Accueil > enquetes > Proclif : opération réussie pour Duke Street

L'histoire

Proclif : opération réussie pour Duke Street 07.04.10

Proclif : opération réussie pour Duke Street
En moins de cinq ans, Duke Street a permis au groupe Proclif de se faire une place sur le marché de l’hospitalisation privée. Une démarche prudente et très ciblée, sans précipitation, pour une sortie en deux temps.
© D.R.
Proclif : opération réussie pour Duke Street
imprimer
   
Lorsque Duke Street prospecte en 2005 le marché de l’hospitalisation privée en France, le paysage est en pleine recomposition. Avec plus de 700 établissements, il est toujours fortement fragmenté. Mais quelques groupes importants ont déjà émergé, tels Médi-Partenaires, Générale de Santé ou Vitalia. À cette époque, le fonds britannique cherche à garder l’approche historique qu’il a déjà déployée sur le secteur en Grande-Bretagne : dénicher des établissements à forte valeur ajoutée, handicapés par une sous-performance, nécessitant une réelle transformation.Cette stratégie, l’investisseur va la mettre en pratique auprès de Bernard Lasry et Elias Ettedgui, les deux fondateurs de Proclif. En 1998, ils avaient repris deux cliniques du Sud-Est parisien alors en difficulté, mais présentant une belle diversité d’activités (chirurgie urologique, orthopédique, gynécologique, digestive, thoracique, vasculaire, soins de dialyse). Après quelques années de redynamisation, les deux établissements disposaient en 2005 d’une capacité de 309 lits et réalisaient plus de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires. Les deux associés, qui souhaitent poursuivre sur leur lancée en conservant leur indépendance, entament des discussions avec Duke Street en juin 2005.« À l’époque, Proclif n’était pas encore un groupe à proprement parler, n’avait ni siège ni système de reporting, se souvient Xavier Clarke, directeur d’investissement chez Duke Street. Nous lui avons donc offert de l’accompagner dans une logique de transformation en lui donnant les moyens financiers et opérationnels nécessaires afin d’en faire un groupe leader. » Duke Street s’empare en septembre de 80 % du capital en s’appuyant sur une dette d’acquisition « plutôt raisonnable », apportée principalement par le Crédit Agricole Île-de-France.Huit acquisitions en quatre ans « Notre projet consistait à regrouper, dans un délai de quatre à cinq ans, une dizaine d’établissements en Île-de-France», relate Xavier Clarke. Une première ligne d’acquisitions est mise en place lors du LBO pour assurer les deux premiers build-ups qui se boucleront quelques mois plus tard : la clinique Lambert (La Garenne-Colombes) et la clinique de la Montagne (Courbevoie) qui jouit d'une bonne notoriété en chirurgie de la main. Dans le même temps, Proclif franchit une étape symbolique vers sa structuration en se dotant d’un siège social à Évry. Pour financer les acquisitions suivantes, Duke Street remettra « la main au portefeuille », en complément d’une dette obtenue par Proclif auprès de ses banques d'exploitation « avec de très bons taux d’intérêt », insiste de son côté David Hillier, l’actuel Dg du groupe. Le groupe ajoute ainsi deux établissements à son tableau de chasse en 2007: la prestigieuse clinique de la Muette, réputée pour sa maternité et son service de chirurgie obstétrique puis une clinique à Asnières, pour renforcer son maillage dans le Nord-Ouest. Proclif jette ensuite son dévolu sur Versailles début 2008. Deux opportunités se présentent : une clinique appartenant aux Soeurs Franciscaines et deux établissements dans le giron d’une famille de médecins. Le potentiel de rapprochement est intéressant, mais complexe. « La surcapacité du bassin versaillais rendait nécessaire le regroupement des trois établissements sur deux sites, explique Xavier Clarke. L’opération s’est faite en accord avec toutes les parties en présence grâce au dialogue installé par Proclif », précise ce dernier.
Nouvel homme, nouvelle dynamique 
Entre-temps, l’un des deux fondateurs, Elias Ettedgui, désire se retirer. L’occasion de dénicher un nouveau manager à même d’incarner cette dynamique de groupe. En mai 2008, Proclif le trouve en la personne de David Hillier. Ce dernier a déjà oeuvré en France et au Royaume-Uni, à la tête du groupe de cliniques Capio, qu’Apax a cédé en 2007 à Ramsay Healthcare, un opérateur australien, regroupant une centaine d’établissements de santé. « Proclif avait fait un travail déjà extraordinaire. Le groupe arrivait à un stade où il convenait de mettre en place de véritables infrastructures pérennes pour en faire un groupe à l’échelle nationale, explique l’actuel dirigeant. Mon rôle a surtout consisté à instiller plus de rationalisation en gardant une approche relativement décentralisée. Dans le sillage de ce qui a été déjà réalisé, un certain nombre de charges sont mutualisées (projets informatiques, systèmes de comptabilité, gestion médicale…). Les progrès sont notables : « le niveau de rentabilité du groupe a progressé d’environ 30% entre 2008 et 2009, là où les plus grands groupes enregistraient une progression de 10 % au mieux », se félicite David Hillier.
Investissements lourds
Mais la valeur ajoutée de l'actionnaire financier tient également à sa capacité à investir pour renouer avec la performance. En quatre ans, environ 35 millions d’euros en fonds propres et en dette sont mobilisés pour le Capex. Mais certaines acquisitions nécessiteront plus de restructurations que d’autres. Sept millions d’euros ont par exemple été mobilisés pour l’amélioration des infrastructures de la clinique de La Muette, qui compte onze étages et quatre niveaux sousterrains. Avant de changer de mains, « son taux d’occupation ne dépassait pas les 30 à 40 %, les infrastructures étaient devenues peu attractives, tant pour les patients que pour le corps médical, alors que les prix demeuraient élevés », rappelle Xavier Clarke. Le projet est donc très lourd, mais commence sur les chapeaux de roue. « Aujourd’hui, nous recrutons en moyenne un médecin par mois, se félicite David Hillier, et le taux d’occupation progresse d’autant. Ce qui permet à l’établissement d’autofinancer les améliorations structurelles ». Rapidement, les établissements déficitaires renouent avec la croissance et le groupe génère 140 millions d’euros de revenus en 2008. De quoi faire de Proclif une cible appétissante.
Sortie en deux temps
Durant l’été 2008, l’échec de la vente du groupe de cliniques privées Vitalia par Blackstone déçoit le marché. Mais elle a cependant le mérite de mettre en lumière un fort appétit des acheteurs pour le secteur. « Nous avons reçu pas mal d’appels pendant cette période, reconnaît Xavier Clarke. Proclif n’avait pas tout à fait bouclé sa feuille de route. Mais nous étions en mesure de vendre une vraie plate-forme dotée d’un savoir-faire de haute qualité ». Parmi les prétendants, Predica est particulièrement intéressé, mais ne souhaite pas être majoritaire. Mi-2009, Duke Street accepte de céder 43% à la filiale assurances du Crédit Agricole qui s’engage à trouver un repreneur pour le solde du capital. La deuxième mi-temps se jouera ensuite plus rapidement que prévu : fin 2009 Ramsay Healthcare, avide d’opportunités en France, présente rapidement une offre très satisfaisante. Il rachète 57 % du capital à Duke Street et aux managers, sur une base de valorisation de 9,3 fois l’Ebitda et 15 fois son Ebit, soit environ 170 millions d’euros. L’opération devrait être bouclée début avril.
Benjamin L'Hoir

