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L'histoire

21Centrale remodèle les contours deNord-Est Ileos 27.06.12

En quatre ans de LBO, Nord-Est Ileos est passé d’un conglomérat sans cohérence stratégique à un «pure player» de l’emballage de luxe et de santé. Un travail de détourage et de recentrage complexes orchestré par 21 Centrale, qui verra ses efforts récompensés par une belle sortie fin 2011 lors de la prise de contrôle du groupe par Oaktree.
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Un carve-out doublé d’un retrait de cote et d’un financement complexes. On ne peut pas reprocher à 21 Cen - trale Partners d’avoir choisi la facilité en orchestrant le LBO sur le groupe Nord-Est en 2007 (pourtant année faste des LBO se - condaires à gros leviers). Le groupe, coté à l’époque sur Eurolist B et majoritairement détenu par la holding suisse Harwanne, était l’héritage d’un conglomérat disparate, où se côtoyaient pêle-mêle des activités d’emballage, d’exploitation de gisements miniers, de transformation de mica ou encore de gestion de portefeuille. « Même au sein de l’emballage, coexistaient une collection de métiers sans synergies établies, se souvient Gérard Pluvinet, associé cofondateur de 21 Centrale Partners. Et avec ça, une rentabilité pas franchement alléchante avec un Ebitda de 7% du chiffre d’affaires en 2006 qui s’élevait à près de 230 millions d’euros.
Bref, un beau chantier de restructurations avec tout ce que cela comporte de ris - ques humains et financiers. D’ailleurs, le fonds cofondé par Alessandro Benetton et Gérard Pluvinet s’est d’abord intéressé à une autre filiale de Nord-Est, Apem, pé pite spécialisée dans les composants informatiques qui a été remportée par Equistone (ex-Barclays PE) en 2006. C’est de là que date la rencontre de Gérard Pluvinet avec Edouard Silvy, président du groupe coté mandaté par son principal actionnaire, la holding suisse Harwanne, pour orchestrer la vente par appartements du conglomérat hétéroclite. Si la première tentative de partenariat échoue, l’entente entre les deux hommes leur donne envie de renouveler l’expérience. En passant au crible les différentes composantes de la «coquille» Nord- Est, ils décèlent le potentiel d’Ileos, la filiale d’emballage qui jouit d’un savoir- faire reconnu dans différents métiers de l’emballage et dispose d’un portefeuille de clients prestigieux dans le luxe-cosmétique (L’Oréal, LVMH, Estée Lauder…) et le secteur pharmaceutique, malgré le manque de vision stratégique d’ensemble. 21 Centrale Partners négocie donc l’acquisition du bloc de près de 80% de Nord-Est à une valorisation «raisonnable» de 6,3 fois l’Ebitda. Restent les 15 % d’actions à racheter aux minoritaires pour atteindre le seuil de sortie de cote. Plutôt que d’offrir l’habituelle et «coûteuse» garantie de cours, 21 CP use d’un mécanisme détourné, en versant un dividende exceptionnel affectant le prix offert aux minoritaires et permettant d’utiliser la trésorerie de la cible pour financer l’opération.

Insuffler la culture «cash»

Le nouvel actionnaire n’a plus qu’à se re - trous ser les manches pour réveiller « la belle endormie », une tâche assez similaire de ce qu’il a réalisé auprès de l’ex-filiale d’emballage en aluminium d’Alcan Pechiney, Alltub, dont il a orchestré le carve-out en 2005 et qu’il a cédée à Naxicap fin 2007. Puisant dans son prestigieux carnet d’adres ses, 21 CP fait appel à un admi - nistrateur indépendant chevronné en la personne de Jean-Pierre Ergas, ancien directeur général de Pechiney où il avait no tamment orchestré la diversification en aval du mastodonte industriel vers l’emballage. « Son expertise sectorielle sera précieuse dans le déploiement des ambitions de développement du groupe », témoigne Edouard Silvy, président du conseil de surveillance. Premier chantier : recentrer Ileos sur l’emballage et élaguer les pans d’activité non-core business comme la filiale de mobilier commercial Pixxent cédée début 2008 à Green Reco very. Le groupe est désormais structuré en quatre pôles : le packaging santé avec Packetis, les étuis et coffrets de luxe avec Alliora, les solutions d’échantillonnage avec Bioplan, et enfin le packaging cosmétique avec Axilone. Reste à instiller une culture du cash et à fédérer un management pas encore « LBO-compa - tible ». « Quelques ajustements ont été forcément nécessaires pour rompre avec un fonctionnement de baronnies », témoigne Edouard Silvy, qui a «dû» remplacer cinq ou six managers dans la foulée. 21 Cen trale Partners met ainsi en place un plan des 100 jours pour remettre en cause les habitudes de « gestion à la papa » et revoir le business model, afin de tourner la page de la sous-rentabilité historique de l’entre - prise. Des groupes de travail planchent sur les arbitrages entre investissements et solutions alternatives de location et d’externalisation, et la gestion des stocks est passée au crible des chasseurs de coûts. Un travail qui se révélera salvateur à l’arrivée de la crise de 2009, plutôt bien anticipée par 21 CP, qui remettra l’accent sur la réduction du BFR et le maintien des marges. L’Ebitda est ainsi passé de 17 millions d’euros en 2006 à 45 millions d’euros en 2011, pour un chiffre d’affaires qui a augmenté de 42% sur la même période.

