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L'histoire

La Croissanterie et Barclays ont la recette 23.11.07

La Croissanterie et Barclays ont la recette
L’entreprise parisienne de viennoiseries et restauration rapide a saisi l’opportunité d’un Mbo en 2001. Retour sur un partenariat équilibré entre une PME dynamique et un capital investisseur plutôt bienveillant.
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La Croissanterie et Barclays ont la recette
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Attention : cas d’école ! A l’été 2001, La Croissanterie et le fonds d’investissement Barclays Private Equity (BPE) concluent un  Mbo. Les acteurs indiquent un montant d’une trentaine  de millions d’euros, ce qui reste modeste, surtout à l’aune des deals réalisés en 2004. L’opération est toutefois exemplaire à bien des égards. Bien sûr, comme l’indique, dans un demi-sourire, Olivier Millet, directeur général de BPE, «en matière de capital investissement, les belles histoires sont forcément des investissements en cours…».
Réalisme ou humilité de la part du responsable du dossier La Croissanterie chez BPE ? A mi-parcours, l’entreprise et son sponsor financier peuvent se réjouir de la réussite d’un très beau Lbo de croissance et d’apprécier la qualité de leur association.

Un histoire, un bilan
Lorsque se nouent les premiers contacts, fin 2000, avec le fonds BPE, l’histoire de La Croissanterie et le parcours de son fondateur Jean-Luc Bret forcent le respect. Créée en 1977, l’entreprise a ouvert son premier point de vente à Paris, passage du Havre, proposant une gamme d’en-cas tout au long de la journée à une clientèle cherchant une alternative aux cafés traditionnels.
Moins d’un an plus tard, le chiffre d’affaires explose sous l’effet de transformations sociologiques lourdes (augmentation des déplacements et des repas pris à l’extérieur, clientèle plus féminine et jeune). Le succès se reproduit à l’occasion de l’ouverture d’un second point de vente au Forum des Halles en 1979. Le développement de l’entreprise évoluera ensuite au gré des ouvertures de nombreux centres commerciaux, en France et à l’étranger.
L’arrivée du fast-food et la crise économique du début des années 1990 entraînent la société dans une période de profonde remise en question. Le concept est rénové, les points de vente non rentables fermés et l’offre entièrement renouvelée. L’expansion connaît un second souffle dès 1994. La rentabilité se redresse sensiblement, la dette est remboursée.
Ainsi, en 2001, La Croissanterie ouvre les bras au capital-investissement les pieds sur terre et le bilan solide. Et son fondateur, Jean-Luc Bret, est convaincu que son «bébé peut encore grandir». Il souhaite faire évoluer une structure de capital paralysante et financer son développement. Le Mbo apporte une réponse concrète à ces deux problématiques.
D’une part, le fonds BPE prend 80 % du capital aux côtés du fondateur et des principaux cadres. D’autre part, l’expansion sera assurée par un financement d’une dizaine de millions d’euros, arrangé par la Royal Bank of Scotland (RBS), détenteur aujourd’hui de la totalité de la dette mezzanine. L’opération est bien ficelée, la mariée séduisante : l’épreuve de la vie commune peut commencer…

La compréhension du capital investisseur
L’équipe de BPE exprime d’emblée son soutien au management, rigoureux et volontaire. Le métier de La Croissanterie lui plaît : il est bien valorisé par le marché, offre des résultats récurrents  et des marges élevées. Elle choisit de laisser au management une très grande liberté d’action dans la réalisation de son plan de développement, et s’attache à l’aider dans la structuration d’un système d’information financière adapté au métier de la restauration rapide. Le rôle du capital investisseur est d’introduire du contrôle, donc de la fiabilité. Mais, dans le cas de La Croissanterie, le fonds a su aussi «se couler dans le moule de l’entreprise, dans les logiques de son métier», analyse Jean-Luc Bret. Il s’est adapté au rythme de développement de l’entreprise et l’a aidée à mettre en place une gestion dynamique de son bilan.
Trois ans plus tard, le business plan est réalisé, même dépassé en termes de rentabilité des capitaux investis. En outre, 24 nouveaux points de vente ont vu le jour, 12 ont été rénovés, le volume d’activité et la rentabilité progressent notablement. Et l’entreprise dans son ensemble s’est transformée : le «cercle vertueux du Lbo a parfaitement fonctionné», analyse François Guichot-Pérère de la RBS. La transparence exigée par ce type d’opération a permis de doter La Croissanterie d’un système d’information financière et de reporting à faire pâlir d’envie un grand nombre de mid-caps cotées.

