Accueil > enquetes > Laboratoires Vendôme, la (belle) fin de l'indépendance

L'histoire

Laboratoires Vendôme, la (belle) fin de l'indépendance 22.11.07

Laboratoires Vendôme, la (belle) fin de l'indépendance
Transmission familiale, cession de l’activité de production et recentrage sur le marketing, nouvelles acquisitions. Retour sur les différentes étapes du Mbo mené par 3i sur le dernier fabricant de produits d’hygiène et de soins indépendant…
© D.R.
Laboratoires Vendôme, la (belle) fin de l'indépendance
imprimer
   
Proposer des produits d’hygiène et de soins distribués en grandes surfaces. C’était l’idée principale – même si la pharmacie restait une cible parallèle –, lorsque les laboratoires pharmaceutiques Monot ont créé, en 1981 sur une initiative de Marcel Elias, la société Vendôme. La PME dijonnaise avait misé sur l’essor des GMS qu’elle comptait conquérir grâce à de nouvelles marques, en innovant et en s’adaptant aux besoins des consommateurs. Passée par plusieurs phases, l’entreprise est aujourd’hui devenue un groupe indépendant largement reconnu sur le marché des produits d’hygiène corporels.

Un rachat chanceux

En 1984, Laboratoires Vendôme, qui commercialisait déjà Prim’Age, entame son développement avec le rachat de la marque Le Petit Marseillais. Cette dernière avait été créée en 1982, par Bernard Lengellé, ancien journaliste du Dauphiné Libéré qui avait remis au goût du jour une vieille recette de savon marseillais. Son inventeur avait commencé par la commercialiser dans les pharmacies du Vaucluse. Quelques années plus tard, il revend, pour 100 000 francs de l’époque, son concept aux Laboratoires Vendôme, sans se douter de l’essor considérable à venir. Ces derniers vont développer la marque en améliorant son packaging, sa communication et en segmentant son offre. Ressemblant au cube traditionnel du savon de Marseille, Le Petit Marseillais change de forme, s’affine pour une meilleure prise en main et propose différentes senteurs et couleurs. Une identité de marque bien française mêlant authenticité et naturel est accompagnée d’un positionnement familial haut de gamme.
Cette tactique va payer. Dès 1986, le savon prend 5% des parts de marché. Trois ans plus tard, le groupe lance ses premiers gels douche, puis quelques temps après, une gamme de shampoings. Il va connaître alors une importante croissance et une forte visibilité. Son taux de notoriété atteint aujourd’hui 94% et 1 foyer sur 3 utilise un produit Le Petit Marseillais au minimum une fois dans l’année. Bel exploit pour un industriel indépendant qui a su se démarquer des L’Oréal et autres géants américains. «Notamment grâce à la vision et la réactivité de son équipe de management», précise Stéphane Franchaud, directeur chez 3i.
Au départ détenus par la famille Monot, les Laboratoires Vendôme accueillent progressivement au capital, Marcel Elias, entré dans les Laboratoires Monot comme directeur financier dans les années 60. Alors que le laboratoire pharmaceutique sera rapidement revendu à un industriel, Marcel Elias grimpe petit à petit au sein du groupe Monot, et est nommé Pdg en 1994, avec 25% des parts.

Un MBO assez classique
Ancré dans la société et avec un esprit visionnaire, Marcel Elias souhaite accélérer le développement. En 2002, il décide de monter un Mbo en compagnie d’un financier. Deux ans auparavant, 3i avait déjà approché la société dijonnaise. «Sur les conseils d’un avocat de la région, nous avions entendu parler du potentiel des Laboratoires Vendôme et tenté de mettre en place une opération, sans succès d’abord, confirme Stéphane Franchaud. Par la suite, ce premier contact avec le dirigeant a joué en notre faveur car nous étions en concurrence avec d’autres fonds et un industriel, qui a notamment proposé un prix supérieur au nôtre… Mais notre projet a séduit les opérationnels», ajoute-t-il.
A l’époque, le fonds apporte 33 millions d’euros en fonds propres, pour environ 45% de la holding de reprise, tandis que Marcel Elias devient majoritaire (avec le management qui prend 2 à 3%), et que les banquiers apportent une dette d’environ 90 millions [ndlr : ce qui valorisait l’entreprise autour de 170 millions déjà]. L’objectif était d’organiser la transmission de la famille fondatrice, tout en accélérant la croissance de la société. A cette époque, le groupe exploite les marques Vendôme (soins dermatologiques nettoyants et hydratants), Prim’Age (toilette pour bébé) et donc Le Petit Marseillais (gels douche et bain, savons et produits capillaires).

Fin de l’activité production
Jusqu’en mai 2004, le groupe fabriquait et conditionnait ses produits via la SPPH (Société de Production Pharmaceutique et de l’Hygiène), filiale basée à Quetigny (Côtes d’Or). A partir de cette date, Vendôme repense sa logique industrielle et cède cette activité de production – trois usines pour un chiffre d’affaires annuel de 43,6 millions d’euros – à la société Fabrication Chimique Ardéchoise (FCA). Pour 40 millions d’euros, cette opération permet aux Laboratoires de rembourser la dette senior résiduelle du Mbo. «Par la suite, la partie fabrication ne pouvait intéresser un major présent dans la grande consommation : nous avons anticipé ce problème en vendant à un spécialiste de la production», explique Marcel Elias, Dg des Laboratoires Vendôme. La FCA devient d’ailleurs le sous-traitant pour toute la production des Laboratoires Vendôme. Cette étape marque la fin de l’actif industriel et la focalisation sur les aspects marketing et commerciaux. Mais elle était nécessaire : les unités de production comptaient 300 salariés et, en les revendant, le dirigeant leur assurait une pérennité et optimisait leur valeur. Cette étape favorisera aussi une recapitalisation : 3i en profite pour réaliser une partie de son investissement et cède la moitié de ces titres pour environ 3 fois sa mise. En mars 2005, le fonds ne conserve alors que 25% du capital.

