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L'histoire

Entrepose Contracting, une sortie bien engagée 26.11.07

Entrepose Contracting, une sortie bien engagée
L’industriel des projets clés en main dans l’énergie, ancienne division non stratégique du groupe Suez, est devenu une entreprise autonome, solide et cotée avec l’appui du fonds d’investissement Ciclad.
© D.R.
Entrepose Contracting, une sortie bien engagée
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Fruit d’une longue tradition industrielle, Entreprose Contracting est une histoire d’hommes et avant tout d’ingénieurs», explique Jean-François Vaury, associé chez Ciclad. En 1935, le fabricant de tubes d’acier sans soudure, Vallourec, crée Entrepose pour la pose de ses produits. Rapidement, la société s’accroît et signe ses premiers contrats internationaux de pipelines au Moyen Orient en 1955. Après quelques années, sa filiation est transformée par les fusions-acquisitions et les prises de participations. L’entreprise est reliée à GTM (Grands Travaux de Marseille) dans les années 80. En 1990, elle intègre le nouveau groupe Lyonnaise des Eaux-Dumez, qui deviendra Suez en 2000.
Ce n’est qu’en 2001 que naît Entrepose Contracting, filiale de Tractebel qui appartient alors à Suez. L’entreprise qui s’était un peu diversifiée sur le BTP, se recentre sur son activité première : les projets clés en main dans l’énergie du gaz et du pétrole. Elle est spécialisée sur deux domaines : les réservoirs de stockage et les unités de traitement et de transport pour les industriels du gaz (gazoducs) et du pétrole (pipelines).
Mais très rapidement, le groupe Suez décide de se séparer de ce petit actif car il ne souhaitait plus porter en hors bilan les garanties de maison-mère que sa filiale doit fournir au nom de la «bonne fin des travaux» à chaque contrat passé. En effet, tout projet comporte des risques qui nécessitent de prévoir un éventuel dédommagement. Etre jusqu’alors sous le contrôle de Suez permettait de disposer de ces garanties, ce qui rassurait les clients d’Entrepose, ou facilitait l’obtention de cautions bancaires auprès des établissements de crédit.
Par ailleurs, Entrepose Contracting est positionnée à l’international et depuis vingt ans sur des zones sensibles comme le Nigéria, l’Algérie, où ses principaux concurrents ne disposent pas nécessairement d’implantations historiques. Cette exposition géographique spécifique ainsi que la faible récurrence de l’activité (5 à 6 projets par an maximum) ont vraisemblablement incité Tractebel à céder cette filiale.

Une indépendance difficile à mettre en œuvre
Bien conscient, des difficultés à sortir d’un grand groupe, le management d’Entrepose Contracting souhaite alors trouver une solution pour pérenniser l’activité tout en gardant son autonomie. Sous les conseils de PwC, les dirigeants choisissent de monter un Mbo dès mars 2002. «Cette possibilité paraissait la plus adaptée à la spécificité d’Entrepose Contracting, nous avons alors mis en concurrence plusieurs fonds d’investissement», explique Dominique Bouvier, Dg de la société. LBO France, Perfectis ou encore Ciclad sont en course. Finalement, ce dernier remporte le deal le 3 décembre 2002. Le montage est assez atypique : sans aucune dette senior et avec un programme qui intègre largement les managers (20,5% du capital de la holding), ainsi que les salariés de la société (300 entre la France et le Royaume-Uni), aussi invités à participer au Lbo (à hauteur de 25,5%) par l’intermédiaire d’un fonds commun de placement en entreprise (FCPE). Au total, Ciclad (54% du capital de la holding) et les associés ou salariés mettent 8 millions d’euros en fonds propres et quasi fonds propres (obligations convertibles). Pour faire face aux problèmes de garanties du marché, un pool bancaire emmené par Natexis met en place une ligne de crédit de 50 millions d’euros. La mise en place de ce pool permet progressivement de faire face à l’arrêt d’émission de garanties de maison-mère par le groupe Suez auprès des clients d’Entreprose Contracting.

