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L'histoire

Alltub, où comment emballer la vie d’une société… 20.08.08

Avec ce vrai carve-out sur les emballages Alltub, entre 2004 et 2007, 21 Centrale
Partners a montré sa capacité à accompagner un management dans une étape habituellement compliquée.
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L’idée germe en 2004 à différents niveaux. Le groupe Alcan-Pechiney est encore en pleine restructuration. Cebal, l’activité emballage tubes d’Alcan aussi. Le groupe voulait céder l’usine «tubes souples aluminium» de Saumur et appelle, pour un avis, Laurent Musitelli, Dg Allemagne-Europe de l’Est dans les flexibles d’Alcan. Après douze ans à différents postes de responsabilité dans le secteur, il connaît bien le sujet français, mais aussi la filiale italienne avec laquelle il imagine d’abord un transfert de compétences, puis de monter un carve-out sur les 3 sites en France, Italie et République tchèque… Une rencontre avec Jacqueline Henry et Joanna Ramon chez Arjil, et c’est la (longue) recherche d’un partenaire financier pour une équipe de management très motivée. «Notre force, sur certains deals compliqués, est souvent de poser les bonnes questions grâce à notre expérience industrielle», rappelle Gérard Pluvinet, président de 21 Centrale Partners, qui sera finalement choisi. L’opération envisagée pose effectivement quelques questions : quel périmètre sortir du groupe ? pourquoi cette activité «emballage aluminium» à l’heure d’un business plastique ?

Qualités produits
Laurent Musitelli avait déjà défendu l’aluminium dans ce groupe qui avait plus misé sur le plastique : «Pour des qualités évidentes de conservation pour les produits cosmétiques et pharmaceutiques, l’aluminium étant plus étanche à l’eau et à l’air que le plastique, tout en étant plus neutre en termes de goût pour l’agroalimentaire aussi. L’aluminium est également moins cher, sauf pour le dentifrice, qui représente des volumes considérables et permet donc de négocier des prix avec les fournisseurs…» L’aluminium est aussi plus léger, recyclable et écologique, avec une restitution de 99% du contenu (contre moins de 85% pour les tubes souples en plastique). En revanche, il reste à l’époque plus difficile à travailler, pour fabriquer le tube ou pour l’imprimer… sauf dans l’usine italienne, qui a développé un vrai savoir-faire innovant et arrive à des résultats équivalents. «J’ai toujours pensé qu’un client était prêt à payer 5% de plus pour un packaging qui donne envie», ajoute le manager, qui sait pourtant que la jonction avec la filiale italienne de Cebal n’est pas facile.
L’autre défi repose sur les contours de la future société : pendant l’automne 2004, Cebal Minmetal est séparé d’avec Cebal Italia, de l’autre côté des Alpes, pour rejoindre les futures entités juridiques Alltub de Saumur et de République tchèque, dont l’activité «laminés» sera recédée à Cebal juste après. Ce travail et la préparation de la future organisation se font en parallèle du montage de la dette et de longues due diligences, entre l’exclusivité dès octobre 2004 et le closing du LBO le 1er avril 2005. Il a aussi fallu négocier l’approvisionnement en bouchons via Pechiney, et trouver un accord avec Cébal Aérosol pour les produits réalisés en commun… «Tout s’est passé en confiance avec le groupe Alcan-Pechiney», explique François Barbier, l’associé de 21 Centrale Partners qui a piloté le projet, surtout préoccupé au début par les aspects opérationnels : «Il fallait créer une nouvelle force commerciale dédiée. Jusqu’alors, les filiales locales n’avaient pas comme priorité le développement international. Penser global – au moins Europe d’abord – était indispensable pour accompagner des clients comme L’Oréal, Procter & Gamble, Johnson & Johnson… Ce fut une petite révolution.» Bien menée par Laurent Musitelli, depuis longtemps conscient de ces aspects, et qui a su réussir un bon mix entre les équipes, notamment en alignant les intérêts. «Le secret d’une entreprise consiste toujours à trouver le bon équilibre entre les clients, les fournisseurs, les actionnaires et les salariés !»
A partir de là, il va impulser une solidarité dans le groupe, notamment avec la formation d’une vraie équipe de managers avec : Thierry Bitout pour l’Europe centrale et Pietro Guerra pour l’Italie, auxquels se joindra Olivier Fontaine, recruté en 2007 pour la France, au-dessus des directeurs de sites Jean-Paul Mariani et Jean-Marc Broudin ; Mario Barbero pour l’export et les grands comptes ; Francesco Rolla pour la direction financière, qui sera chapeautée dès 2006 par Joanna Ramon, convaincue par le projet d’entreprise Alltub… Un concours interne auprès des salariés a aussi permis de définir ce nom, un logo et toute une communication («your wishes, our mission»), «prête dès le lendemain du closing sur un salon professionnel !» rappelle François Barbier pour montrer la détermination.
En 2005, la société réussit également à mettre en place un système informatique SAP indépendant en phase avec ses besoins. Et à améliorer la productivité du site français, grâce notamment à une meilleure communication interne et la promesse d’un partage des gains : «Avec une certaine discipline, tout le monde peut s’exprimer et témoigner de son engagement, car le goût pour le challenge est un trait commun à nos salariés», explique Laurent Musitelli, évoquant ce Noël 2007 passé pour beaucoup à faciliter le passage au nouveau système informatique à Bondoufle…