Le deuxième axe de développement de la feuille de route est l’expansion à l’international : le partenariat en Chine avec un acteur local est consolidé et la conquête des marchés d’Europe de l’Est et d’Amérique du Nord accélérée, notamment dans l’activité d’échantillons qui a été renforcée par l’acquisition de Biopack en 2008, une PME normande spécialisée dans le conditionnement de flacons-échantillons qui générait 18 millions d’euros de revenus à l’époque. En outre, 21 CP accompagne sa participation dans un build-up sur la société brésilienne Mappel à la veille de l’enclenchement du process de cession, preuve de la confiance de l’actionnaire dans l’attracti vité du nouvel Ileos. Conseillé par la «star» du M&A chez Rothschild & Cie, Laurent Baril, le choix de 21 CP se porte sur un acquéreur atypique : Oaktree Capital. Le fonds californien (plus de 70 milliards de dollars d’actifs sous gestion), connu en France pour la restructuration de Saint- Gobain Desjonquères fin 2009, a valorisé Ileos près de 6,5 fois son Ebitda, finançant l’intégralité de l’opération grâce à ses fonds de dette. 21 CP multiplie ainsi sa mise par 2,8 en quatre ans, et réalise près de 30% de TRI. De son côté, Oaktree met la main sur le leader européen de l’emballage pour la cosmétique et la pharmacie, dont l’activité est complémentaire du verrier SGD. Le hasard du calendrier veut qu’au même moment, un autre fonds californien spécialisé en « situations complexes », Au - rora Resurgence, ait mis la main sur l’autre expert français de l’emballage aluminium, Alltub, qui avait été aussi dans le giron de 21 CP. 

Houda El Boudrari

Visions Croisées

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    Edouard Silvy
    Edouard Silvy
    © D.R.

Edouard Silvy, président du conseil de surveillance de Nord-Est Ileos pendant l’actionnariat de 21 Centrale Partners, et Gérard Pluvinet, managing partner et cofondateur de 21 Centrale Partners.

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Edouard Silvy : En 2006, j’ai été appelé par le groupe Harwanne pour «faire le ménage» dans la coquille Nord-Est. L’idée des ma - nagers à l’époque était de brader les actifs par appartements mais en y regardant de plus près, j’ai réalisé qu’il y avait de belles pépites dont le potentiel ne demandait qu’à être révélé. C’était le cas d’Ileos, qui jouissait d’une position de leader sur différents segments de l’emballage et disposait d’un portefeuille de clients prestigieux dans le luxecosmétique (L’Oréal, LVMH, Estée Lauder…) et le secteur pharmaceutique.
Gérard Pluvinet : Edouard Silvy nous a d’abord sollicités pour le process de vente d’une autre filiale de Nord- Est, Apem, spécialisée dans les composants informatiques, qui a été remportée par Equistone (ex-Barclays PE) en 2006. Après l’échec de cette tentative, nous avons eu envie de nous associer sur un autre projet.

PE MAG : Quelles ont été les principales difficultés rencontrées ?
E. S. : Il y avait tout un changement culturel à mener en douceur pour fédérer un management pas encore «LBO-compatible». Quelques ajustements ont été forcément nécessaires pour rompre avec un fonctionnement de baronnies.
G. P. : Quand nous sommes devenus actionnaires, Nord-Est était l’héritage d’un conglomérat disparate, où se côtoyaient pêlemêle des activités d’emballage, d’exploitation de gisements miniers, de transformation de mica ou encore de gestion de portefeuille. Même au sein de l’emballage, coexistaient une collection de métiers sans synergies établies. Il a fallu redonner une vision stratégique et insuffler une culture de la rentabilité.

PE MAG : Comment s’est passée la sortie ?
E. S. : Le process de vente a été mené en étroite collaboration avec les managers du groupe, pour entrer très tôt en négociations exclusives avec le meilleur candidat. Le management a multiplié sa mise par 10 à l’occasion de cette sortie.
G. P. : Malgré un contexte difficile sur les marchés du crédit et la réalisation d’une acquisition au Brésil en plein processus de vente, nous avons réussi à donner aux acquéreurs une lisibilité sur la stratégie d’Ileos et à valoriser son potentiel de croissance. 

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