Un premier LBO attrayant
En 2004, La Croissanterie, soutenue par BPE, souhaite poursuivre son développement et profiter d’une opportunité de croissance externe. Une nouvelle ligne de financement est mise à disposition, la dette est refinancée (pour un montant total de 32 millions d’euros), et sa maturité allongée. L’opération, conduite par la RBS, est accompagnée d’un remboursement partiel des prêts d’actionnaires souscrits en 2001.
L’offre est nettement sur-souscrite et, fait plus rare dans une «recap», des banquiers absents lors de la première opération se portent preneurs. Rançon du succès de la première phase du Mbo mais aussi signe révélateur d’un «marché de nouveau très liquide», selon François Guichot-Perère.
En attendant que le cercle vertueux du Lbo poursuive ses effets sur le développement de La Croissanterie, la question de la sortie est sur toutes les lèvres. «D’ici deux à trois ans», indique-t-on officiellement chez BPE. Mais le marché du Lbo est propice, la liquidité au rendez-vous. Jean-Luc Bret, lui,  s’y prépare, avec pour objectif prioritaire la pérennité de son entreprise. Redoutant la sortie industrielle, il se verrait bien entrer dans l’ère du Lbo carré puis cube. Son entreprise est prête. Elle a connu une profonde mutation qui lui permettra d’accueillir sans heurt de nouveaux capital investisseurs.
Marie-Laurence Bouchon

Repères

> 1977
création de La Croissanterie par Jean-Luc Bret
> Janvier 2001
premiers contacts avec Barclays Private Equity : la Croissanterie réalise un chiffre d’affaires de 24,8 millions d’euros et affiche une marge sur Ebitda supérieure à 14 %
> Juillet 2001
finalisation du Mbo
> Fin 2003
ouverture de 24 nouveaux magasins, soit un total de 121 à fin 2003 : la marge sur Ebitda est supérieure à 15 % ; la rentabilité des capitaux investis sur la période 2001-2003 est de 28 %
> Juillet 2004
opération de recapitalisation, refinancement de la dette et nouvelles facilités senior pour un montant total supérieur à 30 millions d’euros. La société prévoit 7 nouveaux points de vente en 2004, pour atteindre un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros à la fin de l’année

Visions croisées La Croissanterie/Barclays PE

Jean Luc Bret, président de La Croissanterie, et Olivier Millet, directeur général  de Barclays Private Equity commentent leur aventure commune.

Private Equity : Comment analysez-vous votre relation ?

Jean-Luc Bret : J’ai beaucoup de respect pour l’équipe de Barclays Private Equity car elle a su nous laisser de l’air… Ce sont certes des financiers exigeants (j’ai parfois pensé trop), mais leur grande force est de se mettre à l’écoute de l’entreprise, d’en saisir les problématiques et de comprendre où est la création de valeur. Une relation de confiance s’est installée.

Olivier Millet : La qualité du management de La Croissanterie est un des facteurs-clés de la réussite de ce Mbo. Nous en avons pris conscience dés les premiers contacts fin 2000. Cela se vérifie à chacune de nos rencontres, notamment lors des réunions mensuelles de pilotage. Le pragmatisme et l’exceptionnelle humilité de Jean-Luc Bret ont grandement facilité notre collaboration.

Private Equity : Quelle est la vraie valeur ajoutée du capital investisseur au sein d’une entreprise comme La Croissanterie ?

Jean-Luc Bret : L’arrivée du fonds a bien évidemment permis de débloquer une situation capitalistique délicate. Elle nous a surtout donné les moyens de notre expansion. Avec ce nouvel actionnaire, nous avons fait un véritable bond en avant. L’entreprise a conquis, par cette association, une logique de fonctionnement qui la rend pérenne et qui nous permet de considérer la possibilité d’un second Lbo en toute sérénité.

Olivier Millet : Le rôle du capital investisseur est de créer de la traçabilité dans l’histoire de l’entreprise. Pour cela, on lui apporte nos outils financiers. On l’accompagne techniquement. Psychologiquement aussi car la pression exercée par le Lbo sur le management est difficile… Le capital investisseur est là pour structurer le développement et inscrire la mutation de l’entreprise dans la durée.

Private Equity : Les objectifs de l’entrepreneur et de l’investisseur sont-ils toujours cohérents ? Quelles sont les limites de ce partenariat ?

Jean-Luc Bret : Il est certain que le capital investisseur pense avant tout à son TRI, dont le niveau exigé me paraît très élevé. C’est une pression supplémentaire pour l’entreprise, qui peut faire peur… Mais, c’est vrai qu’avec Barclays Private Equity, un vrai respect des compétences réciproques s’est installé. Chacun est à l’écoute des doutes et des interrogations de l’autre.

Olivier Millet : Le capital investisseur se doit d’accompagner la mutation de l’entreprise qui fait l’objet d’un Lbo. Le développement, la montée en puissance de la rentabilité, la structuration financière de la société sont des objectifs que nous partageons avec l’entrepreneur. Le partenariat fonctionne tant que les deux parties échangent et communiquent. 

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