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L'histoire

César, le roi du déguisement enfin à la fête 12.11.07

Au bord du dépôt de bilan pour avoir mené des acquisitions hasardeuses, le groupe a suivi les conseils du fonds Butler Capital Partners, entré en 2001, pour délocaliser sa production, réorganiser sa supply-chain… et pouvoir enfin regoûter au leadership sur le marché des masques et déguisements.
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1er avril 2005. César, leader mondial de l’article de fête, rachète Nounours, PME bretonne de fabrication de peluches. Une opération discrète qui n’a pourtant rien d’anecdotique pour la société détenue par le spécialiste du retournement Butler Capital Partners. L’appétit de César pour la croissance externe est à nouveau aiguisé. Et sa santé financière lui permet enfin de grossir. C’est pourtant en bonne partie par péché de gourmandise que le groupe de déguisements, masques, cotillons et jouets s’est retrouvé en 2001 au bord du dépôt de bilan. Des acquisitions ambitieuses, parfois hasardeuses, dans toute l’Europe d’abord, se sont heurtées à un marché du déguisement et des cotillons à la saisonnalité et aux goûts différents selon les pays. Mais surtout, la production était trop peu délocalisée en dépit d’une usine de 800 personnes à Madagascar. La supply-chain était aussi défaillante. Pour couronner le tout, des produits «ringards» ont failli faire rayer César du catalogue de nombreux distributeurs. Production, logistique, création, marketing, tout était à revoir. «Notre métier fonctionne exactement comme le prêt-à-porter. Il faut que la collection soit bonne, et qu’elle soit livrée à temps en magasin», résume Benoît Pousset, président du directoire. Aux difficultés opérationnelles s’ajoute une situation financière catastrophique. Les capitaux levés en Bourse ont déjà été consumés. Les pertes s’accumulent. Le groupe ne peut pas faire face à ses engagements. Il faut trouver de nouveaux fonds propres.
Pour Butler, César est un cas d’école à tous les niveaux, opérationnel et financier. «La question était simple, résume Jean-Louis Grevet, partner chez Butler : comment transformer le bilan de l’entreprise et lui assurer les ressources financières nécessaires à son redressement ? C’est souvent au moment où une société a le plus besoin de fonds propres, que l’accès à des capitaux extérieurs devient impossible.» A l’arrivée de Butler, César affiche 80 millions d’euros de dette pour une perte d’exploitation de 4 millions d’euros et des fonds propres de 30 millions. Une première augmentation de capital est souscrite. Butler déroule ensuite un modèle de restructuration financière proche de celui déjà appliqué au groupe Flo, l’une de ses participations comme France Champignons ou Atys, spécialiste des préparations fruités pour yaourts. «Nous avons augmenté les fonds propres, réduit le BFR, travaillé sur la liquidité, reconstitué un pool bancaire avec des banquiers européens, asiatiques…» Malheureusement, côté opérationnel, la situation se dégrade de façon inattendue.

Réorganiser la production
L’une des plus ambitieuses acquisitions de César, France Cotillons, s’avère un lourd foyer de pertes. Ce site de production de 120 personnes, comme plus tard toutes les usines européennes du groupe, est fermé. Le plan social se passe mal. Licencier du personnel et livrer des magasins s’avèrent plus difficile que prévu. Une partie du management est remerciée.
Pour Butler, le patron de la filiale américaine est l’homme de la situation. Ce Français entré comme stagiaire dans la filiale espagnole, attaque tout juste la trentaine quand il est nommé directeur de Disguise, basée à San Diego, qui réalise 60% du chiffre d’affaires du groupe. Il y a mené une partie de la restructuration industrielle via notamment les maquiladoras (fabriques) du Mexique voisin. Le groupe américain est le modèle de ce que Butler veut faire de César. Benoît Pousset est rapatrié d’urgence en France en 2002. L’année est déjà bien mal engagée. L’important est de sauver 2003. Priorité à la réorganisation de la supply-chain et à la constitution d’un réseau de sous-traitants qui passe par l’Europe centrale, l’Océan Indien, et bien sûr l’Asie.
«Aujourd’hui, 100% de nos produits ont un lien avec l’Asie», rapporte Benoît Pousset. L’année 2003 est finalement l’année du retour à la profitabilité. Et la rentabilité continue à s’améliorer en 2004. «Le groupe enregistrait 3 millions de pertes en 2002. Son Ebitda est revenu à 6 millions en 2003, puis à 10 millions d’euros de résultat d’exploitation en 2004. Sur 2005, il continue à progresser», indique Benoît Pousset. Le chiffre d’affaires connaît lui-aussi une embellie : 137 millions en 2004, contre 125 en 2003. Et une progression de 20% sur le premier trimestre de l’exercice en cours.