L’effet Mbo

L’entreprise croît dès l’entrée de Ciclad dans le capital. «Notre rôle a été d’accompagner le management dans sa réflexion stratégique, notamment pour les projet de croissance externe, et donner quelques conseils opérationnels, mais interférer dans la gestion», avance Didier Genoud, directeur associé de Ciclad. La société s’agrandit aussi en acquièrant, en 2003, 100% des contrats internationaux du groupe Ineo (Suez), spécialiste des solutions électriques et de l’instrumentation. «Cette acquisition a été facilitée du fait de liens étroits avec Ineo auprès de qui nous soustraitions la partie électricité de notre activité», souligne Dominique Bouvier. En avril 2005, Entrepose Contracting poursuit sa stratégie de croissance en prenant une participation de 25% dans Geostock, expert dans l’ingénierie du stockage souterrain. Le chiffre d’affaires se situe alors autour des 225 millions (pour un résultat net de 8,5 millions), même si dans ce métier très cyclique, les professionnels préfèrent parler de carnet de commandes pour évoquer la santé d’une entreprise. Et ça va bien de ce point de vue là aussi avec un horizon de deux ans de commandes, soit environ 530 millions d’euros en mars 2006, et une augmentation de 33% par rapport à 2002.
«Un véritable effet Mbo, analyse Jean-François Vaury. Comme souvent quand les salariés et le management sont intéressés au capital, ils prennent conscience de posséder leur entreprise. Cela exacerbe leur motivation et les pousse à faire plus attention à leur façon de travailler, aux petites dépenses…» Les projets montés prennent aussi de l’envergure. Par exemple en décembre 2004, l’entreprise a terminé un chantier en Azerbaïdjan d’un montant de 35 millions d’euros : vingt-quatre mois ont été nécessaires afin de construire trois réservoirs de 120 000 m3 chacun pour le groupe pétrolier BP. L’entreprise a aussi signé un contrat de 220 millions d’euros au Nigéria en 2004. Et n’a donc pas souffert de la séparation d’avec Suez en profitant bien de la croissance du marché pour suivre son développement.
Face aux bons résultats, Ciclad aurait pu être tenté par une recap ou une opération secondaire mais cela ne correspondait pas à la stratégie choisie. Le fonds préfère attendre pour proposer une IPO. «Cette possibilité n’était pas du tout envisagée au départ et nous avons dû convaincre les dirigeants de l’opportunité que présentait une entrée en Bourse, pour les actionnaires mais aussi pour l’entreprise et l’ensemble de ses salariés», explique Didier Genoud. L’introduction sur l’Eurolist C à 23 euros par action se déroule le 30 juin pour une valorisation de l’entreprise de 112 millions – une augmentation de capital permet de lever 20 millions supplémentaires – avec un tel succès que le cours prend 21% en une séance puis double en sept mois (aujourd’hui autour de 50 euros). Dans un contexte, il est vrai, favorable à ce genre de valeurs.
Aujourd’hui, la part du flottant dépasse 55% du capital, managers et salariés sont descendus au-dessous de 15% et le fonds, d’abord resté à 23%, dispose d’environ 12%. Ce dernier s’est engagé à accompagner la société jusqu’en 2009 ou 2010… Les investisseurs et les managers heureux de travailler ensemble ne sont pas pressés de se séparer. Audrey Spy
Audrey Spy

Repères

> 1935
création d’Entrepose qui pose les produits tubulaires de Vallourec
> 1955
premier contrat international de pipelines au Moyen Orient
> 1970
premier contrats clés en main
> 1990
intégration dans Lyonnaise des Eaux
> 2001
la société, rebaptisée Entrepose Contracting, se recentre sur son cœur de métier.
> 2002
Mbo mené avec Ciclad
> 2004
contrat Bonny au Nigeria
> 2005
introduction en Bourse

Visions croisées Entrepose Contracting/Ciclad

Didier Genoud et Jean-François Vaury, associés de Ciclad, reviennent sur leur partenariat avec Dominique Bouvier, Dg d’Entrepose Contracting.
Private Equity : Pourquoi vous êtes-vous choisis ?
Dominique Bouvier : Avec l’équipe d’Entrepose Contracting, nous avons pu sélectionner notre partenaire car différents fonds étaient en concurrence. Notre choix s’est finalement porté sur Ciclad pour plusieurs raisons : l’intuitu personae, la réactivité à nous proposer des solutions et une bonne connaissance du milieu ont été des atouts.
Didier Genoud, Jean-François Vaury : Nous avons voulu travailler avec Entrepose Contracting parce que cette opération correspondait à notre stratégie d’une part, mais aussi parce que l’équipe de management stable et très expérimenté nous a convaincu. Les salariés voulaient leur autonomie et étaient motivés. Le potentiel de l’activité nous a également séduit et nous nous sommes mobilisés pour remporter ce deal.
Private Equity : Quels projets avez-vous développés pendant votre partenariat ?
DB : Après le recentrage de son activité en 2000, l’entreprise a développé ses expertises en acquiérant les contrats internationaux du groupe Inéo et une prise de participation dans Geostock. Ciclad a su nous donner de bons conseils dans cette stratégie opérationnelle.
DG, J-FV : Nous nous sommes placés aux côtés du dirigeant pour mener la réflexion stratégique. Il n’y avait pas de problème managérial et nous avons donc laissé les équipes s’occuper de leur business en les aidant dans leur choix et en analysant leur résultat.
Private Equity : Après cette IPO en 2005, que prévoyez-vous pour l’avenir ?
DB : Nous avons réussi notre sortie d’un grand groupe, notre partenariat avec Ciclad puis notre entrée en Bourse, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Notre ambition est d’agrandir notre activité, pourquoi pas en passant désormais par de la croissance externe.
DG, J-FV : Nous sommes sortis partiellement d’Entrepose Contracting lors de l’IPO de juin 2005.
Mais nous détenons encore 12% du capital et nous avons signé un pacte d’actionnaires pour rester jusqu’en 2010. Cette histoire tant agréable que profitable est à ce jour notre plus belle sortie.
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