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L'histoire

L Capital joue gagnant avec Micromania 02.02.09

Dès 2001, L Capital a parié sur l’explosion du marché des jeux vidéo en s’invitant
chez Micromania, devenu leader français du secteur. Au bout de sept ans d’une histoire
passionnelle, l’investisseur s’est offert le luxe de choisir sereinement son repreneur
en pleine débâcle financière.
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En cédant Micromania pour 480 millions d'euros au leader mondial des jeux vidéo GameStop, L Capital a signé LA seule belle sortie du second semestre 2008. Pour autant, le fonds sponsorisé par LVMH a le succès modeste et la gloire discrète. On a beau appartenir au monde du luxe, on n'est pas bling-bling chez L Capital. Pas de TRI communiqué, ni de multiple affiché, à peine nous soufflet-on la valorisation de la PME il y a trois ans : 220 millions d'euros.
S'ils sont peu loquaces sur les chiffres, Philippe Franchet et Eduardo Velasco sont en revanche intarissables sur l'activité. Normal, le duo, est embarqué dans l'aventure depuis...2001. Bien avant que les Wii et autres déesses du jeu fassent l'objet de l'hystérie collective que l'on sait. À l'époque, l'enseigne pour «micromaniaques » comptait 80 points de vente et réalisait 115 M€ de CA. « C'était déjà une belle pépite qui avait réussi à se démarquer de ses concurrents par son positionnement sur le conseil et une politique de fidélisation pionnière », souligne Daniel Piette, président de L Capital. Recrutement de vendeurs passionnés par leurs produits, mise en place d'un système de cartes de fidélité pour tracer toutes les transactions et adapter l'offre au profil de chaque client, approvisionnement donnant la priorité aux blockbusters et aux nouveautés, organisation d'un salon qui fédère la communauté du jeu (Micromania Game Show)... le succès de l'enseigne doit beaucoup au génie marketing de son fondateur, Albert Loridan. Lequel s'est largement inspiré des recettes en vigueur dans la micro-informatique, où il a fait ses premières armes dans les années 80, avant de se lancer dans la distribution des jeux en 1983 avec un catalogue de 26 titres proposés par correspondance.

Élargissement de la cible
L'ouverture d'un premier magasin en 1990, à Paris, au Forum des Halles, marque la véritable impulsion de l'enseigne. En dix ans, Albert Loridan arrive à hisser la marque à la quatrième place du secteur, derrière les deux mastodontes de la grande distribution Carrefour et Auchan et talonnant de près l'autre « Pure player » Score Games. Mais le rythme de cinq à dix ouvertures paran mené jusque-là ne suffit pas à atteindre la taille critique et le fondateur de Micromania décide de passer la vitesse supérieure en accueillant L Capital, qui acquiert 35% des actions du distributeur en 2001. « Dans un marché où la concentration des fournisseurs leur permet de jouer la pénurie, il était vital de devenir leader le plus rapidement possible », précise Philippe Franchet. Le rythme des ouvertures est multiplié par quatre tandis que le public amateur de jeux vidéo s'élargit de manière exponentielle. « La cible était auparavant ramassée autour d'une clientèle masculine âgée de 15 à 25 ans, indique Eduardo Velasco. Cette tranche d'âge s'est beaucoup élargie, et elle s'est considérablement féminisée. » L'offre s'est enrichie. Des jeux plus intelligents, moins guerriers ont fait leur entrée dans les catalogues tandis que l'équipement lui-même adoptait des couleurs, des formes, des techniques plus conviviales. L'arrivée de la Xbox de Microsoft, de la PlayStation 2 de Sony et de la GameCube de Nintendo soutiennent une demande friande de nouveautés. Ce qui fait bien les affaires de Micromania qui devientleader de la distribution des jeux en 2005,
avec 225 points de vente, un chiffre d'affaires de 300 millions d'euros et 25% de parts de marché, soit deux fois plus que son challenger Score Games.
Prise de contrôle
Pour l'actionnaire minoritaire, c'est le moment idéal pour une introduction en bourse. Pas pour Albert Loridan qui refuse cette porte de sortie à son investisseur, quitte à lui-même sortir. Car le contrat scellé avec L Capital stipulait que si la société n'opérait pas son introduction en bourse ou une vente avant le 31 mars 2005, le fonds d'investissement pouvait racheter le reste des actions. Ce qu'il fit. Exit donc le charismatique entrepreneur remplacé, tambour battant, par un autre... charismatique entrepreneur. Pierre Cuilleret, co-fondateur de Phone House en 1996, est taillé sur-mesure pour le poste. Le secteur des jeux vidéo est au même stade de développement que la téléphonie dix ans auparavant et les points communs avec Phone House ne s'arrêtent pas là. « Dans les deux cas il y a un culte du service rendu à la clientèle, les deux sociétés sont leaders sur leur marché, connaissent une très forte croissance et emploient des conseillers de vente passionnés par leur métier », égrène Pierre Cuilleret. Sans parler du schéma de distribution spécialisée quasiidentique, des fournisseurs ultraconcentrés et de l'importance de l'innovation technologique. Et puis surtout, « ouvrir un magasin par semaine et doubler de taille en trois ans, ça je savais faire », ajoute le fringant quadra. Lequel s'est tout de même gardé d'arriver avec l'arrogance du serialentrepreneur pour ne pas froisser l'équipe en place « qui faisait déjà du très bon boulot ». Son crédo : « pas de révolution, de petites évolutions ». Qui finiront tout de même par infléchir la stratégie de l'entreprise.
Une nouvelle ère
Premier changement : le renforcement de l'enseigne dans les centres-ville, bifurquant de la politique historique d'ouverture dans les centres commerciaux. Un repositionnement entériné par le rachat des 49 boutiques du réseau Dock Games, autre entorse à la politique de croissance exclusivement interne et sans franchise du groupe.
Ce qui n'empêche pas Micromania de continuer sur un rythme de quarante ouvertures en propre par an. Autre innovation qui marque la nouvelle ère : l'enseigne s'essaie pour la première fois à la communication grand public en lançant des campagnes de pub télé et radio. Avec l'arrivée des femmes et des seniors, le bouche-àoreille entre initiés ne suffit plus et l'enseigne se renouvelle à la conquête de ce nouveau public. « Des évolutions nécessaires pour préempter des parts de marché avec l'élargissement de la cible, surtout après l'arrivée de la DS et la Wii de Nintendo», commente Eduardo Velasco. Pour rester en phase avec la demande de ses clients, le distributeur ne dédaigne plus le marché de l'occasion (qui représente aujourd'hui 20% de son CA) et prend le tournant du e-commerce en créant un site marchand en 2006. Autant de retouches qui ont rendu la mariée deux fois plus belle en trois ans, exhibant fièrement ses 500 millions d'euros de CA pour 332 magasins et 1200 salariés. De quoi faire succomber le leader mondial Game-Stop qui prend les manettes du jeu, récompensant L Capital de ses sept ans de patience.

Houda El Boudrari
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