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L'histoire

Elior : une tranche de vie partagée avec Advent 28.09.07

Le groupe de restauration collective et de concession n°2 en France s’est construit petit à petit, notamment à l’époque du partenariat avec Advent qui a lancé son développement à l’international. Retour sur une étape importante de la saga…
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Dans la famille «histoire à rebondissements», je demande Elior. L’alliance entre la société de restauration collective et de concession et son partenaire financier historique, Advent, est une véritable saga, qui se poursuit encore aujourd’hui dans les affaires «hors capital». Tout débute en 1994 lorsque Bercy Management (BM), holding détenue par deux anciens d’Accor, Robert Zolade et Francis Markus (décédé le mois dernier), rachète à la multinationale 51% du capital de la Générale de Restauration, filiale de restauration collective dont ils avaient déjà repris 35% en 1991 avec 300 salariés. Un an plus tard, Accor décide aussi de vendre sa participation de 80% dans HRC, spécialisée dans la restauration de concession. Advent International se place alors aussi en candidat : «Nous étions en short-list avec Charterhouse et Bercy Management», explique Eric Adjoubel, managing partner. Charterhouse l’emporte finalement. Mais c’est de cette concurrence acharnée que naîtra le partenariat entre Advent et BM : en effet, deux ans plus tard, ce dernier annonce un remaniement de son actionnariat pour continuer à faire des acquisitions… au moment même où HRC est de nouveau mise sur le marché.
Bercy Management, qui détient alors la spécialiste de la restauration de concession Elitair (reprise progressivement depuis 1993 dans le cadre du rachat à Accor), et donc la Générale de Restauration, rachète HRC avec l’aide d’Advent, qu’elle fait entrer au capital de la holding Eliance (pour 49%). «Notre partenairat était assez simple : BM apportait à une société commune tout ce qui était «activité de concession» contre un apport d’argent de notre part destiné à financer l’acquisition d’HRC», continue le responsable du fonds en France. Eliance, le joint-venture mis en place par les deux partenaires, devient un pôle spécialisé dans la restauration de concession (dans les gares, aéroports, aires d’autoroutes, musées, parcs d’exposition, etc.), activité très complémentaire de la restauration collective classique (cantines, restaurants d’entreprises, hôpitaux, etc.). «La concession offre une plus grande visibilité que la restauration sous contrat, explique Eric Adjoubel. Elle nous permet de financer nos investissements sur du long terme, sans se demander si le contrat sera renouvelé ou pas. Mais la mise en place de centrales d’achats communes permet aussi de dégager des synergies non négligeables.» Parallèlement, BM continue sa croissance dans la restauration collective en montant à 100% dans Générale de Restauration.

Objectif : l’international

Début 1998, Bercy Management (alors 1,4 milliard d’euros de CA) rebaptise le groupe Elior et l’organise en deux activités bien distinctes : la restauration collective sous contrat via Avenance, avec notamment la Générale de Restauration, et la restauration de concession via Eliance, chapeautant HRC et Elitair. D’un point de vue actionnarial, outre ses fondateurs (57% avec BM), Elior compte comme autres financiers UI-Crédit Agricole (16%), entré lors des négociations avec Accor, BC Partners (20%) et Paribas (7%), entrés quelques mois plus tôt à l’occasion du rachat de parts de Vivendi dans Générale de Restauration et Orly Restauration.
Pour autant, le groupe ne décolle pas comme espéré. Fin 1999, Elior réorganise encore son actionnariat : «A l’occasion d’une augmentation de capital de 152 millions, nous avons apporté nos 49% détenus dans Eliance à Elior, ce qui nous a permis de devenir le premier actionnaire financier avec 28% aux côtés de BC Partners, UI, et Paribas», continue le managing partner d’Advent. Les deux tiers de l’activité provenant alors de la restauration de concession, le groupe apparaît plus stable que ses concurrents (Sodexho ou Compass), qui réalisent la majoritairité de leurs ventes dans la restauration collective. Les effets de saisonnalité sont amoindris par le fait d’avoir les deux pendants. Mais «le groupe était franco-français et le pari restait de le transformer en véritable acteur européen», poursuit Eric Adjoubel.
Une véritable politique d’acquisitions à l’international est alors mise en place, tout en adaptant l’offre aux spécificités nationales (cultures et rythmes de vie). Elior acquiert Brian Smith et augmente sa participation dans Catering & Allied en Grande-Bretagne. En Italie, le groupe reprend RistoChef, spécialisé dans la concession de gares et autoroutes. Mais c’est en Espagne qu’il a jeté son dévolu. Elior y rachète le numéro un de la restauration concédée d’aéroports, Recyg, puis la majorité du capital d’Osesa, spécialiste de la restauration collective. «L’idée était d’aider le groupe à s’implanter en Angleterre, en Italie et surtout en Espagne, pays fer de lance vers l’Amérique centrale, souligne le fonds d’investissement. Nous lui avons d’ailleurs vendu AeroComidas, une de nos participations dans la restauration d’aéroports au Mexique.»
Essai transformé en Bourse
Résultat des courses, en un an, la part du chiffre d’affaires réalisée par Elior à l’étranger passe de 15 à 25%. Et l’offensive européenne continue, le groupe annonçant début 2000 vouloir tripler ses ventes hors de France. Il met la main sur Áreas, leader des concessions d’autoroutes en Espagne. Et a alors de quoi séduire la Bourse, dès le mois de mars. «C’était un but pour Robert Zolade et un mode de sortie satisfaisant pour nous», note Eric Adjoubel. Avec une introduction à 11 euros par action, le capital est encore augmenté de 150 millions et revient pour 36% au marché, les fondateurs conservant 30% et les investisseurs 34%. Advent (28%) et BC Partners sortiront définitivement un an plus tard, à 13,25 euros par action.
Six ans après cette IPO, Robert Zolade a décidé en janvier de retirer le groupe de la cote, estimant que le marché ne le valorisait pas assez. La holding Bercy Investissement a racheté cet été les minoritaires à 13,40 euros par action pour remonter à 95,49% du capital avec le soutien de Chequers et Charterhouse… de vieilles connaissances. Mais pour Advent, qui avait investi en 1997 au total 95 millions d’euros en equity (près de 300 millions avec le levier), l’opération, qui avait permis au groupe de se lancer sur la voie de la croissance internationale et de doubler depuis son chiffre d’affaires, a été une belle réussite : si le fonds refuse de communiquer sur la performance – et préfère insister sur les synergies encore existantes avec Áreas et la participation dans Dufry (à 18% depuis 2005), on peut spéculer sur un doublement de la mise…
Marianne Lagrange