Cession anticipée
Pour la suite, 3i souhaitait repartir sur un nouveau cycle de trois ans notamment en guidant l’entreprise sur des opérations de croissance externe. Chose faite avec des nouvelles acquisitions : le groupe rachète Persavon (produits lavants et dermatologiques entrée de gamme) et, en même temps, La Perdrix (lessives) et les Laboratoires Bernard (produits d’hygiène), ces deux derniers actifs étant un peu moins stratégiques mais vendus dans le cadre d’un package. Persavon bénéficiant d’un positionnement complémentaire à celui des différentes marques déjà en portefeuille, les Laboratoires Vendôme consolident ainsi leur offre et confortent leur positionnement sur le marché de l’hygiène.
Après quatre ans avec 3i, les Laboratoires Vendôme sont passés de 100 à 160 millions d’euros de CA en 2006, avec une rentabilité «très bonne» pour ce secteur. Contacté par plusieurs fonds et industriels, l’investisseur n’avait pas envisagé de céder ses parts si rapidement et s’était engagé dans une nouvelle étape. Mais, début 2006, il reçoit deux propositions intéressantes. Un processus de négociation est entamé et, quatre mois après, le fonds et le dirigeant-actionnaire trouvent un accord avec la division française de Johnson & Johnson.
Le prix payé n’a pas été révélé mais 3i a réalisé un TRI de 45% et un multiple de 4,3 fois sa mise. «C’est une belle entreprise, la dernière qui était encore indépendante sur ce marché, qui a connu une forte croissance – de 10 à 12% sur la période, soit 4 à 5 points de plus que le marché pendant notre partenariat. En 2002, ce fut notre investissement le plus important en France, à la fois en termes de montant et de valorisation d’entreprise», souligne Stéphane Franchaud. L’américain Johnson & Johnson, avec 50,5 milliards de dollars de revenus 2005, possède notamment Neutrogena, Biafine ou Roc, et dispose d’une bonne réputation dans les GMS. Ce changement d’actionnaire ne devrait pas poser de problèmes pour les distributeurs. Mais seul l’avenir nous dira si ce nouveau propriétaire saura aussi bien développer le potentiel de la société.
Audrey Spy

Repères

> 1981
création des Laboratoires Vendôme, au sein des laboratoires pharmaceutiques Monot
> 1984
rachat de la marque
Le Petit Marseillais pour 100 000 francs
> 1997
Le Petit Marseillais est élu marque du siècle par BVA
> 2002
Mbo monté par Marcel Elias et 3i
> 2004
vente des usines de fabrication à FCA
> 2006
cession industrielle à Johnson & Johnson.

Visions croisées 3i/Laboratoires Vendôme

Marcel Elias, ancien dirigeant du Groupe Vendôme, et Stéphane Franchaud, director chez 3i, reviennent sur un partenariat réussi.
Private Equity : Pourquoi vous êtiez-vous choisis ?

Marcel Elias : Je savais que la famille Monot se désengagerait de la société et j’ai donc anticipé leur sortie. A partir de 2000, j’ai mesuré toutes les possibilités envisageables. Entre temps, j’ai fait la connaissance de 3i et je me suis fixé pour objectif un Mbo de reprise. Quand
la famille a commencé son processus de désengagement avec Lazard, j’ai naturellement appuyé la candidature de ce fonds.
Stéphane Franchaud : Depuis un petit moment, nous étions intéressés par cette entreprise et nous avions fait plusieurs offres, en vain. Son positionnement de dernière société encore indépendante
en France sur ce marché promettait de belles choses. J’ai aussi été convaincu par la qualité de l’équipe de management aux profils très complémentaires.
Private Equity : Comment se sont déroulées ces quatre années de partenariat ?
ME : Nous avons eu beaucoup d’échanges et très peu de différends. Avoir un appui externe permet de discuter sur des éléments importants. C’est plus facile de ne pas être seul pour prendre certaines décisions et j’ai vraiment apprécié ce partenariat.
SF : J’ai consacré environ 20% de mon temps à cette entreprise et ça en valait la peine. Nous faisions une très bonne équipe avec Marcel Elias. J’étais son soutien pour faire passer ses idées aux autres membres de la direction.
Private Equity : Et maintenant…
ME : Lorsqu’on me pose la question de savoir si je suis heureux de ma sortie, je réponds toujours non, j’aurais bien vécu l’aventure encore quelques années. Mais je savais bien, en me lançant dans un Mbo, que cela se terminerait par une cession industrielle. A 63 ans, je suis encore jeune pour m’arrêter. Si je trouve une nouvelle entreprise à développer, je pense que je n’hésiterais pas à recommencer.
SF : Vendôme a été un investissement phare pour 3i en France. Aujourd’hui, nous connaissons la logique de création de valeur autour des marques de grande consommation comme Vendôme, Senoble, Mr Bricolage ou Camaieu. Notre nouvelle stratégie d’investissement est orientée sur plusieurs secteurs d’activité, et donc notamment les consumer goods.
28