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L'histoire

Socotec, la qualité certifiée 28.03.13

Spécialiste de la maîtrise des risques, Socotec a mené sa transformation en passant d’un actionnariat salarié à un fonds majoritaire. Qualium Investissement l’a épaulé pour atteindre les standards financiers et accélérer son expansion internationale, avant de passer le relais à Cobepa et Five Arrows.
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Jusqu’en 2008, les patrons, c’étaient eux : 2 800 salariés du groupe Socotec. Née dans les années 1950 d’un spin-off de Bureau Securitas*, Socotec s’est développée dans les domaines du contrôle de la qualité du bâtiment. Pour limiter son exposition à la construction, très cyclique, le groupe a entamé dans les années 2000 sa diversification vers d’autres domaines. Cependant, l’actionnariat salarié commençait à montrer ses limites : il est en effet difficile de mettre d’accord un tel nombre d’actionnaires pour décider de développements stratégiques plus hardis que par le passé. La société confie donc un mandat à la BNP pour l’ouverture du capital en 2007. « Cela faisait longtemps que nous travaillions sur ce dossier, indique Paul Costa de Beauregard, directeur général délégué de Qualium Investissement. Déjà très intéressés par le domaine de l’inspection et de la certification, nous avions pris l’initiative de contacter le management de Socotec dès 2005 et, depuis, une relation de con - fiance avec la direction avait été établie. » Un intérêt partagé par d’autres dans l’effervescence d’avant-crise : Socotec a reçu une trentaine de marques d’intérêt lors de son processus d’enchères. « C’était un “concours de beauté” pour séduire les managers et les salariés, retrace Vincent Oudin, actuel directeur général de Socotec. L’offre de Qualium a su nous convaincre, et nous ne nous sommes pas trompés. »

LA NÉCESSITÉ D’INCLURE LES SALARIÉS. « Il s’agissait d’une situation inédite en raison de la tradition d’actionnariat salarié de Socotec, pointe Paul Costa de Beauregard. Un aspect important aux yeux de ces collaborateurs était l’image et le comportement de leur futur actionnaire, car auparavant personne ne pesait individuellement plus de 20% des droits de vote, et cette opération majoritaire était déstabilisante pour eux. Il nous fallait faire évoluer l’actionnariat sans rupture. » Le deal réussit à se boucler à un moment difficile – Lehmann Brothers vient de chuter –, pour une valorisation aux alentours de 430 millions d’euros. Qualium a pris 98,5% des parts avec le projet de monter a posteriori un système pour inclure les salariés dans le capital. Malgré la conjoncture, Qualium propose un financement ferme comprenant une dette senior de 130 millions d’euros souscrite auprès de quatre banques, et une mezzanine de 50 millions est fournie par Capzanine, AXA Private Equity et IFE. La gouvernance évolue vers un système avec directoire et conseil de surveillance, et la transition managériale est enclenchée : Yves Le Sellin prend sa retraite et cède sa place en 2009 à Vincent Oudin. Pendant ce temps, les conseils travaillent à l’élaboration du FCPE qui doit accueillir la participation des salariés : « Nous sommes fiers d’avoir réussi à structurer cette opération complexe comportant notamment la mise en place d’un important FCPE contrôlant plus de 5% du capital, un des premiers de ce type réalisés, se félicite-ton chez Qualium. Le système a été imaginé pour répondre à toutes les contraintes, comme l’obligation de liquidité exigée par l’AMF, la gestion de la sortie dans ce cadre, ou les contraintes d’endettement bancaire. »

QUATRE ANS DE TRANSFORMATIONS. « Nous avions déjà en tête les conséquences à venir de la crise au moment de la prise de contrôle par Qualium, nous avons donc fait face à la phase de dépression dans la construction avec sérénité, relate Vincent Oudin. Pour adapter les effectifs à l’activité, nous avons limité les recrutements en 2009, en ne remplaçant pas les départs. » En parallèle, un reporting détaillé est demandé par l’actionnaire. Une banalité ? Pas tant que cela : « Auparavant, nous n’avions de comptes à rendre qu’à nous-mêmes, alors qu’à présent nous avons des objectifs assortis d’un reporting financier régulier, note le dirigeant. Le changement d’ERP se révèle également structurant. » Mais le grand virage consiste à mettre en oeuvre la nouvelle stratégie internationale et la diversification des métiers. « Le contrôle de la construction représentait le cœur de métier de Socotec, avec une deuxième activité dans le contrôle périodique des installations en service, mais la société restait encore très franco-française, constate Paul Costa de Beauregard. Il fallait donc explorer d’autres pistes dans les métiers de l’industrie et de la certification. » Comme préalable, Socotec stoppe les foyers de pertes en cédant sa filiale en Pologne (4 millions d’euros de chiffre d’affaires) et celle d’Espagne (16 millions). Puis crée une cellule dédiée à la croissance externe : « Dès 2010, nous avons mis en place une organisation quasi industrielle pour optimiser notre process d’acquisitions », explique le patron de Socotec. Une filiale française d’Areva spécialisée dans les contrôles de l’industrie nucléaire, Nordtest, rejoint le groupe en 2010 et, en 2012, le rythme de croisière est atteint avec sept build-up. Les entreprises rachetées sont de petite taille, mais ajoutent des compétences et des couvertures géographiques complémentaires de celles de Socotec, comme le britannique Certification International, qui apporte à la fois une bonne présence en Asie ainsi qu’un renforcement dans les métiers de la certification. Ces acquisitions viennent accélérer une répartition plus harmonieuse des cinq métiers du groupe : inspection, assistance technique, conseil, formation et certification.

