Accueil > enquetes > SuperSonic Imagine à la vitesse des ultrasons

L'histoire

SuperSonic Imagine à la vitesse des ultrasons 29.06.11

SuperSonic Imagine à la vitesse des ultrasons
De la théorie des ultrasons à la détection de cancers, SuperSonic Imagine a développé une technologie de rupture grâce au soutien d’une kyrielle de VCs. Son appareil révolutionnaire d’imagerie médicale et ses différentes applications ouvrent la porte à une amélioration des diagnostics et à de futurs traitements.
© D.R.
SuperSonic Imagine à la vitesse des ultrasons
imprimer
   

Imagination, innovation, implémentation : voilà la trilogie qui sous-tend SuperSonic Imagine (SSI). À partir des travaux des chercheurs Mathias Fink et Armen Sarvazyan sur l’élastographie – une technique utilisant les ultrasons pour mesurer la densité – une jeune entreprise innovante est née en 2005. « Les parents biologiques de SuperSonic Imagine sont Sarvazyan et Fink, ses parents adoptifs Jacques Souquet et Bernard Daugeras », schématise Jacques Mallet, directeur associé chez Auriga Partners et responsable des investissements dans le secteur des sciences du vivant. Tout commence lorsque Bernard Daugeras, cofondateur et membre du directoire d’Auriga, « physicien défroqué tombé dans la finance » selon ses propres termes, est contacté par un chercheur, élève de Mathias Fink, qui cherche un capital risqueur pour développer une entre prise. Les références qu’il prend auprès de Fink lui donnent plutôt envie de travailler directement avec celui-ci. Jacques Souquet se souvient : « J’ai été présenté à Bernard Daugeras par Mathias Fink, un ami qui dirige l’Institut Langevin au sein de l’École supérieure de physique et chimie industrielle de la ville de Paris (ESCPI). En ma qualité d’ancien responsable stratégique et scientifique de Philips Medical System, Auriga souhaitait avoir des informations relatives au marché des dis positifs médicaux. » Or, de cette ren - contre mûrit l’idée de créer une entreprise française d’imagerie médicale à partir des applications des ultrasons. Un groupe de fondateurs se constitue avec, entre autres, le prix Nobel de physique Georges Charpak et Claude Cohen-Bacrie, qui devient directeur scientifique de SSI, ainsi qu’un club de scientifiques bardés de brevets.

 

Une technologie de rupture

 

Pour regarder à l’intérieur du corps, l’écho - graphie et la radiographie procurent une vision partielle que peut compléter l’élastographie. En effet, SuperSonic Imagine a pour vocation de préciser les diagnostics en utilisant les « ondes de cisaillement » qui mesurent la densité de lésions internes (d’abord celles du sein), de façon non invasive. Auriga décide, en 2005, de miser sur cette idée en amorçage avant même qu’un business plan soit élaboré, et met 300000 eu ros sur la table, tandis que Jacques Souquet injecte 50000 euros. «Des due diligences étaient inutiles car les meilleurs experts du sujet étaient déjà impliqués dans le projet », explique Bernard Daugeras pour justifier cette rapidité. Les fonds « seed » et quelques subventions ont ainsi permis de louer des locaux et de déposer des brevets. L’entreprise s’implante à Aix-en- Provence, là où Jacques Souquet avait prévu de s’installer après une carrière aux États-Unis, et c’est sur son expérience opérationnelle qu’elle s’appuie. Il a en effet été vice-président senior de Philips Medical, et a également créé une entreprise leader de l’ultrasonore portable. « C’est, pour moi, la troisième start-up que je crée dans ce domaine mais la première en France. J’ai donc une petite expérience de la conduite d’une entreprise », confirme-t-il. Qualifié par Auriga de charismatique, il fait venir à Aix les meilleurs spécialistes internationaux du secteur. Et une idée en particulier place cette technologie en « rupture » par rapport à l’existant : celle de procéder avec des logiciels plus qu’avec des machines. Un puissant calculateur est nécessaire, mais les appli - cations aux différents organes seront déclinées grâce à des programmes plutôt qu’à une machine créée pour chaque analyse. Quelques mois après l’amorçage, la jeune pousse réalise donc une levée de fonds de série A de 10 millions d’euros en 2006 auprès de Crédit Agricole Private Equity et d’Auriga, qui financent environ 3 millions d’euros chacun, accompagnés du britannique NBGI Venture (2,5millions d’euros) et de BioAm pour le solde.

