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L'histoire

Easyvoyage embarque dans un LBO secondaire 26.11.09

Easyvoyage embarque dans un LBO secondaire
Trois ans après son premier LBO avec Seventure et Actem, Easyvoyage décroche un ticket
en première classe pour son LBO secondaire avec Gimv et UFG Private Equity.
© D.R.
Easyvoyage embarque dans un LBO secondaire
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Le plus gros LBO IT de l’année » fanfaronne le fondateur d’Easyvoyage, Jean-Pierre Nadir, pas peu fier que la pénurie de deals mette en lumière son LBO secondaire. Qui valorise le site d’infomédiation quelque 46 millions d’euros, soit plus du double de son prix lors du premier LBO avec Actem et Seventure fin 2006. De leur côté, les deux fonds Natixis ne sont pas mécontents d’une sortie qui leur apporte un TRI de 40% et multiplie leur mise par 2,5. « Fin 2006, Easyvoyage avait un an d’avance sur son business plan et attaque aujourd’hui une phase de son développement nécessitant une force de frappe financière qui dépasse nos tickets d’intervention » explique Valérie Gombart, membre du directoire de Seventure. Un brin nostalgique tout de même des conseils d’administration animés avec des personnages aussi hauts en couleur que Jacques Maillot, fondateur de Nouvelles Frontières, et Francis Reversé, fondateur de Dégriftour, tous deux actionnaires minoritaires, sans oublier son bouillonnant fondateur Jean-Pierre Nadir. 
Débuts difficiles
Car l’histoire mouvementée d’Easyvoyage est indissociable du parcours de serialentrepreneur de son dirigeant. À 21 ans il se lance dans la pizza à domicile (Miss Pizza) et à 25 dans la presse de loisirs en créant Les Éditions de demain (Voyager Magazine, Cuisiner…) qui atteint les 100 millions de francs de chiffre d’affaires en 1995. « Courtisé par les financiers, je commets l’erreur de faire la fine bouche et de refuser l’entrée d’Apax dans mon capital » confesse Jean-Pierre Nadir, qui s’en « mord les doigts » quand deux lancements hasardeux plus tard (Mer & Océan et Sport’s Magazine), il se retrouve contraint de revendre son entreprise pour une bouchée de pain au groupe Aguesseau Communication (éditeur de Côté Sud) en 1999. 
Retour donc à la case départ avec la création d’Easyvoyage.com en 2000. Jean-Pierre Nadir lève près de 2 millions d’euros auprès de business angels pour financer l’amorçage du site qui combine contenu édi-torial et interface marchande. L’idée de créer un site dédié au voyage avait germé dans son esprit dès 1996, bien avant l’explosion du e-tourisme. Quatre ans plus tard, le marché est déjà encombré et la différenciation pas si évidente. Il choisit de se positionner sur le besoin d’intermédiation de l’achat de voyage en ligne et de saisir l’opportunité de la recomposition de la chaîne de valeurs du voyage, chamboulée par le net. Sauf qu’entre l’explosion de la bulle et le 11 septembre, le business model met trois ans à prouver sa pertinence et la start-up son équilibre. La monétisation des visiteurs du site via la publicité et les leads marchands rémunérés au clic ne sera rentable qu’à partir de juillet 2003. 
Entretemps, Jean-Pierre Nadir utilise son expérience de l’édition dans l’univers des voyages en vendant du contenu à la presse (supplément « voyage » du quotidien Le Monde…) et en développant les sites internet de tour-opérateurs. Les années 2004 et 2005 valident enfin son business model BtoC qui repose sur trois sources de revenus : les clics d’intermédiation facturés aux voyagistes, la publicité et la vente de liens sponsorisés (ou adwords) facturés au clic. Conforté par l’explosion du e-tourisme en France, le site atteint un chiffre d’affaires de 3,8 millions d’euros en 2005 pour un résultat net de 0,9 million d’euros.
Le LBO faute d’IPO
Jean-Pierre Nadir décide alors d’aller à la conquête d’Alternext en juin 2006. Mais là encore, il arrive un poil trop tard : « Les investisseurs et fonds spécialisés dans les jeunes entreprises internet avaient déjà beaucoup investi de février à avril. Entre la préparation de l’IPO début 2006 et son lancement en juin, la valorisation avait chuté de moitié et faute d’une souscription suffisante, Jean-Pierre Nadir renonce à la cotation… mais pas à ses ambitions de développement international. Pour les financer, il se décidera à franchir le pas qu’il a regretté d’avoir dédaigné à 30 ans : accueillir des financiers à son capital. Ce seront les deux fonds Natixis : Actem (ex-Spef LBO) et Seventure. Ils investissent 7 millions d’euros pour détenir à parité 36,5% du holding de reprise. Le tour de table sera complété par deux « pointures » du secteur, Jacques Maillot, fondateur de Nouvelles Frontières, et Francis Reversé, fondateur de Dégriftour, qui prennent 6 % des titres à eux deux. Le montage s’adosse à 2 millions d’euros de dette senior apportés par CIC et la Banque Populaire.
Ainsi doté, le site s’offre son concurrent CNI, éditeur de quatre sites de comparaison de prix de voyages (dont un situé en Espagne), pour 5 millions d’euros, ce qui lui permettra de sécuriser son lancement ibérique. L’année 2008 verra la conquête de l’Italie et de la Grande Bretagne. Un déploiement à l’international pour lequel l’expérience de Seventure, qui a accompagné d’autres participations dans les mêmes étapes, aura été utile. « Nous lui avons conseillé de localiser les équipes internationales en France pour garder la maîtrise des coûts » pointe Valérie Gombart.
Aujourd’hui, Easyvoyage s’affiche comme le numéro 4 européen de « l’infomédiation » avec 1,94 million de visiteurs uniques en août, bien loin du numéro 1 Tripadvisor (11,23 millions de visiteurs). « Le site doit doubler son audience d’ici à 2011 pour entrer dans le trio de tête » estime Jean-Pierre Nadir qui mise surtout sur le renforcement de sa présence outre-Manche et son lancement imminent en Allemagne. Le site, qui compte engranger 19,3 millions d’euros de chiffres d’affaires en 2009 pour un Ebitda de 4,4 millions a budgété une enveloppe de 9,3 millions d’euros pour ses lancements internationaux en 2009 et 2010, dont plusieurs build-ups à l’étude. Voilà pourquoi les 21 millions apportés par Gimv et UFG Private Equity (cf notre rubrique deal) seront les bienvenus pour soutenir cette croissance… et réaliser aussi une partie du patrimoine du dirigeant. On n’est jamais trop prudent !

