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L'histoire

Seventure fortifie Polaris 13.11.11

Détenteur d’une technologie brevetée de biostabilisation des oméga-3, l’expert des lipides nutritionnels et de la microencapsualtion Polaris a changé de dimension depuis l’entrée à son capital de Seventure en 2009.
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En juin 2009, Seventure Partners prend une part minoritaire significative du capital de l’expert des lipides nutritionnels Polaris en lui apportant 6 millions d’euros, un ticket en haut de la fourchette d’intervention du VC, qui mise en moyenne entre 2 et 4 millions d’euros. Mais ce n’est pas sur la seule taille de l’investissement que Seventure fera une entorse à ses habitudes. « Notre histoire avec Polaris a débuté d’une manière atypique, puisque nous sommes allés à la rencontre de la cible alors qu’habituellement nous sommes sollicités par les managers en levée de fonds », indique Isabelle de Crémoux, res ponsable de l’activité Sciences de la vie et membre du directoire de Seventure. Le capital risqueur, qui reçoit 600 dossiers par an, a l’embarras du choix pour sélectionner ses cinq deals annuels parmi des start-up de tout genre. Alors pourquoi aller courtiser une entreprise dont la démarche n’était pas d’ouvrir son capital, et qu’il fallait donc convaincre ? « Sur des segments particuliers qui nous intéressent comme la nutrition, nous sommes à l’affût de dossiers pointus qui se démarquent par une approche innovante et un véritable atout compétitif sur leur marché », explique Isabelle de Crémoux, dont le tropisme pour les start-up dans le domaine de la nutrition se traduit par un portefeuille riche de plusieurs participations (Fluxome Sciences, Biophytis, Nutrionix), en plus d’une jointventure avec l’Inra pour financer et soutenir des projets innovants en nutrition, biotechnologie industrielle et environnement.

Un deal ardemment désiré

« Polaris nous a d’abord séduits par son positionnement sur un marché où le désé - quilibre entre la demande croissante des industriels et l’offre encore insuffisante des producteurs d’huiles pharmaceutiques joue en faveur de ces derniers. En outre, la startup est détentrice d’une technologique spécifique brevetée qui augmente la stabilité et la biodisponibilité des huiles », détaille Isabelle de Crémoux. Concrètement, seuls 20 % d’une huile de base ingérée arrivent aux intestins, le reste des éléments actifs subissant une dégradation au cours de la digestion. Grâce à la technologie de concentration de Polaris, le pourcentage des huiles absorbées qui parviennent effectivement aux intestins est de 30 à 60 %, ce qui a pour conséquence d’augmenter l’efficience des principes actifs et de diminuer l’apport de calories inutiles. On peut imaginer l’intérêt que suscitent pareilles techniques pour les industries pharmaceuti ques, les fabricants de compléments alimentaires ou même les grands industriels de l’agroalimentaire comme Danone, qui avait fait appel à Polaris pour son alicament Essensis, lancé en 2007 et censé « nourrir la peau de l’intérieur », mais qui s’est révélé un échec commercial. Ce flop de Danone ne remet évidemment pas en cause la qualité de la technologie développée par Polaris, qui bénéficie d’une excellente réputation dans le microcosme de la nutrition. « Cha que fois que j’interrogeais des clients ou des fournisseurs de cet écosystème, on me citait systématiquement Polaris, qui jouit d’une notoriété hors norme compte tenu de sa taille », pointe Isabelle de Crémoux, qui suit de près toutes les pépites du secteur. C’est d’ailleurs cette expertise exceptionnelle dans l’univers des VCs français qui a séduit Stéphane Lozachmeur, président de Polaris, quand il a été abordé pour la première fois par Seventure lors d’un congrès de la profession. Cela n’a pas empêché le processus de durer dix-huit mois… Une mobilisation en énergie et en temps peu coutumière chez le VC, qui est allé jusqu’à déléguer une boutique M&A spécialisée afin d’aider la start-up à structurer son business plan et épauler les deux associés fondateurs peu familiarisés avec la finance. « Ce deal était ardemment désiré », sourit Isabelle de Crémoux. « C’est vrai qu’il nous a fallu expérimenter la valeur ajoutée d’un investisseur professionnel pour se rendre compte du temps perdu sur la croissance de l’entreprise pendant nos dix années de développement artisanal », admet Stéphane Lozachmeur, qui avait commencé à plancher sur la manière de concentrer les oméga-3 contenus dans les huiles de sardine et les faire passer, avec son acolyte Gildas Breton, de 30% à 60% à la fin des années 1990.