Sur les bons rails

Des problèmes restent bien sûr à régler. L’Allemagne est notamment l’une des préoccupations actuelles du management et des actionnaires. César y souffre d’une vraie morosité, de la dénatalité et du hard-discount qui représente 35% de la distribution. «Quelques virages sont aussi à prendre au Royaume-Uni où nous envisageons également un changement de réseau»,  raconte Benoît Pousset. Et puis Nounours est à restructurer. Le spécialiste de la peluche offre la même problématique que César il y a trois ans. «On va perdre 700 000 euros de résultat d’exploitation cette année pour un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros. Mais on va revenir à l’équilibre d’ici à dix-huit mois en créant des synergies sur la supply-chain et les achats» , promet Benoît Pousset.
Pour lui, cette acquisition, financée par augmentation de capital, à laquelle Butler à souscrit à hauteur de 60%, est pourtant intéressante à plus d’un titre. Elle permet à César de rajeunir sa clientèle en tablant sur les 0-3 ans, ce qui arrange bien les affaires de «l’amuseur» dont la cible a tendance à se réduire. «Les enfants sont vieux de plus en plus jeunes», explique le manager, père de quatre enfants. Nounours ouvre aussi à César les portes d’un nouveau réseau de distribution, la puériculture.
Sur les autres filiales, les relais de croissance ne manquent pas non plus. «Aux Etats-Unis, où nos produits étaient cantonnés au rayon Halloween, nous nous sommes introduits dans le rayon jouets. En Europe, nous travaillons sur la «jouabilité» de nos déguisements, en rajoutant des accessoires», commente le manager. « Il y a aussi beaucoup de fertilisation possible entre les marchés européens. La filiale allemande est par exemple très forte en maquillage enfants, segment sur lequel nous ne sommes pas présents dans d’autres produits», ajoute le partner de Butler. Autre créneau visé, la décoration et l’accessoire de maison. Et le développement des licences. Après Buzz l’Eclair, Spiderman ou Zorro, c’est du déguisement d’Arthur, le personnage du prochain film de Luc Besson, que César compte faire un blockbuster.
Marie Guilhem

Visions croisées César/Butler Capital

Benoît Pousset, pdg de César, revient avec Jean-Louis Grevet, partner de Butler Capital, sur les clés d’un redressement réussi.

Private Equity : Quels risques pèsent encore sur l’entreprise ?

Benoît Pousset : Aucun que l’on ne puisse maîtriser. On peut perdre un référencement chez un client, mais le risque est très diffus : nous couvrons presque le monde entier. On peut aussi passer à côté d’une licence, mais c’est peu probable pour les plus importantes. Avec nos fournisseurs en Ukraine, Afrique du Nord ou Asie, même une crise politique à Madagascar n’aurait pas d’impact irrévocable. Et craindre que WalMart décide de ne plus fêter Halloween ne semble pas très réaliste…

Jean-Louis Grevet : Le seul pour moi est que le groupe retombe dans ces mauvais travers en matière de gestion de la supply-chain. Ce qui me semble exclue puisque ce sujet est aujourd’hui bien maîtrisé. Je ne vois pas non plus de risques externes et le business est stable, voire en légère croissance. 

Private Equity : Quel est le rôle de Butler ?

Benoît Pousset : L’actionnaire joue à plein son rôle de conseil de surveillance, contrairement à ce que l’on peut voir dans pas mal de sociétés cotées. Il nous pousse dans nos derniers retranchements. Il a aussi su nous donner des moyens dont nous avions besoin : en 2002, il y avait peu d’actionnaires pour dire banco, on fonce. Et surtout, Butler nous laisse travailler tout en restant, par sa connaissance du dossier, très proche de nous…

Jean-Louis Grevet Nous devons continuer à optimiser la structure de coûts. Côté développement, l’entreprise offre encore un potentiel considérable, puisque le marché se recentre autour de deux géants mondiaux, César et son concurrent américain Rubie’s. Il y a encore un énorme potentiel sur le plan organique. L’approvisionnement peut aussi encore être amélioré. Et nous devons assurer à César des ressources financières pour son développement.

Private Equity : Où en est César par rapport au business plan ?

Benoît Pousset : Le retour à la rentabilité est établi. Notre profitabilité va encore s’améliorer. Nous avons aujourd’hui bien identifié les relais de croissance du groupe. Le potentiel de développement n’est plus à démontrer.

Jean-Louis Grevet : Nous avons perdu six à douze mois avec la mauvaise gestion du plan social. Le dollar a aussi pénalisé les résultats même si nous avons pu gagner sur le sourcing. Et nous n’avons bien sûr pas d’urgence à vendre.

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