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L'histoire

Europe Snacks, un deal croustillant 26.02.14

" Même après plusieurs LBO, Europe Snacks était gérée de façon familiale. Mais à présent, elle est passée au niveau industriel "
Rémi Buttiaux, associé d'IK
© D.R.
Accompagné pendant trois ans par IK Investment Partners grâce à un MBI, Europe Snacks s’est internationalisé et produit désormais une large gamme de biscuits apéritifs pour de nombreux distributeurs européens.
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Tuiles, crackers ou pétales salés, Europe Snacks s’impose à l’apéritif sans jamais dire son nom. En effet, ce fabricant vendéen de biscuits salés travaille uniquement pour les marques de distributeurs (MDD). Créée en 1991, l’entreprise a connu plusieurs actionnaires familiaux, financiers, ou les deux en même temps pour épauler son développement. 3i, TCR, Omnes, CIC LBO Partners se sont succédé au capital depuis 1997, avec une pause en LBO sponsorless entre 2007 et 2010 grâce au soutien de Cerea Mezzanine, spécialiste des entreprises agroalimentaires. Mais en 2010, le dirigeant qui avait repris cette entreprise industrielle en 1997, Jean-Pierre Caillavet, cherche à vendre sa société pour prendre sa retraite. Il entend parler d’IK, et les discussions commencent. « Nous étions en concurrence avec d’autres fonds, soit des minoritaires soit des investisseurs plutôt positionnés sur le small cap, retrace Rémi Buttiaux, associé d’IK Investment Partners. Cela nous a permis de nous différencier, et nous avons eu la chance d’obtenir un niveau de valorisation à l’entrée plus favorable que celui que nous atteignons sur notre taille habituelle de deal. » Le deal est financé par une dette bancaire apportée par LCL et une mezzanine fournie par Cerea, fidèle financeur de l’entreprise. Le plus délicat reste cependant à accomplir : dénicher un nouveau dirigeant pour la PME. Un mandat est confié à un chasseur de têtes, qui présente plusieurs candidats, dont Christophe Fenart. « Je connaissais parfaitement les enjeux de la société, car j’ai notamment été chef de produits chez Belin pour la gamme Chipster, précise le dirigeant. J’ai ensuite passé huit ans chez Yoplait pendant la période du LBO avec PAI, puis j’ai rejoint Marie en tant que directeur commercial et marketing. J’ai travaillé sur les produits surgelés et le frais pour relancer la marque, avant de devenir directeur général et, finalement d’accompagner l’adossement de l’entreprise à un groupe. » Bref, un spécialiste de l’agroalimentaire doté d’un profil marketing, opérationnel à l’international et, de plus, calé en biscuits apéritifs… Il est l’homme de la situation, et accepte de relever le défi du développement d’Europe Snacks.

Un leader incontesté. Avec ses usines de Saint-Denis-la-Chevasse (85), Europe Snacks pulvérise la concurrence sur son segment. En MDD, il a grignoté plus de 80 % de parts de marché en travaillant pour des distributeurs comme Auchan, Carrefour, Monoprix ou Système U. Quand IK entre au capital, la société réalise 62 millions d’euros de chiffre d’affaires, principalement en France. Mais le patron autant que le fonds se montrent ambitieux, et le plan de développement qu’ils élaborent comporte plusieurs volets. « Nous avons décidé d’armer l’entreprise pour une nouvelle catégorie de produits, les crackers, révèle Christophe Fenart. En effet, ils représentent un tiers des volumes en France et les MDD étaient encore toutes produites par Belin. Nous avons donc monté une usine dédiée grâce à un investissement de 12 millions d’euros et, en dixhuit mois, nous avons pratiquement gagné 100 % du marché. » En outre, la qualité est un axe stratégique fort du développement d’Europe Snacks, car le prix seul ne suffit pas. Les céréales sont désormais d’origine française, l’huile de palme a été remplacée par du tournesol, les recettes fromagères contiennent de l’emmental français… Autant d’arguments utilisés par les clients distributeurs dans leur communication. Enfin, l’entreprise a vocation à devenir européenne. En effet, si 35 à 40 % des produits d’épicerie sont des MDD sur le continent, seuls 10 % des tuiles apéritives le sont, il reste donc de la place. Des arômes sont développés selon les goûts de chaque pays et, rapidement, la part de l’international passe de 1 % du chiffre d’affaires en 2010 à 10 % fin 2013. « En tout, nous avons investi 30 millions d’euros en trois ans dans de nouvelles lignes de production mais aussi dans d’autres domaines comme la qualité ou le respect de l’environnement, détaille Rémi Buttiaux. Europe Snacks, même après plusieurs LBO, était demeurée une entreprise gérée de façon familiale. À présent, elle est passée au niveau industriel. »