Repères

> Juillet 2000 : création et levée de 2 M¤ auprès de Business Angels.
> Juillet 2003 : atteinte de l’équilibre.
> Juin 2006 : tentative d’IPO avortée.
> Décembre 2006 : premier LBO avec Seventure et Actem.
> Juin 2007 : lancement d’Easyviajar en Espagne, acquisition de CNI.
> Juin 2008 : lancement d’Easyviaggio en Italie.
> Décembre 2008 : lancement du site UK.
> Septembre 2009 : LBO secondaire avec Gimv et UFG PE.
> Novembre 2009 : lancement d’Easyvoyage en Allemagne.

Visions Croisées


PRIVATE EQUITY MAGAZINE : comment vous-êtes vous choisis ?
V.G. : Le dossier nous a été apporté par Actem (ex-Spef LBO) qui voulait s’allier notreexpertise dans les start-uptechnologiques. Nous avons été séduits par le projet et la personnalité du dirigeantet avons décidé d’investiren binôme pour un deal à la croisée du venture et du LBO.
J-P. N. : Je cherchais desfinanciers qui comprennentle métier et qui soient assez réactifs pour prendre des décisions dans des délaistrès courts. J’ai rencontréune quinzaine de fonds avant d’être convaincu par la complémentarité du duoActem et Seventure. 

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Comment se sont passés vos trois ans de vie commune ? 
V.G. : On n’a pas eu le temps de s’ennuyer. Nous avons tout de suite attaqué les build-ups et les lancements en Espagne, puis en Italie et au Royaume-Uni. Les conseils d’administration étaient très animés, mais si le charisme de Jean-Pierre Nadir peut paraître écrasant à première vue, j’ai été agréablement surprise par sa capacité d’écoute et sa vigilance à bien s’entourer. 
J-P. N. : Seventure et Actem ont parfaitement joué leur rôle d’accompagnateurs sans être trop intrusifs dans la stratégie de l’entreprise. J’ai bénéficié de leur expérience sur d’autres dossiers, ce qui m’a fait gagner du temps et peut-être évité de commettre quelques erreurs dans mes lancements internationaux.

PRIVATE EQUITY MAGAZINE : Comment vous êtes-vous séparés ? 
V.G. : Nous étions arrivés à la fin d’un cycle et le développement d’Easyvoyage dans des pays où les concurrents avaient déjà eu le temps de s’installer nécessitait un refinancement trop lourd pour nous. Nous avons préféré passer la main, surtout que les occasions de sortie avec d’aussi belles performances se font plutôt rares (NDLR : 40% de TRI et un multiple de 2,5).
J-P. N. : Il fallait passer la vitesse supérieure et faire appel à des fonds aux capacités d’investissement plus importantes. Ceci dit, j’ai tellement apprécié mon partenariat avec Actem et Seventure que j’ai choisi mes deux nouveaux fonds avec des transfuges des deux anciens : Arnaud Leclerq, directeur chez Gimv est un ancien d’Actem et Arnaud Filhol, directeur de participations chez UFG PE est un ancien de Seventure. Comme quoi, on finit par s’attacher aux personnes !

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