont été optimisés, le service financier structuré, et les managers ont démontré leurs compétences. » Avec ses 38 millions d’euros de chiffre d’affaires, le groupe a confirmé sa place sur le marché des agendas et des produits d’écriture. Le process de vente est donc lancé en 2012, seulement trois ans après l’arrivée de TCR : « Nous avons déroulé le business plan plus vite que prévu, explique David Robin. La prochaine étape consistait à développer de nouveaux réseaux de distribution, et à se lancer à l’export ; deux projets qui nécessitent plusieurs années. » Le vendeur prend soin de sécuriser le financement avec un staple assuré par le CIC et le LCL pour la dette senior, accompagnés de CIC Mezzanine et ActoMezz pour la partie junior. Déjà sur les rangs lors du premier LBO, 21 Centrale Partners remporte assez naturellement les enchères et devient, en janvier 2013, le nouvel actionnaire des éditions Oberthur. Une cession synonyme de belle performance pour TCR, qui enregistre un TRI supérieur à 50% ! L’entre- prise, quant à elle, entame un nouveau chapitre qui devrait faire place à des acquisitions, avec un seul but, « devenir le vrai numéro 3 de la papeterie », proclame son dirigeant.

Coralie Bach

Visions croisées

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    David Robin
    David Robin
    © D.R.

David Robin, associé au sein de TCR Capital et Christophe Rault, président-directeur général des éditions Oberthur

PE MAG : Jusqu’en 2009, Les éditions Oberthur ont évolué avec un actionnariat familial. Un LBO primaire marque un changement dans le fonctionnement d’une entreprise. Comment l’avez-vous vous vécu ?

D. R. : Comme le process d’achat a été long, près de huit mois, nous avons eu le temps d’apprendre à con - naître le management et de discuter ensemble des plans de développement de l’entreprise. Le temps passé en amont nous a fait gagner le double en aval. L’équipe est rapidement montée en puissance et s’est très bien adaptée au fonctionnement du LBO, que ce soit en termes de relations avec l’actionnaire ou de contraintes de gestion financière.

C. R. : Je l’ai très bien vécu. Les actionnaires his toriques n’étaient pas opérationnels. Par conséquent, ils devaient m’associer à la vente, et ils m’ont fait participer au choix du repreneur. Le partenariat avec TCR s’est donc très bien passé. Ils n’ont pas été intrusifs. Je leur ai vendu un projet qui s’est plutôt bien déroulé par la suite.

PE MAG : Comment avez-vous préparé la sortie ?

D. R. : Comme nous étions en avance sur notre business plan, nous avons décidé, en accord avec le management, de lancer un process de cession. Toutefois, pour ne pas prendre de risques, nous avons d’abord rencontré les banques afin de monter un staple. Une fois le financement sécurisé, nous avons proposé une vente «packagée» avec VDD et management package pré-négocié.

C. R. : Le process a été plus structuré que celui de 2009, notamment parce que l’entreprise était plus organisée et bénéficiait d’un reporting, ce qui a facilité les discussions. Lors de la préparation du premier LBO, j’avais eu de très bons contacts avec 21 Central Partners. Lorsqu’ils se sont représentés trois ans plus tard, le choix a donc été assez naturel.

PE MAG : Quel bilan tirez-vous de ce partenariat ?

D. R. : Un bilan très positif ! Nous avons réalisé un beau parcours sur un actif qui pouvait paraître risqué pour un investisseur. Le plus difficile a été de réaliser un closing dans le contexte apocalyptique de 2009… Une fois le deal signé, le partenariat avec Christophe Rault et les managers s’est très bien déroulé. L’équipe était prête et motivée. Nous avons pu transformer la société et dé montrer sa performance. À notre sortie, les éditions Oberthur étaient perçues comme un bel actif pour un LBO secondaire

C. R. : Oberthur a connu un développement de 15% de son CA sur un marché mature, la rentabilité a fortement augmenté. Sur le plan hu main, tout s’est très bien passé, à mille lieues de l’image d’Épinal sur les financiers véhiculée parfois par les médias. TCR m’a notamment aidé à définir des cibles de croissance externe. Même si les projets d’acquisition ne se sont pas encore concrétisés, nous pouvons espérer récolter les résultats lors du deuxième LBO avec 21 CP.

Repères

> 1854 : invention de l’Almanach du facteur par l’imprimeur Francois- Charles Oberthur

> 1990 : implantation de l’entreprise à Cesson- Sévigné près de Rennes

> 1995 : premiers développements d’articles de papeterie pour enfants sous licence

> 2009 : cession du groupe au fonds TCR Capital accompagné par l’équipe de management

> 2011 : réalisation d’une première opération de refinancement qui permet le remboursement de 1/3 de l’equity investi

> 2012 : réalisation d’une seconde opération de refinancement permet - tant le remboursement de l’intégralité de la dette mezzanine

> 2013 : 21 Centrale Partners devient le nouvel actionnaire majoritaire du groupe

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