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L'histoire

METabolic EXplorer secoue l’univers de la chimie 23.04.09

Dans un contexte de raréfaction des ressources fossiles, la société clermontoise de chimie biologique ambitionne d’apporter une alternative à la pétrochimie en produisant autrement, dans un cadre plus respectueux de l’environnement. Après une IPO réussie en 2007, elle peut toujours compter sur ses VC pour l’aider à franchir un nouveau cap.
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Ingénieur en biotechnologie formé sur le campus scientifique des Cézeaux, près de Clermont- Ferrand, Benjamin Gonzalez fonde en 1999 METabolic EXplorer avec Luc D'Oriol, co-fondateur de Genset. À partir de ses travaux sur le génome des bactéries, le jeune entrepreneur de 28 ans souhaite développer, par voie biologique, des micro-organismes non-pathogènes, capables de produire efficacement, à partir de matières premières végétales, des composés chimiques, substituables... Une alternative aux procédés chimiques traditionnels, lourds, coûteux et polluants, qui utilise le principe de la fermentation industrielle : « il s'agit au départ d'étudier le chemin métabolique de la bactérie, de supprimer les gènes inutiles, afin de la rendre plus efficace » résume Benjamin Gonzalez. L'entreprise bénéficie, pour démarrer son activité, de l'aide du fonds régional Sofimac, qui lui apporte 300 000 euros. En novembre 2000, après dixhuit mois d'amorçage dans les locaux d'une unité de l'Inserm, elle emménage sur le biopôle de Saint-Beauzire au nord de Clermont-Ferrand. Simultanément, un premier tour de 1,5 million d'euros est réuni, financé par Seventure et Sofimac. Les financiers effectuent un audit commercial et stratégique de la société qui révèle que si le créneau de l'après-pétrole est le bon, le modèle d'origine, qui est de vendre aux industriels de la chimie les services d'ingéniérie métabolique de la société, est relativement peu porteur de création de valeur pour les actionnaires.
L'entreprise opère alors un revirement stratégique en se recentrant sur la mise au point de « bioproduits » avec le projet de les vendre à l'extérieur, une fois développés. En désaccord avec les autres actionnaires, Luc d'Oriol quitte la société et Benjamin Gonzalez est nommé Pdg. Le nouveau business model demandant des moyens plus importants, un deuxième tour de 6 millions d'euros est réuni en 2002 avec Crédit Agricole Private Equity (lead) et Viveris Management comme nouveaux entrants. La même année, Philippe Soucaille, professeur à l'INSA de Toulouse, spécialisé dans le développement de produits chimiques à partir de matières premières propres et renouvelables, est recruté comme directeur scientifique. L'arrivée de ce dernier représente une importante caution scientifique, puisqu'il a supervisé auparavant pour l'américain Genencor et sur commande de DuPont de Nemours, le design de la souche qui permet de produire, à partir du glucose, un composé chimique de base, le 1.3 propanediol. Dès 2004, un premier jalon industriel est obtenu pour la méthionine, un acide aminé utilisé en nutrition animale et en pharmacie, produit en masse par synthèse chimique à partir d'un dérivé du pétrole, le propylène. En route vers l'industrialisation METabolic EXplorer fait alors le pari osé de « mettre aux enchères » ce procédé : « nous avions ciblé plusieurs partenaires potentiels sur la chaîne de valeur » se rappelle Paul Michalet, directeur financier de METabolic EXplorer. « Des producteurs de bioressources en quête de débouchés, des chimistes produisant des composés identiques aux nôtres mais par une voie classique, et aussi les utilisateurs finaux de ces composés » poursuit-il. Après avoir montré des « preuves d'intérêt » à l'entreprise auvergnate, les sociétés remettent leurs offres et c'est finalement Roquette, l'un des premiers producteurs d'amidon au monde, qui est sélectionné. « Ce groupe familial français, dont la culture était proche de la nôtre, présentait le profil le mieux adapté à la société, avec la maîtrise de la matière première, des capacités de fermentation conséquentes et un savoir-faire à l'international important » explique Paul Michalet. Preuve de son intérêt pour METEX, Roquette signe en 2006 deux accords de partenariat, l'un pour la méthionine, l'autre pour l'acide glycolique (utilisé dans la fabrication de cosmétiques ou de plastiques biodégradables) et rentre au capital de la société, à la suite d'un troisième tour de table de 5 millions d'euros. Devenir un acteur à part entière De quoi financer l'industrialisation des procédés et le développement d'autres bioproduits. Mais l'idée de l'introduction en bourse fait son chemin dans l'esprit des actionnaires. « La société avait de quoi tenir trois ans avant de refaire un autre tour mais l'accord avec Roquette, qui renforçait sa crédibilité auprès de l'industrie chimique, lui donnait une fenêtre de tir pour lever des capitaux et monter un peu plus haut sur l'échelle de création de valeur » explique Philippe Guinot, senior partner de Crédit Agricole Private Equity. Avec des moyens supplémentaires, METabolic EXplorer peut en effet envisager de dépas-ser le stade de fournisseur de technologies et de licences pour devenir un acteur à part entière de la chimie biologique, à travers des accords de joint-venture à exclusivité limitée le liant à des partenaires avec qui elle partagerait les revenus issus de ses « usines bactériennes ». « Avec nos procédés, nous apportons une solution concrète et plus compétitive à chacune des grandes familles de l'industrie biochimique afin de réduire leur dépendance aux matières premières fossiles, qui peuvent représenter jusqu'à 80% de leurs coûts » explique Benjamin Gonzalez .
L'aventure s'accélère
Fort de ces arguments, METEX a réussi l'une des plus belles IPO de biotech en 2007, en levant 60 millions d'euros sur Eurolist B. Au terme de l'augmentation de capital, les VC, qui ont mis 13 millions d'euros dans les trois tours de table, conservent 60% des 20 millions de titres de l'entreprise valorisée 162 millions d'euros, ce qui leur assure une belle plus-value. La plupart décident néanmoins de rester au capital au terme du lock-up, persuadé que la société n'en est qu'au début de son aventure. En un an, de fin 2007 à fin 2008, l'effectif est passé de 68 à 95 salariés, et les cinq composés chimiques de METEX, qui représentent un marché estimé à plus de 14 milliards de dollars et sont protégés par 181 brevets dans 49 pays, sont tous entrés en phase de pré-pilote industriel. La mise en route d'un pilote industriel, dont la construction est en cours, est prévue pour fin 2009 : il permettra de valider, par la production continue de centaines de kilos de produits, le prix de revient de chaque étape de fermentation et de purification pour fournir aux futurs partenaires les « process books » permettant de projeter la production de plusieurs milliers de tonnes. Le produit en propre le plus avancé, le 1.3 Propanediol, utile à la fabrication de fibres textiles, de polymères et de revêtements, fait déjà l'objet d'un accord de collaboration avec l'Institut Français du Pétrole pour utiliser du glycérol, un sous-produit issu de la production de biodiesel, comme matière première. Et surtout, grâce à l'introduction en bourse, l'entreprise dispose d'une visibilité financière conséquente avec une trésorerie disponible de 56 millions d'euros, alors qu'elle se prépare à la phase la plus intensive de son développement. Ce qui lui permet d'aborder sans complexe les discussions avec de grands acteurs industriels pour créer des joint-venture sur des marchés ciblés, comme l'Amérique Latine, l'Asie, les États-Unis et l'Europe, et d'imaginer produire un jour des produits de la vie courante fabriqués écologiquement et siglés « METEX Inside ».
François-Xavier Chapelle

