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L'histoire

Newsweb, la construction d'un portail "au masculin" 27.09.07

Newsweb, la construction d'un portail "au masculin"
Les VCs à l’instar d’Alven Capital viennent de céder au groupe Lagardère cet ensemble de sites d’information en ligne ciblant les hommes. Une vraie réussite malgré des «à coups».
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Newsweb, la construction d'un portail "au masculin"
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1999, l’équipe de France vient de remporter la coupe du monde de football, Alexis Caude est de retour après une expérience en management stratégique chez Universal Studios aux Etats-Unis, il décide de copier un business-model déjà existant outre-Atlantique… «Les Américains ne connaissaient rien au football, mais leurs sites consacrés aux sportifs de haut niveau venaient de lever des fonds auprès de VCs fameux : j’ai pensé à réaliser un coup financier», avoue l’entrepreneur… En novembre, il signe un contrat avec le joueur Nicolas Anelka et lance Athleteline.com, une société d’édition de sites de champions, en association avec le journaliste Hugues Dangy (pour le contenu) et le financier Cédric Baumer (pour la gestion). Charles Letourneur et Guillaume Aubin, les deux fondateurs d’Alven Capital qui naîtra quelques mois plus tard, s’associent à un capital «friends and family».
Dès 2000, la société reprend à Canal+ les droits Internet de tous ses sportifs – sauf Zidane – et atteint la cinquantaine de contrats avec la plupart des champions du monde (Deschamps, Desailly, Barthez, Lebœuf, Lizarazu, etc.). En juin, Athleteline boucle un premier vrai tour de table (de 1 million d’euros) avec Alven Capital donc, mais aussi BNP Paribas Développement, Capital-Invest (Aubay Technologies) et Qualis. Difficile quand même, car le crash Internet n’est pas très loin et ces sites ne réalisent pas encore de chiffre d’affaires (ni en publicité, ni en produits dérivés et autres photos dédicacées comme aux Etats-Unis…).

Production de contenus
Très vite, l’affaire perçoit ses limites et se lance, en mi-2001, alors qu’un deuxième tour paraît compliqué, dans la production TV pour le compte du bouquet TPS Star et d’Infosport (notamment avec des émissions présentées par Didier Deschamps et Marcel Desailly). La société ouvre alors son capital (pour 1,5 million d’euros supplémentaires) à M6 et Suez, qui souhaitent préparer la convergence entre web, télévision et téléphonie mobile – Jean d’Arthuys entre aussi au conseil d’administration. «Ce management a toujours saisi les bonnes opportunités de diversification et réussi l’intégration des différents métiers», avance Charles Letourneur chez Alven Capital, partenaire de la première heure.
En juin 2002, l’équipe de France de football rate sa coupe du monde et les chaînes clientes annoncent ne pas vouloir renouveler leurs émissions TV : «A ce moment-là, on repartait de zéro, sans chiffre d’affaires», poursuit le manager fondateur. Il apprend alors le redressement judiciaire de Sports.fr. Ce site lancé en France (avec 15 millions investis en pures pertes) par le groupe Sports.com (CBS, Soros, Chase, etc.) a souffert d’une grande concurrence sur un marché de l’information sportive en ligne gratuite qu’une publicité ciblée n’a pu rémunérer… L’affaire se boucle pour seulement 50 000 euros en 2002, et tous les actionnaires d’Athleteline.com remettent au pot (environ 300 000 euros), convaincus qu’il y a quelque chose à faire dans la production de contenus multimédias.
En 2003, la société renommée Newsports restructure le site d’information – le nombre de journalistes passe notamment de 24 à 11 –, et signe un contrat avec Wanadoo Sport, qui doit permettre des revenus récurrents. Avec le démarrage de la pub, elle atteint l’équilibre fin 2003. Le site de pronostics sportifs gratuits Sport4Fun est également en vente. Du fait de la législation française sur les jeux d’argent, des lots (du tee-shirt à la voiture de sport) y sont apportés par les annonceurs : du coup, cette société possède un grand savoir-faire en marketing direct et peut permettre de générer un nouveau trafic vers les sites de Newsports. La transaction, plus complexe que les précédentes, se fait par échange de titres en 2004, Sport4Fun devenant filiale à 100%. Le management optimise immédiatement les synergies, notamment de coûts techniques et administratifs – avec une nouvelle petite vague de départs à gérer… De 1,1 million de CA en 2003 (et 600 000 euros de pertes), le groupe passe à 2,7 millions de CA en 2004 (et 139 000 euros d’Ebitda). Dès 2005, l’ensemble draîne la deuxième audience Internet sur le sport en France (derrière lequipe.fr et devant Yahoo! Sport, Sport24.com, TF1 Eurosport, Football365 ou Sporever), la première si l’on tient compte de Wanadoo Sport.