Un groupe unifié. Au-delà des problématiques de productivité, Christophe Fenart s’est penché sur l’identité du groupe. « Nous avons plusieurs sites de production, qui ont tous été unifiés avec des procédures communes, un logo unique et un slogan “Votre marque, notre défi” pour servir les attentes de nos clients », explique le patron. Et les résultats deviennent vite visibles : en trois ans, le chiffre d’affaires a augmenté de plus de 50 % pour dépasser 80 millions d’euros fin 2013, et de bons jalons ont été posés à l’étranger. L’entreprise produit 25 000 tonnes de biscuits apéritifs par an avec plus de 200 références. De plus, la création d’un nouveau site a permis de créer une cinquantaine d’emplois en Vendée, pour atteindre un effectif de 330 personnes. C’est pourquoi « au bout de trois ans, nous avions l’opportunité de réaliser une sortie avec le multiple escompté pour une période de détention plus longue », se réjouit le partner d’IK. En effet, Christophe Fenart sait qu’il est une cible potentielle pour de grands concurrents industriels, et souhaite poursuivre le développement de sa société en toute autonomie. Il pense qu’il y parviendra en montant un autre buyout pour se doter de nouveaux moyens. Avec l’accord de son actionnaire et de ses prêteurs, il pilote la transition vers un nouvel investisseur financier, et sélectionne Apax parmi d’autres fonds mi-2013. Ce dernier, convaincu par la stratégie d’Europe Snacks, qui a consciencieusement préparé son dossier, l’acquiert pour un multiple d’Ebitda supérieur à celui dont s’était acquitté IK. Car il reste de très belles perspectives au nouveau repreneur, notamment dans le développement international, ainsi que dans l’élargissement de la gamme et l’augmentation de la capacité de production. De quoi croquer l’Europe.

Laurence Pochard

Repères Afficher tout

>1991 : Création d’Atlantic Snacks

>1997 : Rachat de l’entreprise par Jean- Pierre Caillavet

>1997 : 3i et CM-CIC Capital Finance entrent en minoritaires au capital de la société, qui réalise un CA de 15 M€

>2000 : TCR, Omnes et Ocean Participations deviennent actionnaires

>2005 : CIC LBO Partners entre en minoritaire au tour de table

>2007 : La famille Cavaillet reprend 100 % des titres

>2010 : Entrée d’IK au capital (90 %) lors d’un MBI qui porte Christophe Fenart à la tête de la société, permettant le départ à la retraite de Jean-Pierre Caillavet

>2012 : L’entreprise est rebaptisée Europe Snacks

>2013 : le CA dépasse 80 M€

>2013 : Apax devient le nouvel actionnaire majoritaire du groupe.

Visions croisées Afficher tout

Rémi Buttiaux, associé d’IK, et Christophe Fenart, PDG d’Europe Snacks

PEM : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Rémi Buttiaux : En 2010, Jean-Pierre Caillavet souhaitait trouver un repreneur pour sa société, et nous avons traité avec lui pratiquement de gré à gré. Le deal était d’une taille raisonnable pour nous, laissant la possibilité d’effectuer des investissements complémentaires. Le cabinet de recrutement Heidrick & Struggles, mandaté pour sélectionner un manager, nous a présenté Christophe. Il était le candidat idéal : il avait exactement l’expérience commerciale et industrielle recherchée pour Europe Snacks.

Christophe Fenart : J’étais précédemment directeur général de Marie, dont j’ai relancé la marque et piloté l’intégration au sein du groupe LDC. Je recherchais une nouvelle aventure, plutôt à la tête d’une marque. J’ai tout de même étudié le projet Europe Snacks que m’a présenté Claire Babel chez Heidrick – même s’il produisait pour les distributeurs – et rencontré IK, qui m’a persuadé de visiter le site de l’entreprise. J’ai alors été convaincu que c’était une belle histoire.

PEM : Quels ont étés les moments marquants de votre collaboration ?
R. B. : Ils ont été nombreux… Il s’est avéré passionnant de voir se développer le potentiel européen de cette entreprise. La rencontre avec Christophe a aussi été une vraie révélation, grâce à laquelle nous avons compris qu’il y avait de belles choses à faire avec une société plus petite que celles dont nous avions l’habitude.

C. F. : Je suis ravi d’avoir parcouru ce chemin et d’avoir réussi mon pari. J’ai gravi une belle montagne. Le meilleur moment ? C’est quand l’équipe IK m’a donné son accord pour me laisser monter le prochain LBO, une vraie marque de confiance.

PEM : Comment s’est déroulée la séparation ?
R. B. : Il n’y a pas eu de process classique de mise en vente. Comme Christophe et son équipe voulaient rester indépendants, nous leur avons fait rencontrer seulement des fonds. Plusieurs d’entre eux ont manifesté leur intérêt, mais Apax a travaillé pendant l’été et est revenu très informé en septembre 2013. Nous avons donc traité directement. 

C. F. : Les industriels qui souhaitent prendre des parts de marché étaient évidemment intéressés par une entreprise comme la nôtre. Mais nous préférions trouver un moyen de continuer l’aventure, il fallait refinancer la dette de l’entreprise avec une nouvelle opération. Apax va donc nous accompagner dans la poursuite de notre stratégie de développement.

 

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