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L'histoire

Meetic, rencontre de l'après-bulle 09.10.07

Meetic, rencontre de l'après-bulle
Le site de rencontres en ligne n’avait pas vraiment besoin de soutien financier, mais recherchait un fonds qui l’aide à crédibiliser son projet dans un contexte général de méfiance à l’égard des aventures Internet… AGF Private Equity est allé vers lui.
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Meetic, rencontre de l'après-bulle
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Serial entrepreneur cherche capital-investisseur pour gagner sérieux et crédibilité. Hands-on procédurier, s’abstenir. C’est l’annonce qu’aurait pu rédiger en 2004 Marc Simoncini, Pdg de Meetic, sur son propre site de rencontres en ligne. Et c’est bien sur un site que se sont rencontrés il y a six ans Marc Simoncini et Benoist Grossmann, managing director chez AGF Private Equity depuis 2002 (en charge de l’activité capital-risque) : celui d’iFrance. En 1999, Benoist Grossmann est alors partner de la société de capital-risque Viventures (détenue à 41% par Vivendi). Il investit dans la société créée par Marc Simoncini, qui propose, entre autres, des adresses mail gratuites et héberge les sites personnels des internautes. En 2000, iFrance totalise plus de 600 000 membres et se vend à Vivendi pour la très – trop, diront certains – belle somme de 182 millions d’euros. Si l’idée de créer un site de dating on line habite déjà l’esprit de Marc Simoncini, la naissance aura lieu deux ans plus tard.

Gage de crédibilité

Il crée Meetic avec un apport initial de 760 000 euros, qu’il complètera à l’occasion d’un tour d’amorçage, deux mois plus tard, par une levée de fonds de 1,8 millions d’euros. Là encore, le succès est au rendez-vous : fin 2003, le chiffre d’affaires s’établit à 8,9 millions d’euros, la société dégage un résultat positif et compte 73 000 clients. Le modèle économique de Meetic, basé sur l’abonnement, est générateur de flux de trésorerie d’exploitation positifs : la société n’a pas besoin de fonds. Mais Marc Simoncini souhaite l’entrée d’un investisseur institutionnel dans le capital : «pour gagner en crédibilité», explique-t-il.
Début 2004, aucun fonds français ne marque son intérêt, l’éclatement de la bulle Internet, en 2001, y est pour quelque chose. A l’inverse, les fonds américains de venture capital courtisent Marc Simoncini avec assiduité. «Nous avons organisé un beauty contest», raconte le Pdg. Un fonds est choisi, et la signature du deal est proche quand Marc Simoncini rencontre Benoist Grossmann. Ce dernier promet qu’AGF Private Equity peut aller vite, dans un environnement juridique plus simple que celui offert par l’investisseur américain. C’est un argument de poids aux yeux de l’entrepreneur. Les due diligences sont réalisées rapidement. Le deal, signé avant l’automne, sur une valorisation inférieure mais sur la base d’une relation investisseur-manager plus souple.
Début 2005, Marc Simoncini prend la décision d’introduire sa société en Bourse. «La décision de l’IPO était fondée sur deux logiques, explique-t-il. Une logique personnelle : je souhaitais que les actionnaires historiques de Meetic soient libres de sortir à leur guise. Et une logique économique : afin de lever des fonds pour mener à bien un vaste programme de croissance externe.» L’introduction prévoit une augmentation de capital initiale de 76,2 millions d’euros, qui sera complétée par une option de surallocation de 11,4 millions d’euros exercée en totalité. Le succès, là encore, est éclatant : l’offre est sursouscrite 7 fois pour les particuliers, 12 fois pour les institutionnels. Le prix d’introduction, 22,30 euros, valorise la société à hauteur de 367 millions d’euros. AGF Private Equity cède à cette occasion une partie de ses titres et extériorise un taux de rendement interne de… 250% ! Marc Simoncini reste seul maître à bord avec un peu plus de 41% du capital et 54% des droits de vote.
La liste des réjouissances ne s’arrête pas là puisque, après une année 2004 excellente (un chiffre d’affaires en augmentation de plus de 135%, un résultat d’exploitation quasiment multiplié par 10), les chiffres des neuf premiers mois de 2005 indiquent un trend d’activité des plus vigoureux : un chiffre d’affaires de 29,7 millions d’euros, en augmentation de 105% sur la même période en 2004.
«Le business model de Meetic est parfait, affirme Marc Simoncini. Il est entièrement basé sur l’abonnement, ce qui permet de générer un important free cash-flow.» Bien qu’il se refuse à faire la moindre prévision financière, l’entrepreneur se montre très sûr des perspectives à long terme du marché du dating on line : «Il ne s’agit pas d’un phénomène éphémère, ou d’une mode, c’est une évolution fondamentale et irréversible, comme cela a été le cas pour le téléphone portable, estime-t-il. Demain plus encore qu’aujourd'hui, les hommes et les femmes se rencontreront sur Internet. Se rencontrer dans un bal populaire, c’est fini.»

