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L'histoire

AXA Private Equity clôt la parenthèse LBO de Keolis 27.07.12

Après avoir goûté au LBO avec 3i en 2004, Keolis a renouvelé l’expérience de cet actionnariat dual avec AXA PE et CDPQ en 2007, avant que la SNCF ne reprenne le contrôle majoritaire de sa filiale.
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« Je mets Keolis en pension et en tension. » La formule utilisée par Louis Gallois, président de la SNCF lors du premier LBO de 2004 avec 3i, résume bien son intention d’utiliser le levier du private equity pour stimuler la croissance de sa filiale des transports publics née de la fusion en 2000 de l’acteur du transport urbain Via-GTI et du spécialiste de transport routier interurbain Cariane. En deux ans d’actionnariat majoritaire, 3i met l’accent sur la structuration de la gouvernance du groupe, son internationalisation et l’instillation d’une culture cash qui fera passer l’Ebitda de 117millions d’euros en 2003 à 155 millions d’euros en 2006. Mission accomplie pour l’investisseur britannique, qui préférera passer la main au bout de deux ans plutôt que de s’engager sur un nouveau plan de développement, engrangeant par la même occasion un multiple de quatre fois sa mise, la valorisation de Keolis ayant doublé depuis le LBO. Voilà donc la SNCF, qui souhaite rester actionnaire industriel de référence, à la recherche d’un remplaçant pour renouveler l’expérience de cet actionnariat dual public-privé. « La SNCF cherchait à reproduire le même modèle mais avec un actionnaire plus institutionnel et plus long terme », rappelle Michel Bleitrach, arrivé aux commandes de Keolis début 2005. La combinaison parfaite fut trouvée avec AXA Private Equity et son fidèle LP et co-investisseur, CDPQ, qui formèrent un consortium détenant 52% du capital de Keolis, auprès de la SNCF (45,5 %) et du management dont le cercle d’actionnaires s’élargit à quelque 240membres. AXA Private Equity – qui investit près de 180 mil lions d’euros via ses véhicules de co-investissement et de mezzanine – invite à ses côtés Pragma Capital, qui détiendra 6%, pour éviter à la filiale de l’assureur des risques de consolidation de la dette qu’il encourait avec le montage initial. Au final, le LBO se monte avec un levier de 45-55, soit 500millions d’euros de fonds propres pour 593 millions d’euros de dette. Après le travail de consolidation qui a caractérisé l’actionnariat de 3i, la priorité est donnée à la croissance rentable sur deux le viers : « Il fallait, d’une part, mettre l’accent sur le marché domestique en remportant de grands contrats sur des villes symboliques et, d’autre part, accélérer l’internationalisation en sortant du périmètre européen », résume Dominique Gail lard, membre du directoire d’AXA Private Equity.

Le premier opérateur de tramways au monde

Déjà bien implantée en Europe, notamment au Royaume-Uni où elle assure le transport de 30% des passagers des trains régionaux, et en Scandinavie, qui représente 12 % de ses revenus, Keolis part donc à la conquête de l’Australie en remportant fin 2009 l’exploitation du réseau de tramway de Melbourne, le plus étendu au monde avec 250 ki lomètres de voies, 29 lignes et 500 ra - mes (180 millions de passagers en moyenne par an), gagnant de ce fait le titre de « premier opérateur de tramways au mon de ». « Un exploit technique et organisationnel, puis qu’il a fallu composer avec la vétusté de la flotte, l’hétérogénéité du matériel et les spécificités du réseau australien », souligne Michel Bleitrach. Des contraintes toutefois largement compensées par la visibilité qu’offre une concession de quinze ans pour des revenus de plus de 3 milliards d’euros. Grâce à cette dynamique d’expansion, qui intègre les contraintes locales et passe par des par tenariats avec des acteurs nationaux, Keolis remportera aussi en 2011 le contrat de partenariat public-privé du futur tramway de Gold Coast en Australie (État du Queensland), d’un montant d’environ 1mil - liard de dollars australiens (730 mil lions d’euros) sur dix-huit ans, et portant sur le tracé, la construction, le financement, l’exploitation et la maintenance de la ligne de tramway prévue pour 2014. En 2011, Keolis fera aussi ses premières incursions aux États-Unis avec l’acquisition de Tectrans (désormais baptisé Keolis Transit America), un opé rateur de transport public californien spé cialisé dans le transport des personnes à mobilité réduite, créneau très porteur ou tre- Atlantique, et les navettes aéroportuaires.

