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L'histoire

Bonpoint a choisi un partenaire pour grandir 08.10.07

Bonpoint a choisi un partenaire pour grandir
Une PME familiale avec une problématique de succession, une marque de luxe susceptible
d’intéresser un industriel, un réseau à développer. L’équipe d’Edmond de Rothschild Capital Partners a convaincu les fondateurs de Bonpoint de se laisser prendre par la main.
© D.R.
Bonpoint a choisi un partenaire pour grandir
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Etre un grand parmi les grands et se tailler une place dans l’univers du luxe. Le spécialiste de la mode enfantine Bonpoint ne cache plus ses ambitions. Plus de trente ans après son lancement, la marque revendique un statut de référence du vêtement enfant de luxe et une présence à l’international, avec des points de vente sur les plus belles artères commerciales du monde. Ce positionnement résolument haut de gamme lui permettra peut-être un jour de rejoindre le giron de l’un des géants du luxe international.
Ce scénario ne serait pas pour déplaire aux fondateurs de Bonpoint, Marie-France et Bernard Cohen, qui auraient alors réussi à faire de leur marque l’égale des plus grandes. Il séduirait aussi sans mal son actionnaire majoritaire, Edmond de Rothschild Capital Partners, qui réaliserait là une sortie industrielle de premier choix.
En septembre 2003, après huit mois de négociation, le fonds de LBO mid-caps du groupe LCF Rothschild a réussi à convaincre la famille Cohen d’ouvrir le capital de Bonpoint à des investisseurs susceptibles d’en accélérer le développement. Car Bonpoint a un problème : son chiffre d’affaires, inférieur à 30 millions d’euros, reflète mal le potentiel d’une marque à très forte notoriété en France et à l’étranger. Sa croissance s’est essoufflée.
Marie-France et Bernard Cohen s’engagent alors dans un OBO (owner buyout). Edmond de Rothschild LBO Fund détient 70% de la holding de reprise et Marie-France et Bernard Cohen conservent 30% du capital. Pour Edmond de Rothschild Capital Partners, c’est le tout premier investissement d’un fonds de 210 millions d’euros et un dossier qui correspond à sa stratégie : des opérations de LBO de croissance, fondées sur un déploiement de réseau (roll-out), sur de la croissance externe ou portée par une croissance organique forte. La famille des fondateurs, elle, sécurise une partie de son patrimoine et continue à prendre part aux décisions stratégiques de l’entreprise. Une nouvelle équipe dirigeante est recrutée. «A vrai dire, je n’avais jamais envisagé de vendre, commence Bernard Cohen, et puis ma femme et moi avons eu 60 ans. Cela fait trente ans que nous portons la marque. Et j’ai vu tellement de créateurs de notre génération disparaître avec leur marque… Je n’avais surtout pas envie que cela se termine comme ça. Me retrouver un beau jour dans mon bureau et me dire que c’est trop tard, que je n’avais pas su saisir l’opportunité de vendre quand c’était le moment.»

Coup d’accélérateur
L’arrivée du nouvel actionnaire ne tarde pas à donner le coup d’accélérateur attendu. Les ambitions de ce nouveau partenariat s’étalent depuis la fin janvier au fil des 800 mètres carrés du dernier des magasins. Bonpoint a investi en mars le prestigieux hôtel de Brancas, hôtel particulier du xviii éme siècle, au cœur du vi ème arrondissement parisien pour y loger le premier «flagship» Bonpoint. Les 3 collections annuelles et 300 modèles de «la maison de couture pour enfants» y bénéficient d’une mise en scène exceptionnelle. Le point de vente devrait, d’ici à deux ans, représenter le plus important chiffre d’affaires du groupe. «Ce n’est pas un magasin de mode enfantine. C’est un magasin de luxe», insiste Bernard Cohen, en surveillant les jardiniers qui s’affairent dans la cour intérieure où ouvrira bientôt un espace restauration.
Mais le réseau Bonpoint connaît depuis quelques mois une agitation qui va au-delà de l’ouverture en grandes pompes du flagship parisien. «A notre arrivée, la société comptait 38 boutiques contre 58 aujourd’hui et nous visons 90 magasins en 2009», assure Eric de Montgolfier, associé d’Edmond de Rothschild Capital Partners. La stratégie de déploiement du réseau imaginée par le fonds, et surtout, son internationalisation, est en marche. Le chiffre d’affaires devrait connaître la même embellie, et passer de 29 millions d’euros, à l’arrivée du fonds, à 70 millions dans trois ans. Il devrait déjà s’établir, au terme de l’exercice en cours, à plus de 40 millions d’euros.

