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L'histoire

Abénex et L Capital revitalisent Nutrition & Santé 25.06.09

Le leader européen de la nutrition diététique poursuit son développement dans le giron d’Otsuka Pharmaceutical, après une parenthèse d’actionnariat financier qui l’a sorti de sa torpeur. En trois ans, les investisseurs ont accompagné le nouveau management dans la mise en place d’un plan de développement ambitieux.
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Si Nutrition & Santé met ses clients à la diète, elle a plutôt enrobé ses actionnaires. À la table du leader européen de la nutrition fonctionnelle (Gerblé, Gerlinéa, Milical, Isostar...) depuis début 2006, Abénex et L Capital l'ont cédé début 2009 à l'industriel japonais Otsuka Pharmaceutical. « À un prix qui ne se refuse pas » commente laconiquement Philippe Franchet, partner de L Capital, contractuellement tenu au secret sur tout indicateur de performance par l'acheteur nippon. Mais même sans dévoiler la valo risation, il ne fait aucun doute que cette transaction signe la plus grosse sortie de l'année sur un marché totalement atone.
Placardisé par Novartis
Né de la fusion en 1994 de la société Diététique & Santé (Gerblé, Milical...) avec Céréal Wander Nutrition (Céréal, Isostar...), l'entreprise de Revel (Haute-Garonne) a été un des pionniers de l'alimentation diététique avant de connaître une stagnation dans le giron de Novartis. Le laboratoire pharmaceutique, désireux de se recentrer sur la santé, voulait s'en délester depuis 2002. Placardisé dans le rayon non-stratégique du géant suisse, l'entreprise subissait une érosion de son chiffre d'affaires qui plafonnait à 245 M€ lors de sa prise en main par Abénex (alors ABN Amro France), aussitôt rejoint par le fonds sponsorisé par LVMH. En misant 220 M€ (soit 9 fois l'Ebitda) dont 135 M€de dettes senior et mezzanine, les deux financiers se partagent 90% du capital de la cible à hauteur de 51% pour Abénex et 49% pour L Capital. Pour réveiller la belle endormie, le duo sort un  atout majeur de sa manche : Didier Suberbielle. Le proctérien, qui a passé dix ans chez LVMH aux manettes de Moët & Chandon et Pommery, puis aidé l'éditeur de presse Condé Nast à conquérir le marché français, a aussi été l'un des cofondateurs de Parashop au début des années 90. « Nous n'envisagions pas de reprendre le dossier sans Didier Suberbielle, assure Philippe Franchet. Sa compréhension de la complexité des différents modes de distribution et son expérience de lancements produits le taillaient sur-mesure pour le poste. » Un homme du marketing dans un secteur aux méthodes de communication artisanales...
La recette a déjà fait ses preuves dans le MBI de Forté Pharma (orchestré par L Capital en 2003), avec Alain Boutboul, un ancien de Coty Lancaster qui a transposé les méthodes du parfum à l'univers austère des compléments alimentaires. Pour l'instigateur du lancement du magazine Glamour en France, la tâche se doit d'être encore plus facile... « L'entreprise bénéficiait de très bons fondamentaux et de marques fortes mais l'épisode Novartis a été nocif à sa compétitivité et à sa capacité d'innovation » souligne Didier Suberbielle, qui a dû revoir certains processus hérités de la « bureaucratie suisse ». Ainsi du fonctionnement du marketing qui attendait les consignes de la R&D au lieu d'orienter le travail des scientifiques vers les nouvelles tendances du marché. « La refondation du marketing a reposé sur trois axes majeurs, résume Olivier Moatti, associé gérant d'Abénex : la modernisation du packaging, le développement de la publicité et l'innovation produit ».
« Libérer les énergies »
Mais pour mettre en oeuvre ce projet ambitieux, le nouvel arrivant a besoin d'avoir les coudées franches : « Il était nécessaire de procéder à certains changements au niveau du management en place pour libérer les énergies » euphémise-t-il. Exit les DG, directeur marketing et directeur de R&D, dont le non-remplacement créera un appel d'air pour les ambitions muselées dans les strates inférieures. En revanche, Didier Suberbielle pourra s'appuyer sur un directeur financier et un directeur commercial de haute volée. Dopés par un management package ouvrant le capital à une quarantaine d'entre eux, les cadres ont remarquablement « libéré leur créativité ». L'entreprise passe d'une dizaine de nouveaux produits par an à une centaine de nouveautés ! Deuxième axe du plan « de revitalisation », on met le paquet sur la communication en faisant passer le budget publicitaire de 8 millions d'euros en 2006 à 16 millions
en 2007. L'entreprise a notamment investi la moitié de son Ebitda en pub télé. « C'est une prise de risque assez rare pour des financiers, généralement peu friands de dépenses immatérielles au payback incertain » tient à souligner Philippe Franchet. Assuré du soutien de ses investisseurs, Didier Suberbielle en profite aussi pour revoir la stratégie de marques qui manquait de lisibilité. Sur le front de la diététique, le choix s'impose entre Gerblé et Céréal qui se disputent le même segment. On décide de faire de la place pour Gerblé... mais sans pour autant tuer Céréal. « Nous avons préféré utiliser la notoriété de la marque qui existe depuis 1936 pour nous positionner sur le marché bio qui connaît une croissance forte et où nous étions encore très peu présents » explique le dirigeant. L'idée est ingénieuse et mobilisatrice en interne : une vingtaine de produits signés Céréal-Bio vont disputer la vedette au leader Distribog sur les linéaires des supermarchés et dans les boutiques spécialisées.
Synergies industrielles
Cette réorganisation en amont est aussi l'occasion de revoir les process industriels en aval et l'homme de marketing ne rechigne pas à traquer les gains de productivité opérationnelle. Ainsi, la fermeture d'un site espagnol spécialisé dans les produits déshydratés et le rapatriement de cette activité à Revel permet de réaliser des synergies insoupçonnées. Le cash tiré de la vente du terrain servira pour partie à la recapitalisation début 2008 qui remboursera la totalité de la dette mezzanine. En parallèle, les actionnaires financiers planchent sur les dossiers de build-up. Sur la trentaine de sujets d'acquisition passée en revue en Europe, seuls trois finiront par aboutir en février 2008 : la marque italienne d'orge soluble Orzo Bimbo (CA : 4 M€), le spécialiste espagnol de la diététique minceur en pharmacie Binaman (5,7M€) et le producteur français de céréales bio Céréalpes (2,3M€). Pas de quoi combler l'appétit des financiers qui rêvent d'une consolidation du marché autour de Nutrition & Santé (CA : 287 M€ en 2008) et -pourquoi pas ?- de créer le prochain L'Oréal de la diététique. Mais pour cela, il faudrait un temps que même les professionnels du luxe ne peuvent pas s'offrir. La proposition alléchante d'Otsuka Pharmaceutical (9,3 Mds de dollars de CA) ne leur laisse que le choix de dire oui. Le L'Oréal de la diététique naîtra peut-être sous pavillon japonais...
Houda El Boudrari