Repères

> 1998 : Bernard Lasry et Elias Ettedgui fondent Proclif (deux cliniques)
> 2005 : Entrée au capital de Duke Street
> 2006 : Rachat de la clinique Lambert et de la clinique de la Montagne 
> 2007 : Rachat de la clinique de la Muette
> 2008 : Sortie de Elias Ettedgui-Arrivée de David Hillier au poste de Dg Rachat de trois cliniques à Versailles
> 2009 : Cession de 43% à Predica
> 2010 : Sortie totale de Duke Street - cession de 57 % à Ramsay Healthcare

Visions croiées


Xavier Clarke, directeur d’investissement chez Duke Street Capital, et David Hillier, directeur général du groupe Proclif, reviennent sur leurs années de partenariat.

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Comment vous êtes-vous choisis en 2008 ?
X. C. : En 2008, nous recherchions un manager capable de suivre de manière décentralisée une dizaine d’établissements tout en les structurant en un groupe. David, fort de son expérience en France et au Royaume-Uni, de son savoir-faire, et de la qualité de ses relations avec les médecins, correspondait parfaitement au profil.D. H. : Je cherchais à cette époque à m’associer à un projet de LBO, la capacité d’Apax à mettre en place un processus de changement constructif m’avait séduit au sein de Capio. J’ai travaillé auparavant avec des groupes plus larges que Proclif, mais j’ai rapidement partagé la vision de Duke Street de vouloir investir de manière ambitieuse sur ce projet.

PEM : Quel a été votre plus grand défi ?X. C. : L’Île-de-France est une région attractive et son secteur de l’hospitalisation privée présente un fort potentiel de transformation et de consolidation. C’est néanmoins une région difficile, caractérisée par une offre de soins plus dense et une forte concurrence, où les établissements sont confrontés à une grande mobilité de leurs praticiens. La consolidation est donc d’autant plus pertinente dans un tel bassin.D. H. : La force de Proclif a été d’instaurer un dialogue avec les autorités de Tutelle et les médecins. Nous pouvons nous targuer d’être devenu l’un des interlocuteurs privilégiés de la Tutelle sur la région, après la Générale de Santé, qui possède entre une trentaine et une quarantaine d’établissements. 

PEM : Comment voyez-vous l’évolution du secteur de l’hospitalisation privée ?X. C. : L’arrivée de fonds d’investissement au capital de groupes de cliniques a pu inquiéter certains observateurs, mais à l’épreuve de la réalité ces détracteurs ont pu se rendre compte de leur apport positif pour le secteur. Ce marché présente un important potentiel de création de valeur pour des acteurs qui en ont une fine connaissance. Depuis notre sortie de Proclif, nous regardons toujours les opportunités sur le marché français de la santé, mais de manière sélective.D. H. : Ce secteur reste difficile en matière tarifaire. Les tarifs de la santé en France sont les plus bas de l’Europe occidentale. Sur les 750 cliniques françaises, 200 à 250 sont actuellement dans le rouge. Sortir un bénéfice de niveau opérationnel relève donc toujours du challenge. En outre, si 60 % des interventions se font aujourd’hui dans le secteur privé, le budget alloué par la Tutelle pour le privé représente seulement le tiers de celui du secteur public. 

28