UN NOUVEL ACTIONNAIRE DE LONG TER ME. « Le deal initial permettait une sortie avant cinq ans si tout le monde était d’accord, explicite Vincent Oudin. Sortir de façon anticipée nous a permis d’éviter un processus chronophage d’enchères et de bien maîtriser le choix de notre nouvel actionnaire. » C’est donc la société d’investissement belge Cobepa qui devient le nouvel actionnaire majoritaire de Socotec, accompagnée de Five Arrows, dans une négociation de gré à gré. Les repreneurs rachètent une société de 5000 collaborateurs qui réalise 475 millions d’euros de chiffre d’affaires, et est présente en France via 200 implantations ainsi que dans 40 pays. Ils comptent encourager la poursuite de la stratégie actuelle de développement réalisée à 60% par croissance externe. Le deal laisse en effet de la place pour la croissance en incluant 180 millions d’euros de dette, soit le même montant que celui de 2008, alors que la valorisation de la société s’est accrue. Pour sa part, Qualium, resté actionnaire quatre ans et deux mois, a obtenu de Cobepa des conditions conformes à ses objectifs. Quant aux salariés, ils gardent voix au chapitre, car le système de FCPE est maintenu dans la nouvelle opération.

Laurence Pochard

Repères

> 1953 : Spin-off de Socotec du Bureau Sécuritas

> 2008 : LBO avec Qualium Investissement

> 2009 : Mise en place du FCPE au sein de Socotec

> 2010 : Areva cède CTE-Nordtest à Socotec

> Courant 2012 : Quinex, Sica, Bellême et KMIL (CA 13 M€) sont reprises avec leur réseau mondial de contrôle qualité dans l’oil & gas et l’énergie

> Décembre 2012 : L’entreprise britannique Certification International (CA supérieur à 9 M€) et ses 6 filiales (Royaume- Uni, Japon, Singapour, Philippines, Chine et Inde) rejoignent le groupe Les société françaises Idéation Techniques et TCP (CA de 1,8 M€) sont rachetées

> 2012 : Le CA pro forma atteint 475 M€

> 2013 : Cobepa devient actionnaire majoritaire (63%), accompagné de Five Arrows (20%) et des salariés et managers (17%)

Visions croisées

  • Zoom
    Paul Costa de Beauregard
    Paul Costa de Beauregard
    © D.R.

Paul Costa de Beauregard, directeur général délégué de Qualium Investissement, et Vincent Oudin, directeur général de Socotec.

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Quel bilan tirez-vous de ce partenariat ? 

P. C.deB. : Nous sommes contents de ce deal carc’est une affaire représentative des opérations que nous voulons réaliser. Nous avons vécu une bonne relation avec le management, et ce malgré un contexte économique global difficile. L’entreprise s’est bien développée et nous avons joué notre rôle d’actionnaire. De plus, Socotec est désormais dotée d’un bon actionnaire pour la suite de son histoire.

V. O. : Qualium Investissement nous a donné confiance pour nous développer à l’internationalpar la croissance externe, nous étions peut-être un peu timorés lorsque notre capital était possédé à 100% par les salariés. Nous avons gagné en audace. Qualium Investissement nous a également fait comprendre qu’il fallait nous professionnaliser en ce domaine. Pour cela, nous avons notamment recruté et eu recours à des conseils extérieurs.

PE MAG : Quels ont été les temps forts ?

P. C.deB. : En 2008-2009 a eu lieu un choc violent sur la construction, les mises en chantier ont baissé de 20%. Il a fallu faire face à cela, c’était anticipé, mais l’entreprise s’est quand même trouvée sous pression et ses actionnaires également. Il a fallu de bons comportements de part et d’autre. Pendant tout notre investissement, la société s’est considérablement transformée en élargissant ses domaines de compétences, notamment par croissance externe.

V. O. : Qualium Investissement aura eu un rôle majeur dans l’histoire de Socotec. Ses dirigeants ont su appréhender notre culture d’entreprise, nos valeurs et nos spécificités, ce qui nous a permis de préserver l’équilibre toujours complexe entre le développement de l’entreprise, les salariés, les clients et les actionnaires.

PE MAG : Comment s’est décidée la sortie ?

P. C.deB. : Nous avons été approchés avant l’été 2012 par Cobepa, qui avait repéré Socotec. Cobepa est une société qui investit dans la durée et jouit d’une excellente réputation. Le management a apprécié ce contact, et que le nouvel investisseur lui offre de continuer le plan stratégique que nous avions lancé ensemble. 

V. O. : Cobepa, notre nouvel actionnaire majoritaire, est un acteur financier de long terme dont les valeurs et les fondamentaux rejoignent ceux de Socotec. Il nous accompagnera, dans la durée, dans la poursuite de notre ambitieux projet d’entreprise, avec l’objectif de changer de dimension, de continuer à nous diversifier et de renforcer également notre assise à l’international. 

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