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L'histoire

Milestone assure la croissance du bébé Cadum 27.11.12

Cédée par Colgate-Palmolive en 2003, la marque centenaire s’est, depuis, totalement redéployée. Après un premier LBO avec Qualium et CIC Finance, Cadum s’appuie sur Milestone pour regagner des parts de marché et séduire finalement le géant des cosmétiques, L’Oréal.
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Un bébé joufflu et souriant aux yeux rieurs et aux cheveux bouclés… l’image de Cadum est ancrée dans la mémoire de bon nombre de consommateurs. Mais depuis sa création en 1907, la marque de produits d’hygiène a connu de multiples rebondissements et a bien évolué au cours des dix dernières an - nées. Le premier tournant s’opère en 2003 quand l’américain Colgate-Palmolive, qui avait repris l’activité dans les années 1950, décide de la vendre. La situation de Cadum n’est alors pas florissante : une offre produit qui se limite à un savon et un talc bébé, et une part de marché insignifiante. Deux entrepreneurs, Jean-Marie Total et Gilles Nouailhetas, décident toutefois de se lancer dans l’aven ture, convaincus du potentiel de cette « belle endormie ». Ils s’associent à Qualium Investissement et CIC Finance pour monter une opération de LBO. L’entité représente près de 14 mil lions d’euros de chiffre d’affaires brut. « En 2003, les deux managers ont ra cheté la marque, un contrat de fabrication avec Colgate et rien d’autre : pas de bureau, pas d’effectif et juste six mois de stock », résume Erick Rinner, managing partner chez Milestone. Les nouveaux dirigeants entament un vrai travail de redé ploie ment. La production étant externalisée, ils redéfinissent le réseau de fournisseurs afin de trouver les partenaires les plus performants. La gamme produits s’élargit peu à peu avec le développement des gels douche et une offre complète de savons et soins pour bébé. La marque se distingue en étant l’une des premières à proposer des formules sans paraben. En 2007, deuxième changement d’actionnaires : Qualium et CIC Finance cèdent leurs parts au franco-britannique Milestone, et les managers se renforcent. « Les négociations se sont menées très en amont, raconte Erick Rinner, car notre volonté était d’associer Cadum à une autre entreprise afin d’atteindre une taille critique indispensable pour vraiment donner à Cadum les moyens de son développement. Nous avons donc préempté le deal et pris le temps de chercher une opportunité d’acquisition. » La cible a été trouvée en la qualité d’Iba, créateur et distributeur de désodorisants et parfums d’intérieur au chiffre d’affaires brut de près de 30 millions d’euros et bénéficiant d’une bon ne rentabilité. Résultat : en octobre, Milestone conclut simultanément l’acquisition de Cadum et d’Iba.

LA PME SE STRUCTURE. Recrutement d’un directeur commercial, d’un directeur financier, d’un responsable marketing, le management est renforcé et structuré. Un conseil de surveillance est aussi mis sur pied, et c’est le PDG de Sara Lee France, en charge de la branche agroalimentaire, qui est appelé pour le diriger. Ancien responsable de la division Maison et Produits d’hygiène du géant américain, Jacques Deret connaît très bien le secteur. C’est d’ail leurs dans le cadre de ses fonctions qu’il rencontre l’un des dirigeants de Cadum, Jean-Marie Total, à qui il a racheté le producteur d’insecticides Pyrel. « C’était le candidat idéal, affirme Erick Rinner. Il avait l’expérience des grands groupes et des négociations avec la distribution, tout en ayant une forte sensibilité PME. » La machine est en place et la bataille peut commencer. Les produits Cadum sont encore absents de nombreux rayons de super- marchés. Il faut étendre les relais de distribution et mailler le territoire. Mais l’entreprise ne possède pas d’équipe commerciale. À l’exception des achats et du marketing, la plupart des fonctions sont externalisées. « Or, une des clés de la réussite dans le secteur des biens de consommation, c’est de maîtriser la force de vente », insiste Erick Rinner. La marque s’ap puie dans un premier temps sur les ressources d’Iba, avant d’embaucher 25 commerciaux qui, petit à petit, étendent le nombre d’enseignes partenaires. « Les acteurs de la distribution sont toujours difficiles à convaincre, note Jacques Deret. Mais ils ont vu que la marque évoluait très vite, qu’elle faisait preuve de flexibilité en lançant rapidement de nouveaux produits. » Effectivement, l’entreprise connaît une belle croissance, 30% par an en moyenne, et élargit considérablement son offre. C’est ainsi qu’apparaissent les déodorants, les produits d’hygiène intime, et une ligne pour les 5-12 ans baptisée « Je ne suis plus un bébé Cadum » ! Le lancement de ces différents articles s’accompagne d’importants efforts marketing, le budget est triplé en quatre ans. L’entreprise investit dans des spots télévisés, et monte des campagnes avec les nageurs Laure Manaudou et Frédérick Bousquet. Inaugurée en 1925, l’élection du « bébé Cadum » est également remise au goût du jour, et son retour suscite l’engouement des mamans, qui se pressent pour déposer en ligne les photos de leurs chères têtes blondes.