Phénomène de société
Aujourd’hui, la stratégie de Meetic pour maintenir une forte croissance va dans deux directions : la segmentation par tranches d’âge (et le brand-stretching qui en découle), et le renforcement de sa présence à l’international par la croissance externe. Le site Meetic touche principalement une clientèle de trentenaires. Pour s’attaquer aux plus de 40 ans, la société a conçu et lancé en novembre Ulteem, sur le modèle de l’allemand Parship : un site plus haut de gamme basé sur le profil psychologique des candidats à la rencontre. «Meetic obéit à une logique de pull, le client cherche les profils qui l’intéressent ; Ulteem obéit au contraire à une logique de push puisque le site, en fonction du profil psychologique du client, propose des profils avec lesquels il semble exister une affinité», explique Marc Simoncini. Par ailleurs, le modèle économique d’Ulteem est spécifique : c’est un site payant pour tous, hommes et femmes, avec un système d’abonnement d’au moins trois mois. Avec Ulteem, Meetic se transforme pour ainsi dire en agence matrimoniale en ligne, sérieuse puisque allant même jusqu’à proposer de «certifier» les profils des abonnés… A l’autre extrémité du spectre, la société lancera prochainement un site spécifique pour les 18-25 ans, Superlol, basé sur la gratuité d’accès à une communauté virtuelle dans un environnement sécurisé.
Sur le volet international, Meetic pourrait annoncer des acquisitions dès le premier trimestre 2006. Les opérateurs boursiers anticipent qu’elles seront relutives… Pour l’heure, la société est en road-show en Europe, et le charisme du capitaine du «Love Boat» semble convaincre les investisseurs institutionnels, comme il a convaincu le board d’AGF en 2004. A partir du 15 avril 2006, les actionnaires financiers pourront prendre tout ou partie de leurs bénéfices. AGF Private Equity sortira probablement, c’est dans l’ordre des choses. Marc Simoncini envisage apparemment l’évolution du capital avec sérénité. Cet entrepreneur hyperactif ne se repose pas sur les lauriers des réussites fulgurantes des cinq dernières années, il lui tient à cœur d’installer la croissance de Meetic dans le temps.
Marie-Laurence Bouchon

Repères

> 1999-2000
création du site iFrance, puis cession à Vivendi pour 182 millions d'euros
> avril 2002
lancement du site de rencontres en ligne Meetic
> juin 2002
soutien d'investisseurs privés et de business angels (2 millions)
> septembre 2004
AGF Private Equity prend un ticket de 7 millions d'euros, soit 8,58% du capital
> fin 2004
le CA s’établit à 21,3 millions d'euros (contre 8,9 en 2003), le résultat net à 2,7 millions (contre 0,4 en 2003)
> octobre 2005
introduction en Bourse au prix de 22,30 euros par action
> novembre 2005
lancement d'Ulteem, site de rencontres destiné aux plus de 40 ans.

Visions croisées Meetic/AGF Private Equity

Marc Simoncini, fondateur de ce site Internet, et Benoist Grossman, managing director en charge du venture chez AGF Private Equity, reviennent sur ce partenariat qui s’est basé sur la réactivité du fonds. Quelque part un «speed-dating» en or.
Private Equity : Pourquoi et comment vous êtes-vous choisis ?
Marc Simoncini : En 2004, aucun fonds français ne s’intéressait à Meetic, seuls les investisseurs américains nous avait approchés. Nous étions alors à deux doigts de conclure avec l’un d’eux quand Benoist Grossmann m’a contacté. Je lui ai dit que si AGF Private Equity pouvait aller vite, c’est qu’il était l’investisseur qu’il me fallait.
Benoist Grossmann : Marc Simoncini et moi avions travaillé ensemble en 1999-2000 sur l’aventure iFrance. Nous sommes restés proches. En 2004, Marc Simoncini a choisi AGF PE parce qu’il connaissait ma façon de travailler, et aussi parce qu’il a vu que nous pouvions aller très vite dans la conclusion du deal. Marc Simoncini privilégie par dessus tout l’efficacité et la fluidité des process de décision. Nous ne l’avons pas déçu.
Private Equity : Quel type de collaboration s’est mis en place entre Meetic et AGF Private Equity depuis septembre 2004 ?
Marc Simoncini : Benoist Grossmann peut avoir, à l’occasion, un rôle de conseil, au même titre que les autres actionnaires de Meetic. Mais AGF PE nous laisse évidemment les mains libres pour gérer la société. La présence d’un institutionnel renforce notre crédibilité, c’est certain, mais Meetic fonctionne de façon très institutionnelle et très efficiente depuis sa création.
Benoist Grossmann : Meetic est notre plus gros investissement. Je l’ai donc surveillé «comme de l’huile sur le feu». Je siège au conseil d’administration, je suis de près les reportings mensuels, mais en aucun cas je n’interviens dans la gestion de la société. Marc Simoncini est un manager hors pair, nous lui accordons toute notre confiance.
Private Equity : Après l’IPO en 2005, de quoi sera fait 2006 ?
Marc Simoncini : Les perspectives à long terme du marché du dating on line sont excellentes. Le succès que nous connaissons depuis 2002 n’est qu’un début. 2006 sera une année placée sous le signe de la croissance à l’international, avec des acquisitions probablement dès le premier trimestre. Pour ce qui est de la présence d’AGF PE au capital, nous n’en avons pas discuté, mais il est vraisemblable qu’AGF PE sortira à terme du capital de la société.
Benoist Grossmann : Meetic est une toute jeune société, la croissance ne fait que commencer. Nous avons réalisé une petite partie de notre plus-value à l’occasion de l’IPO, mais rien n’est encore décidé pour l’avenir.
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