 

Du prototype à la commercialisation

 

« Il était nécessaire de franchir des bornes physiques », souligne Bernard Daugeras. L’Aixplorer voit donc le jour en Provence : c’est un échographe qui utilise des composants de jeux vidéo pour le traitement des images. Il procède à une acquisition des données jusqu’à 200 fois plus rapide qu’un échographe haut de gamme actuel. Son analyse détermine l’éventuelle malignité de lésions du sein en fonction de leur dureté. Les physiciens des ultrasons continuent d’affluer à Aix, au point que le consulat de Marseille s’étonne du nombre de demandes de visas. Le projet avance vite «mais le plus significatif a été de passer d’une entreprise focalisée sur le développement technologique à une entreprise où le marketing et la vente ont pris une importance considérable. Ce passage est toujours délicat », nuance Jacques Souquet. « Tout ce qui concerne les affaires réglementaires (homolo gation de notre produit par les autorités des pays où nous vendons) a été un défi important pour nous », poursuit-il. Défi relevé en 2008, lorsque l’Aixplorer obtient le sésame du marquage CE. La start-up procède alors à une levée de fonds de série B en deux temps, d’abord avec Edmond de Rothschild Investment Partners et les actionnaires précédents pour 20 millions d’euros en 2008, puis 6 millions d’euros en 2009 ap - portés par Wellington Partners et Ixo Private Equity. Ces capitaux permettent la mise en place d’un réseau de vente et le financement de la R&D pour de nouvelles applications. En 2009, la FDA américaine donne son aval et la phase de commercialisation s’intensifie. Chez Auriga, Jacques Mallet prend la suite de Bernard Daugeras au conseil de surveillance de SuperSonic Ima gine : « Quand le bébé est devenu adolescent, il s’est lancé sur le marché, et maintenant c’est un jeune adulte qui flirte avec les industriels », sourit-il.

 

Toujours plus vite

 

« Entre la planche à dessin et la mise sur le marché, nous avons mis deux ans de moins que Philips ou Siemens », se félicitent les partners d’Auriga. Les nouvelles applications se bousculent pour le foie, l’abdomen ou encore la gynécologie, et la 3D arrive pour le sein. Afin d’accélérer le déploiement, une levée de série C est lancée fin 2010. Et sursoucrite : 34,5 millions d’euros sont récoltés auprès de Mérieux Dévelop pement, Innobio (CDC Entreprises) et Canon, lequel pose ici des jalons pour une éventuelle acquisition. À l’avenir, « il faut se faire un nom en France, aux États-Unis et au Japon (les deux premiers marchés), et en Chine – qui est en train d’augmenter ses standards de prévention – pour augmenter le chiffre d’affaires (10 mil lions d’euros en 2010) et devenir rentable à horizon fin 2012 », selon Jacques Mallet. Les perspectives à moyen terme restent un rachat par un industriel étranger ou une introduction en bourse. Et surtout, pour Jacques Souquet, « être leader en innovation dans l’ima - gerie ultrasonore ».  

Laurence Pochard

Visions Croisées

Jacques Souquet, PDG de SuperSonic Imagine, et Bernard Daugeras et Jacques Mallet, directeurs associés chez Auriga Partners

 

 PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Comment vous êtes-vous choisis?

Jacques Souquet : Le choix des partenaires financiers s’est fait par des relations personnelles ou des connections établies avec d’autres partenaires financiers. J’ai toujours recherché des partenaires fiables et dont la réputation est excellente au sein de la grande famille du capital risque. Nous avons un conseil de surveillance, et tous les partenaires sont représentés soit comme membres permanents soit comme observateurs.
Bernard Daugeras : Jacques Souquet avait déjà créé une société leader mondial de l’ultrasonore portable, c’est différent du parcours d’un pur scientifique qui n’a jamais vu une entreprise !  

 

PE MAG : Comment vivez-vous votre relation?

J. S. : Je considère les partenaires financiers plus comme des conseillers à qui je peux faire appel. Pas seulement pour des problèmes financiers, mais aussi pour des conseils de business, car certains d’entre eux ont une grande expérience. Pour des embauches clés dans l’entreprise, j’ai fait appel à leur réseau de connaissances, et j’ai également utilisé leurs conseils quant aux profils que je me devais de rechercher.

Jacques Mallet : Bernard Daugeras et Jacques Souquet se comportent un peu comme un couple, avec un coup de foudre, des périodes plus diffi - ciles, des retrouvailles et, au final, une relation qui tient sur la durée.

B. D. : Grâce à une équipe exceptionnelle, il n’y a pas eu tellement de déconvenues.  

 

PE MAG : Comment voyez-vous l’avenir?

J. S. : Dans les deux ans, je vois SuperSonic être profitable, leader en innovation dans l’imagerie ultrasonore et réaliser une IPO, ou bien être acheté par un partenaire industriel.

B. D. et J. M. : Ce sera une IPO ou une acquisition par un corporate. L’introduction en bourse est plus lourde, plus longue vers la liquidité, mais reste nationale, à la diffé rence du rachat par un industriel. Cela fait pratiquement sept ans que nous sommes dans la société, et nous souhaitons le meilleur pour elle. 

 

28