Une PME qui ne cesse d’innover

En quelques années, Polaris a réussi à autofinancer sa R&D grâce à une activité de distribution pour un fabricant norvégien d’huiles nutritionnelles. En 1996, l’entrée d’un troisième associé, pharmacien, a permis de financer la création d’une division de microencapsulation (une méthode consistant à transformer l’huile de poisson en poudre, plus facilement utilisable dans les process industriels). Stéphane Lozachmeur – qui a dé marré son projet avec moins de 1000 eu ros en poche et se souvient encore du prix de la ramette de papier – fera ainsi évoluer son entreprise artisanale en PME rentable et crédible sur son marché. Avec 9 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2008, le business model est alors éprouvé, et l’entrée de Seventure s’apparente davantage à du capital développement innovant qu’à une opération de capital risque. « Nous aimons intervenir au point d’inflexion en treun travail de R&D abouti et le stade de la commercialisation », souligne Isabelle de Crémoux. Elle n’en a pas moins retroussé ses manches pour accompagner sa participation dans les chantiers de développement qui l’attendaient. L’entrée au capital de Seventure permettra ainsi de financer la construction d’une usine qui aura coûté plus de 10 millions d’euros (financement pour moitié par du haut de bilan, pour l’autre par du bas de bilan), aujourd’hui opérationnelle en 3x8, et aura vu son chiffre d’affaires passer de 10 à 14 mil lions d’euros en deux ans ! Le doublement des effectifs de 24 à 48 salariés nécessitera aussi une structuration de la croissance dont le VC est coutumier. Sans oublier le réseau tentaculaire d’Isabelle de Crémoux, qui aura ouvert des portes auprès de partenaires grands comptes de l’industrie pharmaceutique et favorisé le recrutement de poin tures de la pharma et de l’entrepreneuriat, dans le conseil d’administration de la start-up bretonne. 

Houda El Boudrari

Visions Croisées

Isabelle de Crémoux, membre du directoire de Seventure Partners, et Stéphane Lozachmeur, président de Polaris.

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Comment vous êtes-vous rencontrés ?

I. de C. : J’ai « chassé » Polaris pour sa technologie innovante et un véritable atout compétitif sur son marché, mais aussi parce que ses managers étaient très estimés par leurs pairs dans ce secteur de niche.

S. L. : Quand j’ai été approché par Seventure, je n’étais pas du tout dans une démarche d’ouverture de capital. Il a fallu du temps pour me convaincre de l’intérêt de faire croître plus vite Polaris, et de la valeur ajoutée que pouvait apporter un investisseur institutionnel dans le tour de table. La connaissance pointue qu’a Isabelle de Crémoux du secteur a fini par me convaincre.

PE MAG : Comment se passe votre collaboration ?

I. de C. : Je joue mon rôle d’accompagnateur en challengeant les idées des managers. Stéphane Lozachmeur sait que j’aurai toujours l’honnêteté de critiquer ses idées quand elles ne sont pas bonnes, et je pense qu’il l’apprécie.

S. L. : Isabelle nous apporte beaucoup par sa passion communicative de son métier et sa capacité de travail impressionnante, sans parler de son réseau et de ses conseils en termes d’organisation et de structuration de la croissance. C’est une expérience très nouvelle pour moi de confronter mes idées à un regard extérieur impliqué. Elle a su aussi trouver le bon tempo pour prodiguer ses conseils sans être donneuse de leçons. C’est très important pour quelqu’un comme moi, qui aime apprendre mais a horreur qu’on lui enseigne.

PE MAG : Comment envisagez-vous la séparation ?

I. de C. : Le profil de Polaris se prête typiquement aux trois types de sortie envisageables par un VC : un industriel intéressé par sa technologie spécifique, un LBO primaire alléché par son potentiel de rentabilité, ou encore une IPO quand les marchés seront plus propices.

S. L. : L’entrée au capital est encore trop récente pour penser déjà à la séparation, nous avons encore des chantiers de conquête de l’export, avec comme « gros morceau » le marché américain. Mais je n’exclus aucune option. 

Repères

> 1994 : Début de l’activité

> 1996 : Polaris développe un brevet sur l’enrichissement naturel des huiles de poisson riches en acides gras oméga-3 EPA et DHA

> 1998 : Devient partenaire exclusif du leader norvégien Epax SA des huiles marines riches en oméga-3 en France, en Espagne et au Portugal

> 2009 : Entrée au capital de Seventure

> Juillet 2011 : Polaris remporte le Trophée du Prix Pierre Potier 2011 pour son innovation en chimie en faveur du développement durable 

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