Accueil > enquetes > Gimv accompagne la mutation d’Inside Secure

L'histoire

Gimv accompagne la mutation d’Inside Secure 12.06.12

Pionnier de la technologie sans contact, Inside Secure a levé plus de 120 millions d’euros en quinze ans de tours de table auprès de VCs de tout genre. Gimv a fait partie de l’aventure dès ses prémices jusqu’à la toute récente IPO sur Alternext, et ne regrette pas sa fidélité.
imprimer
   

 

La Provence, ses calissons, ses santons et… ses semi-conducteurs. À la fin des années 1980, le fabricant de cartes à puce Gemplus s’y est installé. Dans ses cartons de R&D se trouvait le dossier de la technologie sans contact, alors considéré non stratégique. Un des respon sables, Jacek Kowalski, y croit pourtant malgré l’absence de marché et de produit finalisé. Il entraîne avec lui cinq autres in génieurs de Gemplus pour fonder Inside Contactless en 1995, à un jet de pierre de chez Gemplus (aujourd’hui Gemalto). Cette technologie consiste à élaborer des puces capables de communiquer par radio à courte distance, avec des applications possibles dans le paiement, la traçabilité en logistique et les cartes de fidélité. Quelques business angels et le VC an glais Alta Berkeley ont soutenu le projet dès 1996. Les produits se complexifient peu à peu, avec le développement de la première puce à mémoire sans contact en 1997, suscitant l’intérêt de Gimv, qui investit son premier ticket de 1,5 million d’euros. Les idées fusent chez les ingénieurs, et diverses technologies voient le jour. En 2000, Inside crée une interface sans contact pour PDA brevetée sous le nom de R2R. Elle se révélera visionnaire.

Un décollage façon arlésienne

Pourtant, les ventes restent poussives. «De la création à 2005, la société avait du mal à décol ler et a dû réaliser au plus 10millions de dollars de chiffre d’affaires la meilleure an - née », constate l’actuel directeur général finances d’Inside, Richard Vacher Detournière. VC dans une autre vie chez Siparex, qui a participé à un tour de table en 2001, il connaît bien Inside. Il situe une rupture dans l’histoire de la société en 2005, avec le lancement d’un circuit intégré sans contact dédié aux cartes de paiement qui initie, enfin, une première vague de croissance : « Avec cette plate-forme sans contact optimisée pour le paiement, Inside a pris son bâton de pèlerin pour aller démarcher Visa, avec la chance d’arriver au moment où ce dernier cherchait des avantages pour lutter contre Master- Card », retrace Richard Vacher Detournière. Un tour de financement suit avec Sofinnova et Visa. Inside change de braquet, et les actionnaires décident de muscler le management pour donner un nouvel élan à la société. « Jacek Kowalski, le fondateur, était un ex - cellent entrepreneur, mais il fallait le remplacer par quelqu’un qui sache gérer une société plus grande, analyse Alex Brabers, vice-président exécutif venture capital de Gimv. Nous avons donc demandé à Rémy de Tonnac, ex-dirigeant de Gemplus, de devenir CEO. Il fallait quelqu’un qui puisse piloter une équipe élargie, avec des procédures et des best practices », poursuit-il. Rémy de Tonnac prend ses fonctions en 2006, accompagné de Richard Vacher Detournière comme CFO, avec qui il a en commun d’avoir travaillé dans le capital risque chez Vertex, investisseur d’Inside depuis 2001.

Le contact décisif avec un voisin américain

Les levées de fonds se succèdent, attirant autant de VCs que de corporates du secteur comme Nokia, Motorola, Qualcomm ou Sam sung. Inside finance ainsi de lourds inves tissements dans le domaine de la Near Field Communication (NFC), standard de com munication sans contact pour les téléphones portables ou les tablettes, prôné notamment par le géant suédois, qui permet de transformer les téléphones en moyens de paiement et les faire interagir avec d’au tres appareils. Un standard qui n’est pas sans rappeler le R2R de 2000… Le chiffre d’affaires atteint 52 millions de dollars en 2008, dont 90 % aux États-Unis, mais le NFC ne rapporte encore rien. Pour couronner le tout, la crise écorne les ventes, qui baissent de 30% en 2009. Le dirigeant s’accroche, et le board prend une décision audacieuse en 2010 : un build-up pour doubler de taille. À Rousset, près d’Aix, se situent en effet les activités de micro-contrôleurs sécurisés (SMS) de l’américain Atmel. Les technologies sont con nexes, mais celles de SMS fonctionnent avec contact, dans le domaine des transactions sécurisées. « Nous avons suivi presque tous les tours de table depuis 1997, se souvient Alex Brabers. Les dix premières années, nous avons investi environ 11 mil lions d’euros grâce à notre structure evergreen. Pour l’acquisition d’Atmel, nous avons choisi de doubler la mise, avec aujourd’hui un total de 22millions d’euros investis. » Le FSI se joint entre autres au tour de table pour 7,5mil lions d’euros pour financer ce carve-out lourd, qui valorise SMS 32 mil lions de dollars. Le défi n’a pas effrayé Inside Contactless, qui change de nom à la faveur de cette intégration pour devenir Inside Secure. « Nous avons planifié l’intégration de façon précoce, se félicite Richard Vacher Detournière. Dès le signing, nous avons mis en place une équipe d’intégration sur les recommandations de Gimv. C’était une opportunité fantastique de reprendre la R&D, le marketing et les ventes. Le site de production a toutefois été cédé par Atmel à quelqu’un d’autre, car notre modèle est “fabless”. » L’entreprise passe ainsi de 160 à 320 personnes, et son chiffre d’affaires s’établit à 151 millions de dollars en 2011 après l’intégration.