Intermodalité

Si les revenus à l’international sont passés de 40 % du chiffre d’affaires en 2007 à 47 % en 2011, Keolis n’en néglige pas pour autant son socle national, où l’opérateur a réussi à renouveler la majorité des contrats de transport urbain détenus en portefeuille dans l’Hexagone et remporté plusieurs gains offensifs. Dans le lot des conquêtes symboliques sur le marché domestique, Dominique Gaillard et Michel Bleitrach se souviennent avec émotion de celle de Bordeaux, que Keolis a soufflée à Veolia de haute lutte fin 2009, remportant le contrat d’exploitation du réseau de transport de communauté urbaine pour un montant de 780 millions d’euros sur cinq ans. Enfin, le rapprochement avec le gestionnaire de par - kings Effia, en 2010, détenu par la SNCF – qui monte à hauteur de 57% du capital à cette occasion – lui apporte une brique complémentaire dans l’intermodalité : « Keolis est le seul acteur présent sur l’ensemble de la chaîne de la mobilité, depuis le stationnement jusqu’aux modes lourds (train, tram way, métro), en passant par le bus, le car, le vélo ou encore les navettes aéroportuaires et maritimes », souligne Michel Bleitrach, qui a tiré de cette «intermodalité» un atout différentiel pour se positionner sur des sujets de refonte du trans port urbain transcendant le seul aspect logistique. Ainsi, l’intégration du gestionnaire de parkings Effia lui permet la réus site du lancement des of - fres vélos de Lille et d’Angers, et le gain de plusieurs contrats de stationnement à Nantes, Lille, Lyon ou Perpignan. Malgré une année 2009 difficile, le chiffre d’affaires de Keolis aura connu une croissance moyenne de 12,6% par an, de 2007 à 2011, pour attein dre 4,4 milliards d’euros, pour 274 mil - lions d’euros d’Ebitda et plus de 20% par an pour les seules activités internationales. Il est donc temps pour AXA Private Equity, qui s’était engagé à rester cinq ans, de tirer sa révérence. « Nous avons commencé à étu dier plusieurs scénarios de sortie depuis 2011, dont une IPO ou une acquisition d’en vergure qui nous aurait offert l’occasion de passer le relais, indique Dominique Gaillard. Finalement, la SNCF a exprimé le souhait de racheter nos parts et de coha biter avec CDPQ, dont les horizons de temps sont bien plus longs. » L’échec d’un grand rapprochement aura été le principal bémol d’un bilan très honorable. Sur un marché en forte croissance mais à faible marge, où la course à la taille est stratégique, Keolis n’aura pas réussi à s’allier à un acteur d’envergure malgré deux principales tentatives de rapprochement avortées, d’abord avec Transdev, qui lui a préféré Veolia en 2009, puis avec son homologue britannique Arriva, en 2010, qui convolera finalement avec Deutsche Bahn. 

Houda El Boudrari

Visions Croisées

Michel Bleitrach, président de Keolis pendant l’actionnariat d’AXA Private Equity, et Dominique Gaillard, membre du directoire d’AXA Private Equity
 
  

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Comment a fonctionné cette gouvernance atypique ?

M. B. : Après le retrait de 3i, la SNCF cherchait un acteur plus institutionnel et plus long terme pour renouveler le modèle de l’actionnariat public-privé. Le consortium for mé par AXA Private Equity, CDPQ et Pragma présentait la parfaite com binaison entre la tension stimulante d’un actionnariat financier et la vision long ter - me d’institutions. Pendant cinq ans, nous avons bénéficié d’un mode de fonctionnement et d’une gouvernance très élaborés en tirant le meilleur parti du savoir-faire technique de la SNCF et des conseils stratégiques d’AXA PE.

D. G. : Même sans être dans un schéma classique de buy - out, nous a vions introduit les élé ments constitutifs d’un alignement d’intérêt avec le management, et nous avons été un actionnaire impliqué et actif. La complémentarité des différents types d’actionnaires a été un facteur de réussite du partenariat.  

 

PE MAG : Quel a été l’apport d’AXA Private Equity depuis son entrée au capital ?

M. B. : AXA Private Equity a été un conseil avisé, notamment sur nos stratégies de build-up et de conquête de marchés à l’international. Sa prudente gestion des risques et sa maîtrise de la conjoncture internationale nous a évité quel ques déconvenues, notamment en nous déconseillant de nous aventurer en Europe Centrale. Sous l’impulsion de Dominique Gaillard et Domi nique Senequier, président d’AXA Private Equity, nous nous sommes aussi intéressés de plus près à l’Asie, où Keolis a remporté récemment le marché de l’exploitation du réseau de transport urbain d’Hyderabad en Inde.

D. G. : Nous avons élargi le cercle de managers actionnaires, qui est passé à 240 membres, et nous avons aussi renforcé la structure du management autour de Michel Bleitrach. Nous avons, en outre, mis en place un FCPE avec un abondement généreux pour ouvrir l’actionnariat à un plus grand nom bre de salariés. Durant notre actionnariat, le chiffre d’affaires de Keolis a connu une croissance moyenne de 12,6% par an, et les effectifs sont passés de 38000 à plus de 50000 collaborateurs. 
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