VISIONS CROISEES Benjamin Gonzalez (METabolic EXplorer) et Philippe Guinot (C.A.P.E.)

PEM : Comment analysez vous le succès de Metabolic Explorer ?
B. G. : Notre business model, qui allie la licence de technologies à un partenaire industriel, et la recherche d'accord de joint-venture sur les marchés à gros volume, nous a permis de dégager rapidement du chiffre d'affaires et d'atteindre la rentabilité.
P. G. : Ce succès est la preuve qu'une société peut créer beaucoup de valeur pour ses actionnaires sans lever énormément de capitaux. Le management, qui a su s'entourer sur le plan scientifique et industriel a pleinement conscience des solutions attendues par le marché.
PEM : Quand espérez-vous signer votre premier accord de partenariat pour un de vos produits en propre ?
B. G. : Nous avons confiance dans le respect du planning fixé lors de notre IPO, qui consiste à obtenir les premières unités opérationnelles entre 2010 et 2012. Les discussions sont complexes et nous souhaitons que ce partenariat soit un benchmark pour le monde de l'industrie chimique.
P. G. : La bonne gestion du cash de la société lui permet de négocier sereinement un partenariat et plus elle avance vers le produit fini, avec la mise en route de son pilote industriel, plus notre valeur s'apprécie.
PEM : En quoi a consisté l'apport des fonds ?
B. G. : Philippe qui a exercé des fonctions de direction générale dans l'industrie pharmaceutique a mis à notre disposition ses réseaux et a su fédérer es actionnaires historiques lors de l'IPO.
P. G. : Notre rôle est d'apporter un oeil critique et onstructif sans nous mettre à la place de Benjamin. Cest lui qui reste le seul maître à bord, qui mène outes les négociations et il n'accepte jamais quelque chose auquel il ne croît pas profondément.

*Application de la biotechnologie à la production de produits chimiques de commodités (par opposition à la biotechnologie rouge - pour la pharmacie - et à la biotechnologie verte - pour l'agriculture).

Repère

En 10 ans, Benjamin Gonzalez a fait de METEX un acteur incontournable du marché de la biotechnologie blanche*.
> 1999 Création de METabolic EXplorer
> 2000 1er tour de table de 1,5 M€ (Sofimac Partner et Seventure)
> 2002 2ème tour de 6 M€(CAPE et Viveris Management)
> 2005 Conclusion d'un accord industriel de licence exclusive mondiale avec Roquette
> 2006 3ème tour de table de 5 M€ (entrée au capital de Roquette)
> 2007 Introduction en bourse sur Euronext
> 2008 Cinq produits en préindustrialisation
> 2009 Construction du pilote industriel
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