Les puces tentent le marché

Même sans investissement dans la production, le développement des produits reste consommateur de cash. Entre 1995 et 2010, 120millions d’euros ont été levés, mais il faut encore financer la croissance. Désormais, Inside Secure se compose de trois business units : la sécurité numérique, qui réalise 20% de marge opérationnelle ; le paiement, qui a souffert de l’anticipation du changement de système des cartes de crédit américaines ; et le NFC, en voie de décollage. Le moyen de l’IPO s’impose pour continuer à croître, et Inside se met en ordre de bataille moins d’un an après l’absorption de SMS, pour une introduction sur Alternext et non aux États-Unis, comme cela aurait pu être envisagé. « L’idée consiste à jouer la carte du “champion national”, argumente le directeur général finances d’Inside. Il vaut mieux être rare dans son marché national plutôt que le N-ième dans un plus grand marché où l’on peut vite être oublié. » Or, le timing d’une introduction mi-2011 s’est révélé impossible à tenir à cause de la crise des dettes souveraines. En attendant, Inside a décroché un contrat avec RIM (BlackBerry) et Intel, et reste mobilisé pour guetter la fenêtre suivante, qui se présente en février 2012. Inside Secure lève 79,3 millions d’euros, avec une offre sursouscrite cinq fois. « L’IPO a pour but de financer la croissance, relate Alex Brabers. Nous ne sommes pas pressés de chercher la liquidité, il faut attendre le bon moment. » Avec 13 % du capital, Gimv garde encore le contact. 

 

Laurence Pochard

Repères

> 1995 : Création, par Jacek Kowalski et cinq anciens ingénieurs, de Gemplus
> 1997 : Tour de financement en capital conduit par Gimv
> 2001 : Levée auprès de Siparex et Vertex Management 
> 2005 : Sofinnova Partners et Visa investissent
> 2006 : GGV Capital, Vertex Venture Capital, EuroUS Venture les rejoignent
> 2007 : Nokia GrowthPartners, avec SamsungElectronics, Motorola, HID (AssaAbloy) entrent au capital 
> 2008 : Investissement de Qualcomm Inc.
> 2010 : Acquisition pour 31,8 M$ de l’activité SMS du groupe américain Atmel. Cette opération a été financée par un tour de 50 M€ auprès des investisseurs historiques de la société, menés par Gimv et Sofinnova, rejoints par le FSI, CCHS West Summit Capital et Atmel Corp.
> 2011 : IPO

Visions Croisées

  • Zoom
    Alex Brabers
    Alex Brabers
    © D.R.

Alex Brabers, vice-président exécutif venture capital de Gimv, et Richard Vacher Detournière, directeur général finances d’Inside Secure

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Qu’appréciez-vous l’un chez l’autre ?
Alex Brabers : Au début de notre histoire avec Inside Secure, la technologie était moins avancée qu’aujourd’hui, sa princi - pale application con - cernait le tagging. Par exemple pour des pass de ski, pour les vêtements, les véhicules… C’était un marché très jeune et intéressant, sur lequel les analyses étaient positives. Elles se sont confirmées.
Richard Vacher Detournière : En réinvestissant en 2010, Gimv a doublé le montant cumulé qu’il avait investi entre 1997 et 2007, et a pu remettre un ticket quand d’au tres avaient épuisé leurs ressources. Cela montre la mise en oeuvre d’un capital pa - tient qui donne les moyens de s’accrocher. De plus, il est important pour nous, managers, que les équipes de VCs soient restées stables, alors que celles de nos actionnaires corporate ont tourné bien plus vite.

PE MAG : Quel a été le meilleur moment de votre collaboration jusqu’à présent ?
A. B. : Les meilleurs moments ont été ceux des partenariats avec Visa et RIM, et j’ajoute aussi l’intégration de la division d’Atmel. Le partenariat avec Visa nous a lancés sur le marché du paiement. C’était vraiment une décision stratégique qui a été très bien exécutée. Quant à RIM, ce n’était pas stratégique mais visionnaire ! Le processus a été mené à un stade très précoce, nous avons créé le design avec eux. Enfin, avec l’intégration de la division d’Atmel : la société a doublé de taille, ce qui change la donne sur le marché.
R. V. D. : Je retiens le signing de l’acqui sition car, en changeant de taille, nous savions que nous allions gagner en crédibilité. Nous avons relevé ce défi auquel peu de gens croyaient. Et rendons à Gimv ce qui lui appartient : l’anticipation de l’intégration, grâce à son expérience des build-up dans son portefeuille. Je cite évidemment aussi le moment du closing de l’IPO, sur laquelle nous avons persévéré pendant un an.

PE MAG : Et le moment le plus délicat ?
A. B. : Devoir changer le mana gement, avec qui nous avions travaillé huit ans. Il a fallu négocier de nombreux points. Quand Jacek Kowalski est parti, je lui ai téléphoné pour le remercier de tout ce qu’il a fait. Aujour d’hui, il a remonté une société et garde de bons rapports avec Inside, la preuve : il est venu à l’IPO.
R. V. D. : En 2009, alors que la crise nous frappait. Il a fallu prendre la décision délicate – a posteriori salvatrice – de continuer à investir en R&D, quand l’immédiat était sombre et la tentation de réduire la voilure forte. Mais un actionnariat solide aide à passer des caps. Si Inside devait se lancer aujourd’hui, ce serait diffi cile de trouver un investisseur qui reste quinze ans. 

28