2006, année clé

En parallèle, Laurent Jacob a développé le site Boursier.com, «un petit Boursorama» dont il est resté le seul actionnaire et qui a su gagner son audience à partir d’une newsletter payante reconnue pour ses conseils boursiers. Surtout, son principal concurrent est entre temps devenu broker en ligne et n’a plus pu compter sur le flux de publicités des autres intermédiaires de la place. Opportunité vite saisie par Laurent Jacob pour bonifier son chiffre d’affaires (2,2 millions en 2004) et ses marges (0,7 million d’Ebit). Fin 2005, il veut vendre et Alexis Caude l’apprend par l’intermédiaire de Jean-Charles Moulin, son actionnaire via BNP Paribas Développement… L’idée de créer un groupe de sites destinés aux hommes en s’appuyant sur le modèle d’auféminin.com prend forme. La transaction peut se faire pour 11 millions d’euros, 8 en cash, 3 en papier. Mais nécessite de lever 6 millions (plus 3 de dette) et se présente comme une occasion de coter l’ensemble : avec un placement privé pré-IPO réussi, l’opération se réalise le 12 janvier 2006 pour une capitalisation de 30 millions, dont 6 millions d’euros nouveaux. Elle rassemble Newsports (3,1 millions de CA et 0,45 d’Ebit en 2005) et Boursier.com (2,9 millions de CA et 0,9 d’Ebit en 2005) au sein de Newsweb, avant une introduction sur Alternext à 10,65 euros par action. Avec des métiers et cibles similaires, elle permet aussi de réunir des annonceurs publicitaires complémentaires.
Le reste de l’année va encore être mouvementé avec le lancement du site communautaire football.fr (avec chat, forums et blogs), puis d’autonews.fr. En cette fin 2006, le chiffre d’affaires atteint 9 millions d’euros, pour environ 3 millions d’Ebit. Et le cours, déjà en très forte hausse au printemps, a plus que doublé à près de 24 euros malgré les secousses de juin… Pour autant, le titre Newsweb n’est pas très liquide pour les VCs, d’autant moins que la valeur n’a pas fait l’objet d’un réel appel public à l’épargne avant le dépôt du document de référence en août. Quand les actionnaires entendent, cet été, de grands médias annoncer qu’ils ont raté un train sur l’Internet, une idée de sortie se précise. Et le management sent qu’il est temps de penser à une cession industrielle. Les réseaux dans la banque d’affaires sont relancés, Lazard est mandatée avec Matthieu Pigasse et Andrea Bozzi, contacts respectifs de Jean d’Arthuys et Charles Letourneur, et dont les entrées chez les grands médias peuvent être utiles vue la petite taille du dossier. Trois industriels sont mis en concurrence, quelques fonds de Lbo tentent de se greffer au processus… Le 12 décembre, Lagardère remporte l’affaire. Le groupe, en train de monter un véritable pole «sport» avec le rachat de grands clubs, du gestionnaire de droits Sportfive (voir n°20), et donc de médias spécialisés… a repris le 15 décembre 75,2% du capital pour 24,70 euros par action – une prime d’environ 10% –, avant une garantie de cours qui valorise la société 74 millions d’euros. Pour le fonds Alven Capital, désormais habitué aux multiples à deux chiffres, cela représente quand même plus de 6 fois la mise initiale. «C’est aussi une belle satisfaction d’avoir su investir sur seulement 3 managers et un slideshow…»
Fabrice Anselmi

Repères


> 1999
création d’Athleteline.com, signature d’un contrat avec le footballeur Nicolas Anelka
> 2000
rachats des contrats de sportifs de Canal+, 1er tour de table de table auprès des VCs
> 2001
lancement de production TV, ouverture du capital à M6 et Suez
> 2002
rachat de Sports.fr
> 2003
contrat avec Wanadoo Sport
> 2004
rachat de Sport4Fun
> 2006
rachat de Boursier.com et IPO sur Alternext, vente de l’ensemble au groupe Lagardère

Visions croisées Newsweb/Alven Capital

Alexis caude, président de Newsweb, revient avec Charles Letourneur et Guillaume Aubin, partners d'Alven Capital, sur cette aventure commune.
Private Equity : Quelles conclusions tirer de ce partenariat réussi ?

Alexis Caude : Les VCs comme Alven Capital et BNP Paribas Développement ont toujours été à nos côtés dans les moments difficiles : ce sont avant tout des hommes qui croient en d’autres hommes… Ils sont proches de leurs lignes d’investissement et font leur boulot sérieusement, posent toujours les bonnes questions, etc.
Charles Letourneur, Guillaume Aubin : Sur cette opération, nous avons toujours été très proches du management et donc présents au board jusqu’à l’introduction : nous en sommes sortis à ce moment-là car nous souhaitions avoir la possibilité de vendre nos titres si besoin (au lieu de quoi nous nous sommes renforcés).
Private Equity : L’histoire semblait pourtant mal engagée…
AC : Il était clair, presque dès le début, que nous n’avions misé ni sur la bonne industrie, ni sur le bon projet. Mais les VCs nous ont fait confiance… Ils ont joué un rôle à chaque réorientation, notamment en nous apportant parfois des opportunités de transaction nouvelle.
CL, GA : Cette opération était importante pour nous, l’une de nos premières au moment où nous avons créé Alven Capital : nous étions conscients de la complémentarité de ce management et il n’a d’ailleurs jamais commis d’erreurs d’exécution malgré les épreuves rencontrées.
Private Equity : Quel avenir après cette sortie symbolique ?
AC : Personnellement, je continue à être président du directoire de Newsweb avec la volonté de rester au cœur de la stratégie numérique du groupe Lagardère, qui vient de nommer Didier Quillot (ex-directeur d’Orange France) à la tête de son pôle «active medias». Avec le site du JDD puis ceux d’autres magazines, il y a beaucoup à faire…
CL, GA : Cette sortie auprès d’un géant de la presse écrite en Europe marque un virage emblématique vers le numérique. Et ce malgré les doutes récents de certains médias sur leur capacité à s’approprier l’Internet.
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