Visions croisées Advent/Elior

Eric Adjoubel, chez Advent, et Gilles Cojan, directeur d'Elior International, reviennent sur leur collaboration.
Comment est née cette aventure ?

Eric Adjoubel : Nous avions été en concurrence sur HRC, et lorsque l’entreprise est revenue sur le marché, nous avons travaillé ensemble. Notre fonds avait déjà une activité de services aux entreprises et nous avions quelque chose à faire dans les concessions. L’expérience du management nous attiraient évidemment.
Gilles Cojan : Jusqu’en 1992, Robert Zolade avait dirigé la restauration de concession d’Accor, dont était issue HRC. Il connaissait bien les activités et le management. Et depuis 1993, nous avions tous deux organisé la reprise d’Elitair par la Générale de Restauration et la CGE. Il ne maquait qu’un partenaire financier…
Quels étaient vos atouts pour réussir cette collaboration ?
EA : Nous pouvions apporter des contacts utiles à
l’expansion du groupe, en plus de nos sociétés déjà en portefeuille. Le fait de créer une holding en joint-venture était un vrai challenge. Mais nous leur avons également apporté ensuite la possibilité de préparer une IPO réussie, ainsi qu’une aide sur les problématiques de valorisation de l’entreprise.
GC : Outre notre connaissance respective de ces métiers,
les synergies que nous comptions mettre en œuvre tant au niveau opérationnel (mariage des concessions autoroutières d’HRC avec les concessions aéroportuaires d’Elitair) qu’au niveau des back-offices avec la combinaison des puissances d’achat des deux métiers étaient des atouts significatifs pour tout à la fois convaincre Advent de nous rejoindre et être en mesure d’offrir le meilleur prix au vendeur.
Quel regard portez-vous a posteriori sur cette saga ?
EA : Nous avons bien travaillé ensemble. La preuve, nous avons fait entrer récemment Elior dans notre business de duty free. Par ailleurs, les liens très forts créés avec le management nous permettaient de discuter ouvertement de tous les problèmes pour avancer. D’ailleurs, outre le côté professionnel, Robert Zolade et Gilles Cojan sont devenus des amis pour mon associé John Singer et moi-même…
GC : L’aventure ne s’est pas arrêtée là puisque nous avons ensuite créé un autre joint-venture avec Advent pour développer des activités de restauration au Mexique, puis, dans ce même pays, racheté à ce fonds une société de travel retail. Le réseau dont dispose Advent a favorisé notre essor international. John Singer et Eric Adjoubel ont dynamisé notre croissance en nous apportant aussi leur capacité d’analyse.

Repères

> 1982
Accor prend le contrôle de Générale de Restauration (auprès de la CGE) et des champions
de la restauration
de concession (Café Route, L’Arche) détenus par Jacques Borel International.
> 1991-1994
Bercy Management et les salariés progressent au capital de Générale de Restauration
> 1997
Advent et BM créent le joint-venture Eliance pour reprendre HRC dans la restauration de concession
> 1998-1999
échange de participations entre Advent et BM au sein d’un groupe unique, Elior, qui regroupe les deux métiers. Advent (28% du capital) lance l’expansion à l’international, qui passe de 15 à 25% du CA (alors 1,4 milliard d’euros)
> 2000
entrée sur le Premier Marché d’Euronext Paris, à 11 euros par action, 36% de flottant
> 2001
nouvelles alliances stratégiques, notamment en Espagne. Advent sort à 13,25 euros (le flottant passe à 57%.)
> 2005
le groupe Elior
annonce un chiffre d’affaires de 2,8 milliards d’euros, dont près de 40% à l’export et plus de 33% pour la restauration
de concession
> 2006
OPA-OPR organisée par Robert Zolade avec Chequers et Charterhouse ; les fonds
propres sont valorisés 1,8 milliard d’euros.
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