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L'histoire

Acto Capital sécurise son TRI avec Risk&Co 19.04.11

Depuis l’entrée d’Acto au capital du spécialiste français du conseil en sûreté
et intelligence stratégique en 2006, Risk&Co a triplé de taille et conforté
sa légitimité sur des missions sensibles auprès des multinationales du CAC 40.
Le début de l’aventure a pourtant dû donner quelques frayeurs à l’actionnaire
financier, peu habitué aux zones de conflits.
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Un secteur à la réputation sulfureuse, à cheval entre l’analyse du risque géopolitique et les missions opérationnelles de sécurisation en zones de conflits, une activité qui dépend exclusivement du carnet d’adresses d’un dirigeant atypique… Risk&Co n’est pas le genre de participations que l’on croise souvent dans les portefeuilles de fonds smid cap. Ce n’est pourtant pas par hasard qu’elle a atterri dans celui d’Acto Capital en 2006. « Nous avons été tout naturellement attirés par le potentiel d’un secteur qui connaissait une croissance de 15 à 25 % par an », justifie Jean-Marc Scéo, directeur d’Acto Capital, qui tient à désa morcer d’entrée de jeu les fantasmes liés à l’activité particulière de sa participation : « Il s’agit avant tout d’une société d’ingénierie, qui n’a rien à voir avec des mercenaires armés à l’anglo-saxonne aux activités “border-line”, en Irak ou en Afghanistan », précise-t-il. Point de port d’armes en effet chez les salariés de Risk&Co : « C’est l’une des limites que l’on s’est fixées avec notre actionnaire financier », assure Bruno Delamotte, président de Risk&Co, qui s’appuie sur des sociétés de sécurité locales quand les missions nécessitent des agents armés.

Guerre des tranchées

Mener des négociations pour dénouer une prise d’otages en Colombie ou sécuriser le site d’une entreprise du CAC 40 en Arabie Saoudite pour prévenir les risques d’attaques terroristes relève tout de même d’une «ingénierie» un peu spéciale, un créneau de niche sur lequel Risk&Co et son principal concurrent, le leader français Geos, s’octroient les deux tiers de part de marché dans l’Hexagone. Pourtant, ce n’est pas vraiment cette activité-là qu’Acto a rachetée en 2006, ou tout du moins le périmètre a radicalement changé entre ce qu’é tait le groupe constitué de l’agence d’intelligence économique Atlantic Intelligence, dirigée par Philippe Legorjus, qui venait de fusionner avec BD Consultant, le cabinet spécialisé dans l’analyse des risques internationaux de Bruno Delamotte. L’entrée d’Acto, qui injecte quelque 6 millions d’euros à l’époque pour un peu plus de 40 % du capital, aboutit à la sortie du groupe coté du Marché Libre. La complémentarité était certes alléchante sur le papier, entre l’activité d’intelli gence économique (5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2006) réalisée à 80% sur le territoire français et celle de conseil en sûreté dans les zones à haut risque de BD Consultant (4,6 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2006). Sauf que cette complémentarité théorique a viré à la guerre des tranchées pour incompatibilité d’ego entre Philippe Legorjus et Bruno Delamotte, tous deux fondateurs charismatiques de leurs boutiques et pas prêts à partager le pouvoir.

Un business model lucratif

L’arbitrage de l’actionnaire financier se fera en faveur de ce dernier, et le nouveau binôme rachète les parts du sortant en 2008, ce qui fait monter la participation d’Acto au capital à 60% contre 40% pour Bruno Delamotte. Exit donc l’activité d’intelligence économique dont « la valeur ajoutée et le potentiel de croissance étaient trop faibles par rapport à l’activité de BD consultants rebaptisée Risk&Co », explique Jean-Marc Scéo. Un diagnostic conforté par la progression fulgurante du chiffre d’affaires de l’activité gestion de risques, qui a triplé en cinq ans pour atteindre 15 millions d’euros en 2010, avec une marge contributive de 25 points et un résultat brut d’exploitation d’1 million d’euros. « 2011 devrait permettre à Risk&Co d’atteindre entre 18 et 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont une large majorité sera assurée par la seule montée en charge des contrats déjà existants, et d’engranger une rentabilité de 2 à 2,5 millions d’euros d’Ebitda », poursuit Jean-Marc Scéo, qui se félicite de la lisibilité du business model de sa participation. Laquelle intervient sur des contrats portant sur des milliards de dollars qui s’échelonnent sur plusieurs années, ce qui lui permet d’amortir des coûts fixes relativement importants au regard de sa taille. « Le seul poste transports tutoie le million d’euros », sourit Bruno Delamotte, qui surfe perpétuellement entre plusieurs fuseaux horaires : 45 % de l’activité est générée au Moyen-Orient, et un tiers en Afrique noire.

