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L'histoire

Consolis : le come-back deal d’Industri Kapital 02.11.07

Ce fabricant d’éléments en béton préfabriqués est né du rapprochement réussi de deux leaders régionaux qui forment aujourd'hui un géant du secteur. Retour sur un deal providentiel pour le fonds scandinave.
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Il était une fois Consolis-Oy, une princesse scandinave nichée au d’un fonds de portefeuille d’actifs ancestral (millésime 1994)… Dix printemps s’écoulent avant qu’un preux chevalier venu des contrées méridionales – Bonna Sabla – ne suscite son réveil providentiel. De leur union naîtra Consolis, leader européen des produits en béton préfabriqué. Lorsqu’en 1997, Industri Kapital prend le contrôle de plusieurs actifs issus du groupe finlandais Partek, il hérite de 40% de Consolis-Oy, et ne se doute pas qu’il a mis la main sur une sleeping beauty. Ce n’est qu’une décennie plus tard que Chris Masek, partner chez IK et cheville ouvrière du rapprochement avec Bonna Sabla, pourra constater que «ce projet aura généré en moins de deux ans une très forte croissance de la valeur actionnariale, se traduisant par un multiple d’investissement proche de 3».
Ex-filiale de Vivendi Environnement, Bonna Sabla avait été reprise in extremis en 2002 par un duo issu des Ciments Français, Phillipe Milliet et Pierre Brousse, aujourd’hui respectivement président et vice-président de Consolis, alors accompagné par AXA. «J’ai connu Philippe Milliet lorsque j’étais chez KPMG CF. Un homme surdoué, dont la réserve naturelle est complétée par l’entregent de son alter ego de toujours», raconte Chris Masek. Pierre Brousse, ancien officier de marine et haut fonctionnaire fougueux, s’est pris de passion pour l’industrie et le béton en particulier, dont il préside la fédération. Fin 2002 et après des négociations difficiles, AXA Private Equity devient actionnaire majoritaire de Bonna Sabla pour 135 millions aux côtés de Veolia (20%) et B&S Electra (13%).
L’épisode AXA PE sera vécu comme «une étape de recentrage», selon le mot de Philippe Milliet. Du haut de ses 9%, le management améliore rapidement les performances de l’entreprise et envisage dès 2004 d’aller de l’avant. Après un premier contact avec IK et Consolis-Oy, Axa PE suggère au tandem Milliet-Brousse de trouver une solution dans les six mois. Ayant mandaté Rothschild & Cie pour les aider, ils prennent contact avec la plupart des fonds mid-market de la place, sans succès. L’autre actionnaire de Consolis-Oy, l’industriel finlandais Kone (60%), est plutôt rétif à l’idée du rapprochement qui se dessine. «Lorsque je suis allé voir les Finlandais, tout y était : bras croisés, regard fermé, body langage négatif… Il a fallu changer leurs a priori, en raison d’une mauvaise expérience sur le marché français dans les années 90, se souvient Chris Masek. Sans compter que j’ai eu quelques difficultés à convaincre certains de nos propres partenaires, c’était une période de levée de fonds difficile pour nous.»
Finalement, à force de négociation, Chris Masek et Phillipe Milliet réussissent à convaincre les différents intervenants de l’intérêt de l’opération. Le nouveau siège de Consolis est prévu en terrain neutre, à Bruxelles, pour le plus grand bonheur des managers qui s’empressent d’y emménager avant le 31 décembre… Ce sera le second investissement de l’équipe française d’IK dans le BTP, après Laho Equipement (location de matériel). A l’automne 2005, IK s’associe donc à ABN Amro Capital (15%) et quelques minoritaires (dont Euromezzanine pour 2%) afin de reprendre Bonna Sabla à AXA PE en le valorisant 5,9 fois l’Ebitda, 220 millions d’euros. En face du pool financier (70% du capital), le management est emmené par le duo Milliet-Brousse pour monter à 30%.
Une fois rapprochés, les deux leaders régionaux pèsent 1,2 milliard de CA et emploient près de 8 000 salariés. «Bonna Sabla a une position d’autant plus intéressante que le marché évolue structurellement vers une substitution des produits en béton coulé sur place au profit de produits en béton préfabriqué», analyse Chris Masek. Le groupe est présent sur 4 marchés : le génie civil ou la voirie (tuyaux, canivaux, bordures), le bâtiment (poutrelles, blocs, dalles alvéolées), les infrastructures ferroviaires (traverses et supports d’aiguillage) et l’environnement (murets techniques en fibre de béton, fosses septiques, conteneurs pour déchets nucléaires, mobilier urbain). La largesse de sa gamme de produits, combinée à sa présence dans 23 pays, permet à Consolis de ne plus dépendre d’un seul cycle.
Déjà acclimaté à la discipline cash par les LBO précédents, le groupe voit la part de son Ebitda en free cash flow passer en deux ans de 50 à 75%, notamment grâce à l’effet taille et à une meilleure gestion du BFR. Par ailleurs, les réformes vont bon train : centralisation des achats, optimisation des prix, mise en place d’une «bourse aux équipements» (échanges de matériels), amélioration du reporting, programme «sell lease back» sur les sites industriels, développement de projets en Algérie et Lituanie… Les activités de Consolis en Suède et en Allemagne sont restructurées et le groupe poursuit son expansion à l’Est avec des acquisitions en Pologne et en Autriche. Fort d’une gouvernance multiculturelle avec des équipes mixtes scandinaves et franco-latines, Consolis change d’époque.
En 2006, les ventes augmentent d’une centaine de millions et l’Ebitda de 25%. «Les offres de reprise ont rapidement afflué», se souvient Philippe Milliet. «A mesure que notre réflexion avançait sur une recap, il est apparu que nous pouvions réaliser une belle sortie», explicite Chris Masek. Banque-conseil d’IK, Rothschild & Cie tient les enchères auxquelles répondent PAI (qui vient de reprendre Lafarge Roofing), Eurazeo et le britannique Doughty Hanson, «tombeur» de KP1. C’est pourtant LBO France qui remporte la mise : réactif car connaissant déjà bien le secteur, il a préempté la vente en présentant son offre une dizaine de jours avant la deadline.

