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L'histoire

Buffet s’accorde avec les fonds 25.01.13

Repris par Argos en 2005, le leader de la clarinette professionnelle Buffet Group a enchaîné les acquisitions, élargi sa gamme produits et étendu sa présence sur les marchés émergents. Évoluant désormais avec Fondations Capital, il s’est encore renforcé avec le rachat d’un concurrent allemand en décembre dernier.
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Il existe des champions plutôt discrets. Buffet Crampon, rebaptisé début 2012 Buffet Group, fait partie de ceux-là. En alliant tradition et modernité, le leader mondial de la clarinette professionnelle a su gagner la reconnaissance des plus illustres maestro. Les instruments à vent de ce fabricant mantevillois sont aujourd’hui présents au sein des 150 premiers orchestres mondiaux, et affichent fièrement les 200 années d’expérience et de savoir-faire de la maison. Fondée en 1825 à Paris, Buffet Crampon a très vite acquis une dimension internationale, se taillant une part du marché américain dès le début du XXe siècle. En 1981, il est repris par l’éditeur musical anglais Boosy& Hawkes, qui se constitue un véritable pôle de fabricant d’instruments. En 2003, l’ensemble est cédé à The Music Group, une «holding» contrôlée par le fonds britannique Rutland. Ce nouvel actionnariat ne s’avère pas très vertueux et, quelques années plus tard, le financier met les actifs en vente. Craignant que la marque ne tombe dans l’escarcelle d’un groupe étranger mal attentionné, le patron de l’époque, Paul Baronnat, contacte Argos Soditic afin de redonner à Buffet son indépendance. L’investisseur, convaincu par le savoir-faire de l’entreprise et la puissance de sa marque, se saisit du dossier. « Le deal a été très complexe à préparer, raconte le président d’Argos Soditic, Louis Godron, avec un véritable travail de carve-out et d’identification des actifs. » En juillet 2005, à l’issue d’un closing de trente-deux heures, Argos met la main sur une production de près de 63000 instruments par an, 230 salariés en France et une cinquantaine de commerciaux répartis à l’étranger, et valorise la société près de 40 millions d’euros.

UNE SÉRIE DE BUILD-UP. Ne pouvant plus s’appuyer sur son ancienne maison mère, Buffet Crampon, dans un premier temps, doit bâtir toute son organisation interne. Direction financière, département des ressources humaines, équipe commerciale, logistique, chaque poste est redéfini : «Nous avons racheté une start-up pourtant fondée en 1825, s’amuse Louis Godron, il a fallu tout construire. » L’entreprise se dote également de son propre réseau de distribution mondiale afin de pouvoir adresser directement les magasins de mu - sique sans passer par des grossistes. Un moyen de s’assurer une plus grande proximité avec le marché final. En parallèle, un conseil de surveillance est mis en place. C’est Antoine Beaussant, un entrepreneur à l’origine de plusieurs start-up, également ancien directeur général adjoint de Capgemini Sogeti, et hautboïste depuis l’âge de 11 ans, qui en prend la présidence. Deux ans plus tard, il succèdera tout naturellement au PDG, après le départ à la retraite de ce dernier. « En 2005, Buffet possédait déjà 85% des parts de marché de la clarinette professionnelle, indique le PDG Antoine Beaussant. Dans ces conditions, il fallait trouver de nouveaux relais de croissance. Le premier axe a consisté à étendre notre offre à d’autres instruments à vent, comme le hautbois, les cuivres, le saxophone ou la flûte. » Ce développement de la gamme produits se fait par croissance interne et de nombreuses croissances externes. Besson, une marque d’instruments à vent et de cuivres, qui faisait partie de Music Group, est racheté en 2006 alors que la société est en dépôt de bilan. L’année suivante, c’est au tour des cuivres Antoine Courtois d’intégrer le groupe. Puis en 2008, le rachat de la Manufacture des instruments, une petite unité de 25 salariés, permet de renforcer les capacités de production. Il faut dire que les opportunités d’acquisitions ne manquent pas, dans un secteur encore très morcelé. « Nous avons reçu beaucoup de dossiers émanant de petites entreprises, raconte Louis Godron. Les dirigeants nous ont perçus comme l’industriel capable de préserver leur marque et leur savoir-faire tout en leur assurant une diffusion mondiale. » Buffet Crampon a en effet su prouver sa capacité à redéployer une marque. Il s’est notamment illustré avec Besson : « En dix-huit mois, nous avons modernisé et revu le design d’une vingtaine d’instruments, explique Antoine Beaussant. Résultat : les ventes de Besson n’ont jamais été aussi élevées. »

UNE CESSION DISPUTÉE. Parallèlement à cette politique de build-up, Buffet poursuit son déploiement géographique. Il se renforce dans les pays émergents, avec la création d’une filiale de distribution à Pékin et d’un bureau en Amérique du Sud. Le marché est mondial pour ce fabricant d’instruments de luxe dont l’activité est bien répartie entre les continents : l’Europe représente 35% des ventes, l’Asie près de 40% et les États-Unis 20%. En 2010, le groupe connaît un nouveau tournant dans son histoire avec l’intégration de l’allemand Schreiber, un fabricant qui opérait comme sous-traitant pour Buffet depuis de nombreuses années. L’opération est financée en partie par l’entrée de Patrimoine et Création, le fonds sectoriel luxe de la CDC, qui investit 4 millions d’euros. « Cette acquisition a été très structurante, affirme Antoine Beaussant. Elle nous a permis d’accéder au marché allemand de la clarinette ainsi qu’à la production de saxophones. La fusion a en outre permis de sécuriser des lignes de production jusque-là externalisées. » Une fois le rachat digéré, les parties entament le process de sortie à l’été 2011. Plusieurs acheteurs sont sur les rangs, dont Activa et CM-CIC LBO. Mais c’est finalement Fondations Capital qui l’emporte avec une offre de 60 millions d’euros, soit huit fois l’Ebitda. Buffet Group réalise 67 millions d’euros de chiffre d’affaires contre 44 millions en 2005, et emploie 560 salariés contre 280 six ans plus tôt. Et le luthier ne compte pas en rester là. Au mois de décembre, il s’est encore agrandi avec le rachat du premier fabricant allemand d’instruments de musique à cuivre, B&S GmbH. Grâce à ce rachat, qui représente une quinzaine de millions d’euros de chiffre d’affaires, le groupe renforce sa position sur le segment des cuivres qui représente désormais 26% de son activité. De quoi compléter la gamme de celui qui veut devenir « la référence mondiale des instruments à vent »

Coralie Bach

Repères

> 2003 : Buffet Crampon est cédé à The Music Group, une «holding» contrôlée par le fonds britannique Rutland.

> 2005 : Argos Soditic reprend la société via un LBO de près de 40 M€.

> 2006 : Besson, une marque d’instruments à vent et cuivres, est racheté alors que la société est en dépôt de bilan.

> 2007 : Acquisition de la marque de cuivres Antoine Courtois.

> 2010 : Buffet Crampon rachète un concurrent allemand, Schreiber.

> 2011 : Argos cède l’entreprise à Fondations Capital pour près de 60 M€.

> 2012 : L’entreprise, qui s’est rebaptisée Buffet Group, reprend l’allemand B&S GmbH.

Visions croisées

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