Le principe de précaution booste la demande

L’expert en géopolitique n’est pas près de ralentir le rythme, face à l’augmentation de la demande de ses clients. « Aujourd’hui, Risk&Co a atteint la taille critique pour répondre à des missions de plus en plus complexes et exigeantes en ressources », se félicite le patron, pas peu fier qu’en trois ans de croissance organique, il ait largement réussi à rattraper le retard engendré par la fusion avec Atlantic Intelligence. Même si, en comparaison des mastodontes anglosaxons, la PME française reste un acteur de taille modeste au niveau mondial. « Peu importe, un industriel français ne confie pas des missions de sécurité aussi sensibles à un acteur étranger, et Risk&Co est très bien perçu par les pouvoirs publics, qui souhaitent favoriser l’émergence d’un champion national », soutient Jean-Marc Scéo. Depuis le choc de Karachi, les ac - teurs français ont d’ailleurs pris conscience de leur retard en la matière, et sollicitent plus l’intervention de Risk&Co en amont. « La plupart des multinationales opérant dans les zones à risques ont décuplé les mesures liées au principe de précaution, même quand le risque objectif n’a pas forcément augmenté. Dès lors, notre marché croît de 30% par an, et nos concurrents ne sont pas en mesure d’absorber cette croissance, d’autant que le modèle de “bunkérisation” à l’anglo-saxonne n’est pas forcé ment le plus efficace », souligne Bruno Delamotte, dont les méthodes s’inscrivent dans une logique de « vivre-ensemble » s’appuyant sur l’intime connaissance des territoires et des populations pour prévenir les risques sécuritaires. « 20 % de mes effectifs parlent arabe », indique le patron de Risk&Co, qui compte aussi dans son staff de 150 personnes quelques normaliens, une quarantaine d’anciens militaires, des ingénieurs en électronique, des pointures en informatique, des docteurs en sciences politiques et même…un chirurgien. Il n’en reste pas moins que 95 % du chiffre d’affaires de la PME est apporté par les soins du seul Bruno Delamotte. Ce dernier, avec le soutien d’Acto, a souhaité structurer son équipe de management en recrutant une directrice générale en la personne de Béatrice Bacconnet, ancienne dirigeante de Thales Security et de Martec, deux entreprises spécialisées en sécurité électronique, un directeur financier et un directeur des opérations. « Après cette phase de structuration, celui qui va nous remplacer va avoir un boulevard de croissance devant lui », glisse Jean-Marc Scéo.     

Visions Croisées

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    Bruno Delamotte, président de Risk&Co
    Bruno Delamotte, président de Risk&Co
    © D.R.

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Pourquoi vous êtes-vous choisis ?

Bruno Delamotte : L’ouverture de capital s’est faite à l’occasion de la fusion avec Atlantic Intelligence en 2006. Ma principale motivation était alors que BD Consultant, le cabinet de conseil en sûreté et intelligence stratégique que j’ai créé en 1994, puisse atteindre la taille critique et dépasser le plafond de verre des 5 M¤ de CA. Mais la greffe n’a pas pris avec Atlantic Intelligence, et a abouti à une séparation. En revanche, le courant est passé avec Acto, qui s’est révélé un bon partenaire financier ces dernières années.

Jean-Marc Scéo : Quand nous nous sommes intéressés à Atlantic Intelligence, c’est surtout le segment de la sécurité représenté par BD Consultant que nous jugions le plus prometteur. Aussi, lorsque les divergences stratégiques sont apparues entre les deux dirigeants, nous avons tout naturellement choisi de racheter une partie des parts de Philippe Legorjus. La valeur ajoutée et le potentiel de croissance de l’intelligence économique étaient trop faibles par rapport à l’activité de BD Consultant.  

 

PE MAG : Comment se passe votre partenariat ?

B. D. : Nous avons réussi à trouver un équilibre. Acto a eu l’intelligence de ne pas vouloir imposer sa loi malgré sa position de majoritaire, ce qui nous a permis d’éviter les problèmes de gouvernance qu’est en train de traverser notre principal concurrent du fait de l’immixtion de ses actionnaires financiers dans la direction de l’entreprise.

J.-M. S. : Après la rupture avec Atlantic Intelligence, nous avons accompagné Risk&Co dans une phase de structuration et de reconstruction durant laquelle nous avons participé, notamment, au recrutement de la directrice générale et du directeur financier. Nous partagions dès le départ la vision stratégique de Bruno Delamotte, et la suite des événements nous a donné raison.

 

PE MAG : Comment envisagez-vous la séparation ?

B. D. : Je fais confiance à Acto pour ne pas céder à l’appel d’un de nos gros concurrents anglo-saxons qui voudrait seulement récupérer nos parts de marché. Idéalement, je verrais un actionnariat équilibré entre l’adossement à un groupe industriel et un investisseur.

J.-M. S. : La sortie se fera de toute façon en concertation avec Bruno Delamotte. Risk&Co a désormais atteint la taille critique pour aiguiser l’appétit d’acquéreurs stratégiques et, après la phase de structuration qu’elle a traversée, le potentiel de croissance est encore plus important.  

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