Changement d’époque
Pour 940 millions d’euros (7,64 fois l’Ebitda), LBO France reprend 60% du capital de Consolis. Le solde est détenu par le management dont l’effectif intéressé au capital passe de 180 à 400 cadres. Par ailleurs, l’ensemble des 8 000 salariés touche une prime exceptionnelle d’un mois de salaire… La transaction est financée par une dette de 845 millions arrangée par KBC, déjà présent sur les premiers LBO. Un signal de confiance fort de la part du bancassureur belge habituellement cantonné à des montants inférieurs…
Dans un secteur européen où la persistance d’acteurs nationaux augure d’un mouvement de consolidation à venir, Consolis a les moyens de ses ambitions avec un Ebitda 2006 proche de 123 millions. «Son augmentation provient principalement de programmes menés indépendamment par nos deux entités. Pour l’essentiel, les résultats liés aux synergies issues du rapprochement restent à venir», reconnaît Philippe Milliet. Désormais, l’objectif de Consolis est de générer 4 à 5% de croissance externe annuellement, soit une cinquantaine de millions d’euros de revenus. Au lendemain de l’entrée de LBO France dans son capital, le groupe s’est adjugé son concurrent bordelais La Nive pour près 17 millions auprès de CIC Banque de Vizille. Ce spécialiste des conduits de fumées, des structures de bâtiment et du traitement des eaux compte 350 salariés pour 35 millions de CA.
Consolis connaît aussi une forte croissance sur les marchés émergents. Bonna Sabla, qui réalisait 30% de son activité à l’international, a apporté ses sites de production en Tunisie, Egypte et Indonésie. «Le groupe dispose d’un important potentiel dans l’amélioration des infrastructures des pays en voie de développement : systèmes sanitaires, eau potable, réseaux ferroviaires et d’irrigation», précise Chris Masek. Quant à LBO France, son expérience dans les matériaux de construction devrait profiter à Consolis. «Et la présence passée dans leur portefeuille de deux des principales sociétés de développement immobilier, Nexity et Cogedim, clients ultimes de nos produits, devrait offrir des occasions d’échanges intéressantes», indique Philippe Milliet en dernière analyse.
Othman Ferdaous

Repères

> 1996
IK acquiert auprès du groupe public suédois Securum une douzaine d’entreprises, dont Strängbetong
> 1997
IK fusionne Strängbetong avec le finlandais Partek Precast Concrete pour créer Addtek
> 2002
Addtek devient
Consolis-Oy dont IK détient 40% ; la même année, AXA PE reprend Bonna Sabla
> 2005
LBO secondaire d’IK sur Bonna Sabla et build-up avec Consolis-Oy pour créer Consolis
> déc. 2006
LBO tertiaire
sur Consolis (1050 ME de CA, 7900 salariés) par LBO France.

Visions croisées IK/Consolis

Christopher Masek, partner d’IK, et Philippe Milliet, président de Consolis, reviennent sur cette histoire en béton…
Private Equity :  Comment est née cette aventure ?
Chris Masek  : L’idée était de créer un groupe de niveau mondial en rapprochant deux leaders régionaux. Bonna Sabla avait une part de marché de 30% en France et de solides positions au Royaume-Uni, en Espagne et en Afrique du Nord. Consolis-Oy était leader en Europe continentale et dans les pays nordiques.
Philippe Milliet : Notre première rencontre a eu lieu en 2002, nous cherchions un fonds pour reprendre Bonna Sabla et nous avons finalement opté pour AXA PE, mais nous avions gardé le contact avec IK. Comme il s’agit d’un secteur où il faut une certaine taille pour faire de la R&D et pousser le marché, le rapprochement nous a paru pertinent.
Private Equity : Quels étaient vos atouts pour la réussir ?
CM : Le marché du béton préfabriqué est diffus mais ses fondamentaux sont bons : dans les techniques de construction, il faut aller de plus en plus vite en créant de moins en moins de désordre sur les chantiers, d’où le succès du béton préfabriqué. Ces tendances, conjuguées à la reprise économique dans les secteurs du bâtiment et du génie civil, ont participé à notre succès.
PM : En 2006, la conjoncture était favorable et les marchés, comme celui du ferroviaire en Allemagne, se sont redressés. Notre taille nous a permis d’en bénéficier au maximum et de mettre en œuvre de nombreuses opportunités de cross-fertilisation.
Private Equity : Quel regard portez-vous a posteriori sur cette saga ?
CM : Le dossier avait été présenté à la place entière et tous on décliné… Que n’ai-je pas entendu : «on ne voit pas la logique, le marché est trop cyclique, etc.» L’un de nos concurrents avait une base de négociation à 50 ME de moins, mais l’a refusée.
PM : Le pari était aussi culturel, puisqu’il a fallu faire travailler des équipes d’horizons différents. Finalement, nous attendons un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros cette année, c’est vous dire si nous avons le sentiment d’avoir pris la bonne décision.

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