COURTISÉ PAR LES INDUSTRIELS. La marque centenaire a de l’ambition, mais des moyens plus limités que ceux des grands groupes, et doit donc s’astreindre à une certaine discipline budgétaire. « Nous avons toujours été très attentifs à assurer le court terme comme le long terme, explique Jacques Deret. Nous devions gérer le cash pour assurer les dépenses marketing, le but étant au maximum d’autofinancer les investissements. » Iba sert ainsi de moteur de financement à la croissance de Cadum. Déjà bien rentable et mature, l’activité désodorisants a simplement été optimisée grâce à un recentrage de la gamme produits. Parallèlement au travail de redéploiement mené sur le marché français, le management amorce une stratégie internationale, conscient de la nécessité de démontrer le potentiel de ses produits en dehors de l’Hexa - gone. Le groupe demeure en effet très français, à l’exception d’une présence limitée en Allemagne, au Moyen-Orient et au Japon. Les dirigeants étudient donc les opportunités dans les pays émergents, et décident de cibler le Vietnam. « C’est un pays de taille moyenne qui possède une sensibilité francophile, justifie Erick Rinner. En outre, les études ont montré que les consommateurs étaient prêts à acheter des produits de qualité pour leurs enfants  Nous avons donc trouvé un partenaire local et commercialisé les produits bébé. » Un début prometteur pour les prochaines étapes de développement de l’entreprise… Car tous les efforts initiés finissent par payer. En France, Cadum voit sa part de marché sur le segment des gels douche progresser de 3% à 8%, et s’octroie jusqu’à 30% de parts de marché des produits bébé vendus en grandes surfaces. Cette renaissance crée de l’intérêt du côté des corporates, qui viennent se manifester auprès des actionnaires. Au terme d’enchères disputées, L’Oréal remporte la mise au mois de mai dernier pour une valorisation qui serait d’environ 200 millions d’euros. Il met la main sur une société qui devrait réaliser 80 millions de chiffre d’affaires en 2012, dont environ 55millions réalisés sous Cadum. Un joli succès pour Milestone, qui multiplie son investissement initial de 17,5 millions d’euros par six. « La sortie industrielle était logique pour le futur développement de la marque Cadum en Europe, conclut Erick Rinner. L’entreprise connaissait une telle croissance qu’elle avait besoin de s’appuyer sur un grand groupe pour réaliser des économies d’échelle et passer à la vitesse supérieure. » Le leader des cosmétiques a semble-t-il bien saisi le potentiel de sa récente acquisition, et compte désormais pousser sa croissance à l’international.

 

Coralie Bach

Repères

> 1907 : Naissance de Cadum. La gamme produits se compose d’un baume contre l’eczéma, d’une pommade et d’un dentifrice.

> 1952 : L’entreprise est reprise par l’américain Palmolive.

> 2003 : Colgate-Palmolive vend la marque. Deux entrepreneurs, Jean-Marie Total et Gilles Nouailhetas, s’associent à Qualium Investissement et CIC Finance pour monter un premier LBO.

> 2007 : Milestone organise un second LBO sur Cadum, et mène simultanément un build-up sur Iba, un producteur de désodorisants. Qualium et CIC Finance sortent, tandis que les managers se renforcent.

> 2012 : L’Oréal rachète l’entreprise pour près de 200 M€, devançant plusieurs industriels dont Unilever. Milestone multiplie sa mise par 6.

 

 

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