Relocalisations et nouvelle direction
Quand elles ne sont pas créées ex-nihilo, les boutiques peuvent faire l’objet d’une relocalisation, comme à Londres, où Bonpoint déménage sur Sloane Street, doublant de taille au passage, à New York, Barcelone ou Tokyo. A Paris, c’est avenue Montaigne que la boutique s’étend depuis peu sur 350 m2. «L’idée est de toujours nous retrouver là où sont les grands afin de replacer la marque dans son univers : le luxe», explique le financier. Ce roll-out amène aussi Bonpoint à investir des espaces que ses boutiques avaient jusqu’alors ignorés : les corners de grands magasins. «Nous n’étions pas du tout présents dans ce type de réseau, reconnaît Bernard Cohen, tout simplement parce que j’ai horreur des grands magasins et que je ne faisais que ce qui me plaisait. Là, je déteste toujours, mais j’ai accepté l’idée.» En se résignant ainsi à associer Bonpoint à l’univers des «department stores», le fondateur sait qu’il lève un autre frein au développement du groupe. Car les distributeurs, en particulier asiatiques, sont très sensibles à la présence des marques dans les grands magasins. Or le développement en Asie a été identifié comme l’une des priorités de Bonpoint. Il passe notamment par la création d’un réseau de boutiques en propre. «Nous sommes déjà présents à Tokyo, mais nous venons surtout de faire nos premiers pas en Chine avec une boutique à Shanghai», ajoute Eric de Montgolfier.
Pour gérer cette croissance, une nouvelle équipe de direction est venue muscler l’entreprise qui compte 300 salariés, dont une majorité est affectée à la vente, en magasin. La moitié du comité de direction a été recrutée hors de Bonpoint. La direction générale a été confiée à un ancien de chez Céline. Le montage mis en place pour l’Obo vise à privilégier la croissance. «Nous avons choisi de ne pas pénaliser l’entreprise par le remboursement de la dette. L’opération a donc été raisonnablement peu «leveragée», ce qui nous permet aujourd’hui d’envisager une recapitalisation», avoue Eric de Montgolfier. Une recap «actuellement en réflexion», qui confirmerait qu’une grande partie des objectifs visés ont d’ores et déjà été atteints. Du coup, le scénario de sortie industrielle, envisagé à l’origine du projet, semble plus que jamais envisageable. «Si nous amenons comme prévu la marque à 75 millions, elle pourra intéresser un grand groupe», assure, confiant, l’investisseur.
Marie Guilhem

Repères

> 1975
inauguration de la première boutique Bonpoint à Paris
> 1978
développement de l’activité avec l’ouverture de magasins en franchise et en propre, en France et à l’international
> 1988
premier magasin à New York
> 1994
la marque monte
en gamme avec une évolution vers un style «luxe» et la rénovation de boutiques
> 1999
accélération des ouvertures à l’international
> 2003
Edmond de Rothschild Capital Partners entre au capital de la société via un OBO
> avril 2006
Bonpoint compte 58 boutiques et réalise un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros.

Visions croisées Bonpoint/Edmond de Rothschild Capital Partners

Bernard Cohen, fondateur avec sa femme Marie-France de la marque Bonpoint, et Eric de Montgolfier, associé d’Edmond de Rothschild Capital Partners, reviennent sur une histoire qui aurait pu ne pas se faire.
Private Equity : Quelle sortie avez-vous envisagée pour cette aventure ?
Bernard Cohen : Ça me gênerait vraiment que la société s’engage dans un Lbo secondaire. Je préfère un industriel qui a vingt ans devant lui plutôt qu’un financier qui va chercher la rentabilité à cinq ans. Je ne veux pas, un jour, avoir à tourner la tête en passant devant la vitrine d’un de mes magasins…
Eric de Montgolfier : Le projet, depuis l’origine, est de faire coïncider la taille de l’entreprise avec sa notoriété. On vient de 29 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous pouvons aller à 75 millions dans le délai que nous nous sommes fixé. Il faut que la société atteigne cette taille pour pouvoir intéresser un grand groupe. Au vu des résultats actuels, nous devrions y parvenir.
Private Equity : Quel regard portez-vous sur votre partenaire dans l’opération?
Bernard Cohen : Moi, je suis en dehors du monde de la finance. Je laisse volontiers à Eric de Montgolfier et son équipe le soin de gérer tout ça. Personnellement, je suis plutôt malléable et conciliant. Je ne vais pas au conflit et je n’aime pas utiliser le mode impératif.
Eric de Montgolfier : Nous essayons de faire preuve d’une grande réactivité. On ne peut pas faire patienter une équipe qui vient vous voir avec des projets et qui les défend avec une réelle conviction. Pour le reste, nous avons suffisamment réfléchi ensemble au business plan pour qu’il n’y ait pas de surprise. C’est une association. Nous partageons toutes les décisions et nous ne perdons jamais de vue que nous avons à faire à une famille. L’épaisseur humaine est très importante.
Private Equity : Où en êtes-vous du business plan ?
Bernard Cohen : Avec le flagship, nous avons trouvé un lieu qui incarne bien le rêve de l’équipe et c’est très important. Aujourd’hui, nous pouvons encore élargir l’univers Bonpoint avec de l’accessoire, de la chaussure, de la cosmétique et bien sûr continuer le développement du réseau.
Eric de Montgolfier : Les choses se présentent suffisamment bien pour que nous puissions réfléchir à une recapitalisation. Nous avons mis neuf mois pour structurer l’équipe et la croissance est au rendez-vous. Le groupe a l’ossature pour poursuivre son projet de roll-out. Il reste aujourd’hui à poursuivre l’accélération du développement international, en particulier en Asie.
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