Prestataire de services
Le développement commercial à l’international passe surtout par les ouvertures respectives de bureaux en Allemagne, au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et en Inde (premier fabricant mondial de médicaments génériques). Une approche globale qui lui permettra de passer en 2007 devant l’autre leader mondial, l’autrichien Tubex, avec 1100 millions de tubes produits contre 700 (sur un marché mondial de 10600 millions alors). Cette progression est également permise par une autre étape du partenariat avec 21 Centrale : le build-up en janvier 2007 sur le concurrent français Soupletube, société familiale alors en retournement, qui va lui permettre d’accroître ses capacités de production de 200 millions de tubes (20 millions d’euros de CA), avec une séparation claire entre les tubes destinés à la cosmétique, plus de 50% des ventes totales, et ceux destinés à la pharmacie, plus de 25%, le reste se répartissant entre l’agro-alimentaire, les colles, peintures et autres produits industriels.
L’autre argument qui finit de convaincre les grands comptes : dans un contexte où le coût des matières premières devient très volatile, Alltub propose alors, grâce à une force commerciale 2 fois plus importante que ses concurrents [plus de 30 commerciaux sur 900 salariés fin 2007], de les accompagner via des services complémentaires sur : l’outsourcing de l’emballage, la traçabilité des produits, le marketing lié au packaging, etc. «Avec ce genre de partenariat dans la durée, le client peut mieux se concentrer sur son produit.»
Le CA 2007 s’oriente vers les 100 millions d’euros, bien plus que celui qui avait été prévu pour 2009 (70 millions). Pour Laurent Musitelli, l’étape suivante passe donc forcément par le développement d’un site de production aux Etats-Unis, plus près des grands donneurs d’ordre. Pour le fonds qui l’accompagne depuis 2005, cela veut dire repartir pour un moyen terme. Les deux parties tombent d’accord sur une sortie de 21 Centrale, qui va se faire, avec un très bon TRI, auprès de Naxicap et des managers et salariés qui reprennent ensemble la majorité. Depuis, Alltub a entamé sa nouvelle aventure américaine par un build-up au Mexique.
Fabrice Anselmi

Repères

> 1992
Cebal (groupe Pechiney) milite pour des emballages plastiques plutôt qu’aluminium
> 2004
après la fusion Alcan-Pechiney, question sur l’avenir de l’usine «tubes aluminum» de Saumur
> 2005
LMBO sur les unités de productions «tubes aluminium» de Saumur (France), Cividate (Italie) et Kolin (République tchèque) avec 21 Centrale Partners ; ouvertures commerciales en Allemagne et Grande-Bretagne
> 2007
acquisition du français Soupletube, situé à Bondoufle (Essonne), réorganisé autour du segment “cosmétiques” ; Allltub Saumur est dédiée à la “pharma” ;
> mars 2007
ouverture aux Etats-Unis
> avril 2007
transfert du siège social à Paris
> juin 2007
ouverture en Inde
> novembre 2007
LMBO secondaire avec Naxicap, managers et salariés reprenant 51% des titres
> mai 2008
rachat (à 70%) du mexicain Santa Clara ; le groupe pèse désormais 120 millions d’euros de CA, 1200 salariés qui produisent 1300 millions d’unités (contre 900 pour le concurrent Tubex).

Visions croisées

  • Zoom
    Laurent Musitelli (Alltub)
    Laurent Musitelli (Alltub)
    © D.R.

Laurent Musitelli, Pdg de Alltub, et François Barbier, associé de 21 Centrale Partners, reviennent sur un partenariat réussi.
Private Equity Magazine : Comment vous êtes-vous choisis réciproquement ?
L. M. :
Nous avions déjà négocié, par l’intermédiaire d’Arjil, sur le mode de sortie du groupe Alcan-Pechiney. Il y a eu plusieurs fonds d’abord, puis rapidement l’équipe de 21 Centrale Partners a fait preuve d’une certaine réactivité face à ce dossier qui évoluait sans cesse.
F. B. : Les 4 managers emmenés par Laurent Musitelli ont montré une très grande motivation face à un projet ambitieux et complexe. Nous avons fait jouer notre double culture – financière et industrielle – pour décider rapidement face à leur professionnalisme. Le groupe Alcan a aussi été très coopératif.
Private Equity Magazine : Avez-vous rencontré des obstacles sur ce LMBO ?
L. M. : Le fonds nous a un peu guidés car c’était notre première aventure entrepreneuriale, malgré mes multiples expériences d’encadrement. Notre management avait une idée précise de la façon de mener la réorganisation opérationnelle. Au final, nous ne nous sommes pas déçus les uns les autres.
F. B. : Nous sommes d’abord intervenus sur les aspects financiers : les sites avaient uniquement leur comptabilité d’exploitation.
Il a fallu travailler sur le bilan, le BFR, accompagner la culture du cash-in/cash-out, pour rapidement dégager des ressources et financer la croissance…
Private Equity Magazine : Comment juger la fin de votre projet commun ?
L. M. : A partir du moment où il ne souhaitait pas se réengager, le fonds nous a donné la possibilité de prendre plus de place au capital et de chercher un partenaire. Naxicap, notamment Paul Moutinho, est d’un apport intéressant depuis six mois, qui viennent de se conclure par un build-up sur Santa Clara au Mexique.
F. B. : Nous avions montré une grande confiance et le business plan s’est déroulé mieux que prévu. Le management a été très bon tant dans la définition de ses ambitions que dans l’exécution. La suite nous engageait pour cinq ans de plus…

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