Visions Croisées

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    Olivier Moatti
    Olivier Moatti
    © D.R.

PRIVATE EQUITY MAGAZINE: Comment s'est passée votre collaboration ?

O. M. : Nous nous faisions mutuellement confiance, ce qui accélérait le processus de décision. J'avais déjà travaillé avec Philippe Franchet et luimême connaissait Didier Suberbielle auparavant, c'est donc avant tout une histoire d'hommes.
D. S. : Certains changements ne sont possibles qu'avec un mode de gouvernance aussi agile et réactif que le LBO. Dans le cas de Nutrition & Santé, l'épisode vécu avec Abénex et L Capital a été une sorte de « parenthèse enchantée ».

P.E.M. : Quel a été votre principal regret ?

O. M. : Partir. L'activité de Nutrition & Santé est facile à comprendre, les produits sont attachants et l'équipe aussi. Alors forcément, on aimerait bien rester encore le temps de la faire grandir, mais ce sont là les limites du modèle d'actionnariat financier.
D. S. : Ne pas pouvoir organiser un LBO secondaire, compte tenu du contexte. Nous aurions eu le temps de doubler de taille avec les opportunités de consolidation du marché.

P.E.M.: Comment se présente l'avenir de Nutrition & Santé ?

O. M. : La cession à Otsuka Pharmaceutical permet à Nutrition & Santé d'avoir un actionnariat stable qui lui garantit son autonomie et son indépendance. Contrairement à Novartis qui a bridé son développement, l'industriel japonais dont le coeur de l'activité est aussi la diététique prévoit de lui dédier des ressources importantes. Cela signifie que l'entreprise qui connaît une forte croissance depuis deux ans va pouvoir accélérer encore son développement.
D. S. : Cette sortie était la meilleure option industrielle. Il aurait été plus dangereux pour la société de se faire racheter par un groupe européen disposant d'usines et de forces de vente sur le territoire. Et qui aurait pu être tenté de procéder à des suppressions de poste. Avec Otsuka Pharmaceutical, nous ne sommes pas dans cette configuration mais au contraire dans une stratégie de conquête de marchés. L'accord garantit le maintien des sites industriels de Revel et d'Annonay ainsi que le maintien du siège social à Revel.

Repères

> 1928 : création de la marque Gerblé
> 1934 : création de la marque Céréal
> 1972 : création de la société Diététique & Santé
> 1977 : création d'Isostar : 1ère gamme de nutrition sportive en Europe
> 1981 : achat par Diététique & Santé de la marque Milical
> 1991 : Diététique & Santé est racheté par le groupe Sandoz
> 1994 : Nutrition & Santé naît de la fusion de Diététique & Santé avec Céréal Wander Nutrition
> 1996 : Sandoz, actionnaire de Nutrition & Santé devient Novartis
> 2003 : création de trois filiales : Italie, Espagne et Bénélux
> 2005 : rachat par ABN Amro Capital (Abénex) et L Capital
> 2009 : rachat par Otsuka Pharmaceuticals

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